Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Lorraine (suite)

Les plateaux occidentaux

Cette appellation désigne les revers calcaires des Côtes de Moselle et de Meuse. Un premier plateau important se développe entre la Côte de Moselle et la Woëvre. Il est constitué par les calcaires bajociens. Des placages de limons fertiles autorisent des rendements céréaliers très élevés : plus de 50 q/ha dans de nombreuses exploitations qui ont abandonné tout élevage. Le paysage est monotone. De larges étendues sans arbres caractérisent l’openfield lorrain. Les villages sont de taille réduite. C’est là que se sont déroulées les grandes batailles de la guerre de 1870, entraînant le siège de Metz. À partir de Briey, vers le nord, l’exploitation des gisements de minette a entraîné le développement de paysages miniers et industriels. Là on se trouve dans le « Pays Haut », essentiellement sidérurgique et minier. D’anciens villages sont devenus des communes-dortoirs ou des centres miniers. Restée française après 1871, cette région a fourni l’essentiel du minerai à la France pendant l’annexion de la Moselle par l’Allemagne. Les usines sidérurgiques se sont surtout installées dans les hautes vallées de l’Orne, de la Fentsch et de la Chiers. Aujourd’hui, leur localisation est mise en question. Le travail minier et industriel a entraîné l’appel à une main-d’œuvre étrangère très nombreuse, qui peut être majoritaire dans certaines communes. Malheureusement, l’absence d’une politique d’urbanisme à l’échelle du bassin ferrifère n’a pas permis le développement de villes importantes, malgré l’ampleur de l’extraction minière et du travail sidérurgique. Le plateau à l’ouest des Côtes de Meuse est tout différent. La vie agricole domine largement. L’industrie ne présente que des implantations ponctuelles (cimenteries). Le revers des Hauts de Meuse est recouvert d’énormes surfaces boisées où les villages occupent souvent des finages à l’aspect de clairières. C’est ici qu’ont eu lieu les sanglants combats de la guerre de 1914-1918, surtout à partir de 1916 autour de Verdun. Les destructions dues à la Première Guerre mondiale ont eu de graves répercussions sur la vie agricole. La plupart des villages ont dû être entièrement reconstruits. Les premiers remembrements modernes en France ont été réalisés ici. Malgré la reconstruction, la région, devenue une espèce de musée national, n’a pas retrouvé son brillant de jadis. La vie industrielle a du mal à se développer dans l’ensemble du département de la Meuse.


La population

L’évolution démographique a été conditionnée par l’essor industriel et les vicissitudes politiques d’une région frontalière. Jusqu’en 1964, la natalité est restée, pour l’ensemble, supérieure à 20 p. 1 000, dépassant la moyenne nationale. Les régions rurales et agricoles connaissent des taux inférieurs à ceux des villes et des zones industrielles. Le département de la Moselle demeure en tête malgré les difficultés de la sidérurgie et des houillères. En 1970, la natalité y est de 18,2 p. 1 000, et la mortalité de 8,5 p. 1 000 (excédent de près de 10 p. 1 000 ; 7,8 en Meurthe-et-Moselle, 7,3 dans les Vosges et 5 dans la Meuse). Depuis 1969, la population lorraine s’accroît ainsi de près de 50 000 personnes par an, ce qui démontre une assez belle vitalité. Cet accroissement est en partie dû à une faible mortalité, toujours inférieure à la moyenne nationale. Elle ne dépasse que rarement 10 p. 1 000 pour l’ensemble des quatre départements et 9 en Moselle. La continuité de cette évolution a entraîné des conséquences importantes.

L’évolution naturelle a provoqué un rajeunissement considérable de la population : quatre Lorrains sur dix ont moins de vingt ans. La proportion des jeunes est encore plus élevée dans les zones industrielles et urbaines. Localement, elle peut dépasser 50 p. 100 de l’ensemble de la population. Cette situation est d’autant plus remarquable que, depuis une décennie au moins, les trois piliers de la vie économique lorraine (mines de fer et sidérurgie ; houillères ; textile) donnent des signes d’essoufflement, entraînant la suppression de milliers d’emplois.

L’avenir démographique est lié à la politique de l’emploi. Entre 1965 et 1969, la crise économique s’est manifestée par un bilan migratoire négatif, qui, cependant, a pu être compensé par l’excédent des naissances. À partir de 1969, le solde migratoire est de nouveau positif, mais essentiellement du fait de l’immigration d’ouvriers étrangers. De plus, la sidérurgie a annoncé d’importants licenciements pour les années à venir (12 000 entre 1972 et 1975), auxquels il convient d’ajouter les suppressions d’emplois annexes. Enfin, en 1975, plus de 17 000 Mosellans vont travailler quotidiennement en R. F. A. (Sarre surtout) du fait du manque d’emplois dans le bassin houiller. L’évolution démographique est plus que jamais liée à la création d’activités nouvelles, surtout dans la région frontalière, et cela d’autant plus que l’agriculture lorraine perd chaque année 2 500 personnes actives. Le Ve Plan escomptait une réduction de 20 000 emplois dans l’industrie lourde (mines de fer, houille, sidérurgie), alors qu’elle a été de 30 000 unités. Par contre, il prévoyait la création de 40 000 emplois nouveaux, mais 25 000 seulement ont été réalisés.

L’évolution démographique depuis 1945 a entraîné le déplacement du centre de gravité du sud vers le nord. Alors que le département rural de la Meuse continue sa lente agonie, malgré un excédent naturel, le département de la Moselle est devenu le premier département millionnaire lorrain. Il a gagné plus de 600 000 personnes depuis 1801, et cela malgré le départ d’une partie de sa population en 1871 et l’expulsion en 1918 des citoyens allemands installés sur son territoire depuis cette dernière date. À lui seul, le département de la Moselle représente 43 p. 100 de la population lorraine en 1975. Si l’on y ajoute la population de la zone sidérurgique du nord du département de Meurthe-et-Moselle, l’ensemble du nord de la Lorraine réunit près de 60 p. 100 de la population totale de la région. Ainsi l’expansion de la sidérurgie et des houillères a-t-elle complètement bouleversé depuis un siècle la distribution de la population. Malheureusement, l’implantation des grands équipements sociaux et culturels n’a pas suivi la progression démographique, ce qui pèse lourdement dans cette région frontalière.