Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Lorraine (suite)

Les Côtes de Meuse ont une dénivellation moins marquée. La grande voie de passage ne se situe pas au pied de la Côte, mais à l’ouest, dans la vallée de la Meuse. Aussi les Côtes de Meuse sont plus rurales que leurs voisines de la Moselle. Aucune grande ville ne se trouve à leur pied, et il n’y a pas de minerai. Par contre, leur rôle stratégique a été grand au cours de la Première Guerre mondiale.

Les villages des Côtes ont longtemps présenté le plus souvent une répartition du finage en trois étages : les terres basses, empiétant éventuellement sur les fonds de vallée (Moselle), consacrées aux prés, aux terrains de parcours communaux ; la partie moyenne du versant, bien égouttée, correspondant souvent aux anciennes terrasses, réservée aux céréales, mais surtout à la vigne ; à l’amont du village, débordant sur les calcaires du plateau, les terres les plus ingrates, abandonnées à l’indispensable forêt, qui fournissait non seulement le bois de chauffage et de construction, mais encore les échalas pour les vignes. Cette organisation a été complètement bouleversée avec l’industrialisation et l’urbanisation des villages des Côtes. Les Côtes de Moselle, de Metz à Nancy, ne comptent plus aucun village agricole. Le versant est souvent à l’abandon. Seuls les ouvriers-paysans ou fonctionnaires-paysans cultivent encore quelques lopins de terres (légumes, fraises, mirabelles, rarement de la vigne). Les villages des Côtes restent pourtant parmi les plus pittoresques de Lorraine. Les maisons tassées autour de vieilles églises, quelquefois fortifiées (Pays messin), possèdent souvent des caves voûtées rappelant la viticulture, aujourd’hui disparue. On a commis une grave erreur en prétendant que tous les villages lorrains avaient le même aspect de villages-rues. Beaucoup de villages des Côtes, contrairement à ceux des plateaux, étaient entourés d’une enceinte, dont il subsiste encore des traces. La viticulture, entraînant des densités démographiques plus importantes que dans les villages céréaliers des plateaux, explique qu’au cours des guerres du xviie s. les disparitions de villages ont été moins fréquentes ici. Les parcellaires ont survécu la plupart du temps alors que, sur le plateau, du fait d’importantes destructions ou d’abandons de villages, on a été amené, aux xviie et xviiie s., à procéder à de très nombreux remembrements. La viticulture a été jadis la grande richesse des Côtes. Certains villages pratiquaient presque la monoculture de la vigne (plus de 75 p. 100 du finage). Grâce à la Moselle, le vin était exporté dès l’époque romaine vers les pays du Rhin, plus tard vers ceux de la Baltique. La viticulture a décliné, pour de multiples raisons, à partir du milieu du xixe s. Les plantations de mirabelliers n’ont pas eu le succès escompté. Aujourd’hui, les Côtes sont en profond déclin sur le plan agricole. La viticulture reste cependant présente à travers les parcellaires, très morcelés, rendant la construction difficile par suite des exigences en surface des plans d’urbanisme. Seul le Toulois connaît une renaissance de la viticulture, ses vins ayant obtenu l’appellation V. D. Q. S.


La dépression liasique

Le contact entre les roches liasiques et jurassiques se fait généralement par une dépression qui tire son nom de la prédominance des roches liasiques meubles. Cette dépression est avant tout celle de la vallée de la Moselle, entre Frouard et Thionville. La Moselle imprime son cachet particulier à ce couloir d’une grande ampleur. De part et d’autre de la vallée, les restes des terrasses constituent les meilleurs terroirs agricoles. Le cours d’eau s’est encaissé entre les Côtes de Moselle et l’avant-côte liasique. La basse terrasse est importante, car elle renferme la nappe phréatique où s’alimentent en eau potable les villes et les communes. Les villages, pour se mettre à l’abri des inondations, se sont établis à l’écart du cours d’eau. Mais, au fond de la vallée, les fermes dispersées sont nombreuses. La plupart, anciennes, sont de grosses exploitations de plus de 100 ha, ayant traversé toutes les vicissitudes historico-politiques sans être démembrées. Leur nombre et leur importance économique atténuent l’affirmation selon laquelle la Lorraine est un pays d’habitat exclusivement groupé. La vallée de la Moselle était dès l’époque romaine une voie de passage de première importance empruntée par la route impériale Lyon-Dijon-Metz-Trèves. Aujourd’hui, la fonction de passage est renforcée par la Moselle canalisée, l’autoroute Nancy-Metz-Thionville (même si elle n’emprunte pas toujours la vallée), le chemin de fer, souvent à quatre voies. L’industrie a revivifié la vallée à partir de la seconde moitié du xixe s. En effet, l’extraction du minerai de fer s’est faite d’abord, par des carrières et des galeries, en partant de la vallée. Aujourd’hui, l’économie de la vallée est dominée par la sidérurgie et par les agglomérations de Metz et de Thionville. La population du nord de la Lorraine tend à se grouper dans le sillon mosellan, surtout au détriment du « Pays Haut », c’est-à-dire de la région de Briey-Longwy, où l’exploitation du minerai se concentre, alors que diminue le nombre des emplois.


La Woëvre

Située entre les Côtes de Moselle et les Côtes de Meuse, la Woëvre est une plaine argileuse parsemée d’innombrables étangs, tant naturels qu’artificiels. Le substratum est composé des marnes du Callovien et des argiles de l’Oxfordien. Malgré la lourdeur des sols, la Woëvre a été encore au siècle dernier une région céréalière. Actuellement, les céréales ont tendance à reculer devant l’herbe. L’élevage, souvent extensif, l’emporte de loin. La région est gravement touchée par l’exode rural. Aussi la taille des exploitations a-t-elle tendance à augmenter, ce qui n’est pas forcément un signe de progrès. La propriété paysanne tend à croître en importance, alors qu’au xviiie s. la propriété ecclésiastique dominait. La célèbre abbaye de Gorze, dont un Rohan était alors l’abbé en titre, était seigneur foncier d’une centaine de villages. Au xixe s., la propriété bourgeoise avait pris le relais. La taille moyenne des exploitations à temps complet tend à se situer largement au-dessus de 50 ha. L’élevage laitier constitue la principale ressource.