Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Lorraine (suite)

Une grande zone de passage

La Lorraine reste une grande région de passage. La réconciliation franco-allemande a encore accru cette fonction. Plusieurs axes européens de première importance la traversent. Les lignes ferroviaires Paris-Metz-Sarrebruck-Francfort-Berlin ou Prague-Amsterdam ou Bruxelles-Luxembourg-Thionville-Metz-Strasbourg-Bâle-Milan comptent parmi les voies les plus importantes. L’arrondissement ferroviaire de Metz est un des premiers de France sur le plan du trafic de marchandises. L’autoroute A 32, qui relie Metz à Sarrebruck, est prolongée aujourd’hui vers Paris et Strasbourg. Il s’y ajoute l’autoroute Thionville-Metz-Nancy. Avec tous les équipements auto routiers réalisés, la région messine est devenue le principal carrefour autoroutier de la France de l’Est. Ainsi cette vieille cité romaine retrouve-t-elle ses fonctions de passage que la géographie lui a offertes, mais que l’histoire lui a souvent disputées. La canalisation de la Moselle (gabarit européen de 1 350 t) rattache la Lorraine au système fluvial rhénan et oriente son économie vers les pays rhénans et vers Rotterdam. Le trafic sur la Moselle française dépasse 8 Mt par an. Aménagée surtout pour « mettre la sidérurgie sur l’eau », la Moselle n’est peut-être pas exploitée au maximum de ses possibilités. Cependant, la voie d’eau fait naître des trafics nouveaux. La construction de silos à grains a permis à Metz de devenir le premier port fluvial céréalier en France. Drainant les céréales depuis la Champagne et la Bourgogne, le port expédie près de 500 000 t de grains par an.

Il convient d’ajouter le tourisme. Les stations des Vosges (Gérardmer, Saint-Dié, La Bresse, Plombières, Vittel, Contrexéville) s’adressent à une clientèle diversifiée. La pratique du ski se développe, mais l’enneigement irrégulier de la moyenne montagne que sont les Vosges constitue un handicap. Le tourisme culturel n’est pas à négliger. L’antique cité de Metz (thermes romains, cathédrale), capitale de l’Austrasie, a été le berceau des Carolingiens ; Nancy, ville plus récente, illustre l’architecture française du xviiie s.


Villes et organisation régionale

L’évolution actuelle entraîne la densification du sillon Meurthe-Moselle, notamment entre Nancy, Metz et Thionville. La rivalité de Nancy et de Metz a rendu impossible le choix d’une seule métropole pour la région de Lorraine. L’évolution historique et économique a fait de ces deux cités plus des villes concurrentes que des villes complémentaires. Si l’O. R. E. A. M., chargée de l’étude de l’aire métropolitaine lorraine, s’est installée à Pont-à-Mousson, le reste des organismes régionaux tend à se répartir entre Metz, siège de la préfecture régionale, et Nancy. Pendant longtemps, Nancy a été considérée comme la grande ville tertiaire de Lorraine (université, I. N. S. E. E., direction régionale des P. T. T., etc.). Metz, ayant obtenu la création d’une université, détient d’importants services régionaux (préfecture régionale, VIe région militaire, agence de bassin Rhin-Meuse, trésorerie régionale, etc.). La situation frontalière de la Moselle et de Metz, face à une Sarre qui présente une densité de 440 habitants au kilomètre carré, entraîne la nécessité de doter le nord de la Lorraine d’une métropole bien équipée à tous les niveaux. L’influence de la R. F. A. se marque dans cette partie par de nombreux facteurs : migrations quotidiennes de travailleurs, attraction commerciale et culturelle, implantations d’usines et de commerces. Aussi, en y ajoutant les relations traditionnelles avec le Luxembourg et la région belge d’Arlon, on est amené à envisager la constitution, à long terme, d’une grande région européenne appelée le « Triangle lourd », dont les bases seraient Luxembourg-Metz-Sarrebruck.

F. R.

➙ Metz / Meurthe-et-Moselle / Meuse / Moselle / Nancy / Vosges.

 R. Nistri et C. Prêcheur, la Région du Nord et du Nord-Est (P. U. F., 1959 ; 2e éd., 1965). / C. Prêcheur, la Lorraine sidérurgique (S. A. B. R. I., 1959 ; 2 vol.). / A. Blanc, E. Juillard, J. Ray et M. Rochefort, les Régions de l’Est (P. U. F., 1960 ; 2e éd. avec la coll. de R. Haby, 1970). / R. Haby, les Houillères lorraines et leur région (S. A. B. R. I., 1964). / F. Reitel, les Régions de la France de l’Est et leur environnement géographique (C. O. P. R. U. R., Strasbourg, 1967). / H. Nonn, la Lorraine (Larousse, 1973).


L’histoire


Naissance de la Lorraine

Les fleuves lorrains, qui roulent du sud vers le nord, ont établi de profondes dépressions au pied des Côtes calcaires et fixé pour longtemps l’axe principal de la grande circulation ; à l’ouest, le plateau barrois et le massif argonnais coupent le pays du Bassin parisien, et les Vosges le séparent de l’Alsace. Là, au Ier  millénaire av. J.-C., dans la moitié sud, la tribu celte des Leuques avaient trouvé à s’établir : Toul en était la capitale. Celle des Médiomatrices occupait un espace trop vaste de l’Argonne au Rhin : la partie orientale s’en détacha, tandis que Verdun groupait une autre part à l’ouest ; Metz gardait la prééminence au centre.

L’occupation romaine quadrilla mal le pays. Une grande voie le traversait : celle qui allait de Lyon à Trèves en passant par Langres, Toul et Metz, et en faisant fi des vallées ; une deuxième voie menait de Reims au Rhin par Verdun et Metz ; quelques autres, mais de moindre importance, pénétraient le sud. Déjà, la Vôge forestière était tenue à l’écart, et la vallée de la Moselle centralisait l’activité. Quelques villas, les restes d’un aqueduc (Jouy-aux-Arches), l’amphithéâtre de Grand rappellent la domination des Romains.

La densité d’occupation était déjà grande aux premiers siècles de notre ère le long de la zone de contact des parlers germanique et roman, autour des cités et à proximité des grandes voies de passage. Les défrichements furent vivement conduits jusqu’à l’époque carolingienne. Le nombre des cimetières francs mis au jour le confirme. Mais les grands monastères bénédictins du viie s. trouvèrent encore largement à s’isoler sur le plateau lorrain ou dans la Vôge.