Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Louisiane (suite)

L’économie traditionnelle reposait sur une agriculture archaïque associée à une forte inégalité sociale (grands propriétaires terriens, fermiers noirs, « petits Blancs », souvent Acadiens). L’agriculture actuelle reste sous-développée à certains égards (premier rang pour la superficie cultivée en riz, mais seulement troisième pour la production et sixième pour le rendement). Il existe, en revanche, des secteurs d’agriculture moderne : nouvelles rizières dans la prairie du Sud-Ouest (avec culture mécanisée et utilisation de l’avion pour répandre semences, engrais, insecticides) ; cultures récentes, comme celle du soja ; vergers d’orangers et de pêchers ; production de fraises (premier rang aux États-Unis). La vente du gros bétail, des produits de l’aviculture, du soja, du riz, de la canne à sucre, des fruits et du coton rapporte 640 millions de dollars (plus 56,5 millions de subventions fédérales). Les principales industries agricoles sont les huileries, les sucreries et les conserveries, qui n’ont souvent qu’une activité saisonnière.

La pêche connaît un très grand développement. La Louisiane compte quatre des dix premiers ports de pêche des États-Unis : Cameron, Empire, Morgan City, Houma-Dulac, où sont débarqués des crevettes, des crabes et surtout des poissons de faible valeur, comme le menhaden (hareng d’Amérique) ; ces ports sont aussi les centres de commercialisation de l’ostréiculture. Au premier rang pour le tonnage pêché, la Louisiane se place au troisième pour la valeur des produits (54 millions de dollars).

Elle est également au premier rang pour le nombre d’animaux à fourrure piégés (rats musqués), mais la valeur totale des peaux est relativement faible.

Les industries extractives (hydrocarbures en tête) constituent aujourd’hui la principale richesse (5,4 milliards de dollars, soit 16,7 p. 100 du total des États-Unis ; deuxième rang après le Texas). Le pétrole (111 Mt) et le gaz naturel (228 milliards de mètres cubes) sont extraits dans le Sud-Ouest et le Sud ainsi que sur la plate-forme continentale à la faveur d’une structure en dômes. Ceux-ci renferment aussi du sel (premier rang avec 12,2 Mt). Le soufre (premier rang également avec 3,8 Mt) provient en grande partie de gisements sous-marins. L’exploitation de ces diverses matières minérales a donné naissance à l’industrie chimique (raffineries, production de caoutchouc, d’acides, de bases et dérivés) ; conjuguée avec une exploitation forestière en expansion, elle a favorisé à son tour l’industrie des pâtes et papiers.

Par suite de l’exode rural et des progrès de l’industrie, des pêcheries, des transports et des services, la population urbaine approche de 70 p. 100.

Lafayette est le foyer culturel des Louisianais francophones et le centre d’industries dérivées du pétrole. Baton Rouge (285 000 hab.) est la capitale de l’État (25,6 p. 100 de la population active employée dans l’Administration) ; c’est le marché d’une riche région agricole (canne à sucre et riz principalement) et un centre industriel très important (raffineries de pétrole, fabriques de caoutchouc synthétique), en expansion rapide depuis la dernière guerre. Le trafic du port s’est accru (8 Mt en 1961 et 35 en 1972). Par son histoire et ses relations économiques, Shreveport (295 000 hab.) est tournée vers le Texas. Au cœur d’une région cultivant le coton, c’est aussi un centre d’extraction du pétrole et une ville industrielle (raffineries, industries chimiques, industries alimentaires).

La Nouvelle-Orléans (New Orleans, 1 046 000 hab.), métropole de l’État, regroupe près de 30 p. 100 de sa population. Le centre de la ville doit à une forte implantation française (le Vieux Carré) suivie d’une occupation espagnole et à un plan radioconcentrique imposé par un méandre du Mississippi une ambiance particulière. Arrêtée au nord par le lac Pontchartrain et mal reliée à la rive sud du fleuve, la ville s’étend sur la rive gauche vers l’amont et l’aval. Le tonnage des marchandises manipulées dans le port est soumis à de fortes variations (30 Mt au début des années 1960, 52 vers le milieu et 20 à la fin, 57 en 1972), en rapport avec la concurrence des ports de la côte atlantique, pour drainer le centre et le sud-ouest du Midwest, et du port de Houston, pour desservir l’Oklahoma et le Kansas. C’est la fonction de redistribution vers d’autres ports américains des produits agricoles et industriels de l’intérieur qui est la plus touchée ; en outre, le développement de Baton Rouge réduit la fonction de transit de La Nouvelle-Orléans.

P. B.


L’histoire

La région est probablement traversée par l’Espagnol Álvar Núñez Cabeza de Vaca (1507-1559) lors de l’immense randonnée qu’il effectue dans le sud des actuels États-Unis, après le désastre de l’expédition de Pónfilo de Narváez (1528). Puis Hernando de Soto atteint le cours inférieur du Mississippi en 1540, au lendemain de sa tentative de colonisation de la Floride. Enfin, le Français Cavelier de La Salle*, venu du nord, parvient à l’embouchure du grand fleuve le 6 avril 1682. Le 9, il organise une prise de possession solennelle de l’immense région qu’il vient de parcourir, qu’il baptise Louisiane en l’honneur de Louis XIV : la cérémonie a lieu probablement à proximité de l’actuel village de Venice, sur l’ultime levée du fleuve, à une centaine de kilomètres au sud-est de La Nouvelle-Orléans. Ainsi, mais combien théoriquement..., le développement du commerce anglais avec les Indiens de l’intérieur du continent est-il limité par les Français. La réussite de son exploration incite La Salle à préconiser une tentative de colonisation dans ces régions. Il met en avant un argument stratégique : de là on pourrait menacer aisément les possessions espagnoles du golfe du Mexique. En fait, ces dernières sont éloignées, et le fondateur de la Louisiane n’hésite pas à truquer un peu les documents cartographiques qu’il présente à Versailles : il fait dévier vers l’ouest le cours inférieur du Mississippi pour le rapprocher du Mexique... L’expédition de La Salle, partie en 1684 de Rochefort, se soldera par un échec et par la mort du découvreur.