Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Lorraine (suite)

Les plateaux constituent la forme dominante du relief. Il s’y ajoute la forme complémentaire en région sédimentaire : les cuestas ou « côtes ». Le relief actuel provient d’une surface d’érosion tertiaire plus ou moins nivelée et sur laquelle se sont encaissés les cours d’eau. À l’époque, la pente topographique sud-nord devait être déterminante avant le soulèvement des Vosges. C’est cette surface d’érosion qui détermine la direction du drainage, qui ne paraît pas conforme à la structure. Cet aspect est capital pour la compréhension de la nature physique et humaine de la Lorraine. En échappant au Bassin parisien (et au réseau hydrographique de la Seine), les vallées de la Moselle et de la Meuse ouvrent la Lorraine vers le nord, facilitant les migrations et les échanges avec les pays de l’actuel Benelux et les pays rhénans. Le rôle stratégique et historique de la Lorraine, de sa partie nord surtout, découle largement de sa nature physique. La vie s’est initialement concentrée près des cuestas. Selon l’épaisseur des couches qui les constituent, les versants qui en découlent sont plus ou moins longs, plus ou moins concaves. Des intercalations de bancs calcaires dans les couches marneuses provoquent des replats structuraux qui ont été mis à profit pour l’établissement des premiers villages (Côtes [ou Côte] de Moselle). Certaines de ces cuestas sont peu développées. Les plus vigoureuses sont celles qui constituent les Côtes (ou Côte) de Meuse (ou Hauts de Meuse) et les Côtes de Moselle. Au contact des couches calcaires dominantes et des marnes ou argiles sous-jacentes se situent les sources qui ont attiré le peuplement. Ces cuestas forment des remparts naturels, gardant les entrées du Bassin parisien, stricto sensu. Les Côtes de Moselle sont plus vigoureuses que celles de Meuse. Cela tient à la présence, en contrebas, de la Moselle, qui s’est profondément encaissée, dégageant ainsi la côte. La surimposition consécutive à la morphogenèse tertiaire a provoqué l’enfoncement de la Meuse à l’arrière des Côtes de Meuse, si bien que celles-ci n’ont été dégagées que par des cours d’eau secondaires.


Les conditions climatiques

La Lorraine est réputée pour la rudesse de son climat. Au temps où houillères et sidérurgie étaient en pleine expansion, on la surnommait, improprement d’ailleurs, le « Texas français ». Depuis que ces activités sont en crise on l’appelle la « Sibérie française ». Ces appellations exagérées ne tiennent pas compte des réalités. Le climat lorrain est placé sous l’influence de deux éléments : les dépressions océaniques et l’anticyclone continental (de Sibérie). Le déplacement respectif de ces masses d’air détermine le climat de la région. En janvier, la moyenne thermique est de 1,7 °C à Metz et de 1,3 °C à Nancy. Elle est naturellement plus basse à l’approche des Vosges. Juillet est relativement chaud : 18,2 °C à Metz, 18,1 °C à Nancy. Les étés peuvent être très chauds, la moyenne des maximums pouvant dépasser en août 25 °C sur le plateau. La cause en est l’invasion d’air chaud et sec d’origine subtropicale. Une des plus belles saisons est ici l’automne, que les peintres aiment fixer sur leurs toiles. Cela est dû non seulement aux teintes variées présentées par les plantes, mais aussi aux caractères thermiques. À Metz et à Nancy, la moyenne thermique est supérieure à 14 °C en septembre et proche de 10 °C en octobre. Les précipitations sont d’importance moyenne.

D’une année à l’autre, cependant, les différences peuvent être considérables. C’est ainsi que Metz a reçu seulement 485 mm en 1933, mais 953 en 1939. Pour l’ensemble de la région, les extrêmes varient du simple au double. Ces chiffres expliquent les aléas de la culture céréalière, qui craint les années trop humides. Le nombre moyen de jours de gel n’est pas excessif : 89 dans la Meuse, 81 sur le plateau de Meurthe-et-Moselle, 80 sur le plateau mosellan. Sur les pentes des Côtes, ces chiffres sont plus bas : 66,5 jours sur la Côte de Moselle près de Metz. La Côte de Meuse présente des valeurs comparables. On comprend mieux combien les pays des Côtes ont passé pour de bons pays, non seulement sur le plan pédologique, mais aussi sur le plan climatique. Par contre, dans les Vosges, la centaine de jours de gel est atteinte à partir de 500 m.


Les aspects régionaux


Les Vosges cristallines

La Lorraine participe aux Vosges cristallines à travers la partie sud-est du département des Vosges. Les roches cristallines, très variées (gneiss, granités, etc.), dépassent 1 100 m près du col de la Schlucht. Mais les sommets les plus élevés sont situés en Alsace. La Route des Crêtes, toutefois, passe partiellement sur le territoire lorrain. Le soulèvement plus fort de la partie sud du massif vosgien a provoqué une érosion plus vigoureuse, entraînant le décapage de la couverture sédimentaire. Les vallées y sont aussi plus encaissées que dans le nord. Le contact entre massif ancien et couverture sédimentaire n’est guère souligné par une dépression continue. Le bassin « permien » de Saint-Dié résulte du dégagement des roches permiennes, plus tendres que celles du Trias. Les glaciations quaternaires ont été actives dans les Vosges cristallines. Les moraines expliquent partiellement, à côté de la tectonique, la formation des lacs de Gérardmer, de Longemer et de Retournemer. Les forêts de sapin et d’épicéa dominent à partir de 700 m. En dessous, on trouve la forêt de feuillus, composée de chêne, de hêtre, de charme et même de châtaignier. L’agriculture se limite aux versants en faible pente ou aux fonds de vallée. Jadis, la culture des céréales avait quelque importance. Aujourd’hui, l’élevage laitier l’emporte largement. La taille des exploitations à temps complet croît rapidement ; elle dépasse la trentaine d’hectares. Le développement de l’industrie cotonnière, dans les hautes vallées, après 1871, a porté un rude coup à l’agriculture, mais a aussi contribué à fixer la population sur place. Ainsi, les hautes Vosges constituent la moyenne montagne française la plus peuplée.