Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Antarctique (suite)

Les Français, enfin, apparaissent à la fin de cette période de recherches scientifiques avec l’expédition du docteur Jean Charcot sur le Français (1903-1905), construit grâce à une souscription qui recueillit 450 000 francs. L’hivernage est effectué devant l’île Wandel, sur la côte ouest de la péninsule Antarctique. De nouvelles campagnes seront effectuées en 1908-1909 et 1909-1910, à bord d’un nouveau navire, le célèbre Pourquoi-Pas ? D’importants travaux cartographiques font progresser la connaissance de ces régions, qui forment l’extrémité de l’Antarctique occidental.


La course au pôle

En 1908, l’ancien lieutenant de Scott, Ernest Henry Shackleton, part de l’extrémité orientale de la plate-forme de Ross et parvient jusqu’à de hautes montagnes : il y pénètre en suivant un gigantesque glacier (le glacier de Beardmore) et, à 3 000 m d’altitude, atteint un immense plateau ; il arrive alors à 150 km du pôle, par 88° 23′ de latitude. Mais ses vivres sont presque épuisés, et il lui faut revenir avec ses trois compagnons. Pendant ce temps, d’autres membres de l’expédition britannique atteignent le pôle magnétique, situé alors à 72° 25′ de latitude sud. Il ne fait pas de doute que tous les nouveaux enseignements accumulés sur les voies d’accès au pôle vont profiter aux Anglais, et que, très bientôt, c’est leur drapeau qui flottera le premier à l’extrémité inconnue de la Terre. De fait, une souscription nationale et une subvention officielle permettent à Scott d’organiser une nouvelle expédition en 1911. Un outsider, pourtant, va l’emporter : parti soi-disant pour effectuer une dérive dans l’Arctique, à partir du détroit de Béring, Amundsen*, l’homme qui a ouvert le passage du Nord-Ouest, annonce, à son passage à Madère, le but réel de son expédition : le sud ; il n’a pas l’intention, après la victoire de Peary au nord, de se laisser souffler par Scott un exploit aussi glorieux que la conquête du pôle Antarctique. Son navire, le Fram, prêté par Nansen, double le cap Horn, longe la terre du Roi-Édouard-VII et va mouiller, le 13 janvier 1911, dans une large ouverture de la plate-forme de Ross, la baie des Baleines. À 4 km du rivage de glace, il monte sa maison, où il va hiverner avec sept compagnons, et établit ses magasins, pendant que Scott se prépare lui aussi à affronter l’hiver, au cap Evans. Jusqu’aux derniers jours de lumière, en avril, Amundsen reconnaît soigneusement la route du pôle sur près de 400 km, et, au cours de plusieurs raids, établit des dépôts de vivres successifs.

Il part le 20 octobre, avec quatre compagnons et quatre traîneaux tirés chacun par treize chiens ; la traversée de l’immense champ de glace peu accidenté que limite la Barrière de Ross s’effectue sans grandes difficultés : plus de 1 700 km sont parcourus en moins d’un mois. Mais le voyage devient plus difficile à travers les montagnes qui limitent le haut plateau antarctique. La chaîne de la Reine-Maud est franchie en s’insinuant à travers elle par le grand glacier Axel Heiberg. D’autres obstacles sont contournés. Au pied de la chaîne des monts Dominion, c’est un terrible glacier, labouré d’innombrables crevasses et baptisé par Amundsen la « Salle de bal du Diable ». Il faudra seize étapes pour franchir les 320 km de la région montagneuse. Enfin, le 6 décembre, le point culminant du parcours est franchi, par plus de 3 200 m. Peu après, les plus grandes difficultés surmontées, le plateau est abordé. Le 14 décembre, à trois heures de l’après-midi, le pôle est enfin atteint, plus d’un mois avant Scott. La conquête est marquée par un geste symbolique ; rendant hommage à ses compagnons, Amundsen les décrit ainsi : « Après avoir été à la peine, ils devaient être aujourd’hui à l’honneur. Saisissant tous les cinq la hampe, nous élevâmes le pavillon et, d’un seul coup, l’enfonçâmes dans la glace. »

Amundsen et ses compagnons restent trois jours sur le lieu de leur victoire, multiplient les observations, y abandonnent une tente surmontée du drapeau norvégien, et font des raids dans toutes les directions pour couper court à toutes contestations possibles quant à leur localisation du pôle : l’un d’eux, de toute façon, aura foulé la latitude 90°. Le retour, par le même itinéraire qu’à l’aller, s’effectue vite et sans grandes difficultés. Les dépôts de vivres sont retrouvés, et les explorateurs sont à leur base le 25 janvier 1912. En 97 jours, ils ont franchi 2 400 km. Le 30 janvier, le Fram quittait la baie des Baleines, et, le 8 mars, Amundsen pouvait télégraphier à son roi et au Daily Chronicle la nouvelle de son exploit.

Mais, pour Scott*, c’est l’échec de la course, puis une mort affreuse : après un trajet très pénible, il n’atteint le pôle que le 18 janvier, pour trouver une tente laissée par Amundsen. Le retour est un martyre pour l’Anglais et ses quatre compagnons, qui meurent successivement d’épuisement et de froid.


Les techniques du xxe siècle

La Première Guerre mondiale met au second plan la découverte des dernières terres inconnues. Pourtant, l’opinion suit avec angoisse une nouvelle expédition de Shackleton, dont les deux navires sont prisonniers de la banquise en 1915 et 1916. Dans une dernière expédition (1921-1922), au cours de laquelle il sera emporté par une angine de poitrine, Shackleton utilisera des hydravions. Désormais, l’aviation, entrée déjà en action pour l’Arctique, va jouer le rôle de premier plan : l’expédition de Hubert Wilkins étudie grâce à elle, en 1928 et 1929, la côte est de la péninsule Antarctique, puis la terre de Charcot. Le 29 novembre 1929, l’Américain Richard E. Byrd survole le pôle. C’est le prélude à toute une série de recherches, menées de 1933 à 1935 à partir de la base de Petite-Amérique, établie à l’extrémité de l’île Roosevelt, et qui constitue une grande base scientifique pluridisciplinaire (vingt-deux branches de la science y seront étudiées).

Les Norvégiens, pour leur part, s’attaquent aux secteurs les moins connus, ceux de l’est, entre 0 et 90° est. De 1927 à 1937, diverses terres sont ainsi baptisées de noms Scandinaves : terres de la Princesse-Martha, de la Princesse-Astrid, du Prince-Olav, de la Princesse-Ragnhild, terre Ingrid-Christensen.

Les Allemands, avec le baleinier Schwabenland, reconnaissent en 1938-1939 la côte comprise entre 11° ouest et 20° est.