Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Antarctique (suite)

En 1598, le Hollandais Dirk Geeritz est entraîné par les tempêtes jusqu’à une île escarpée, qui appartient peut-être au groupe des Shetland du Sud. Mais, en fait, il faut attendre le xviiie s. pour que la découverte soit entamée volontairement. En 1738, Jean-Baptiste Charles Bouvet de Lozier est envoyé par la Compagnie française des Indes pour établir des comptoirs sur les terres inconnues que les légendes décrivent parfois comme un éden. Après une navigation difficile, il ne découvre qu’une petite île brumeuse, qu’il prendra pour un continent (la future île Bouvet). C’est pourtant d’aussi faibles indices qui permettent à Charles de Brosses d’écrire en 1756 : « Il n’est pas possible qu’il n’y ait pas dans une si vaste plage quelque immense continent de terre solide au sud de l’Asie, capable de tenir le globe en équilibre dans sa rotation. » Les recherches continuent donc. En 1772, Nicolas Thomas Marion-Dufresne et Crozet découvrent les îles qui portent leurs noms.

La même année, Yves Joseph de Kerguelen de Trémarec reçoit de Louis XV un ordre de mission : se diriger vers « le très grand continent [...] qui doit occuper une partie du globe depuis les 45e degrés de latitude sud jusqu’aux environs du pôle ». L’officier breton découvre les îles auxquelles son nom sera donné, et pense lui aussi avoir atteint un continent probablement habité, qu’il dépeint sous des couleurs idylliques : « La France australe fournira de merveilleux spectacles physiques et moraux. » Un deuxième voyage lui montrera, hélas ! combien il est loin de la réalité.


La fin du mythe antarctique

C’est à James Cook* qu’il reviendra de porter le coup le plus rude aux mythes de l’époque sur l’Antarctique, au cours de son deuxième voyage (1772-1775) : il franchit le cercle polaire une première fois puis, le 30 janvier 1774, atteint la latitude de 71° 10′ et se heurte à des glaces infranchissables, qu’il longe pendant des mois. Dans son journal, il écrit : « Le danger qu’on court à reconnaître une côte dans ces mers inconnues et glacées est si grand que j’ose dire que personne ne se hasardera à aller plus loin que moi et que les terres qui peuvent être au sud ne seront jamais reconnues. »

En fait, les baleiniers et les chasseurs de phoques vont désormais écumer les mers australes et préciser la localisation des avant-postes insulaires du continent. Les Shetland du Sud sont découvertes en 1819. Partant de ces dernières, l’Anglais Edward Bransfield cartographie en 1820 l’extrémité nord de la péninsule Antarctique.

En 1821, le Russe Bellingshausen reconnaît la terre Alexandre, à la base de la péninsule Antarctique. À son retour, il rencontre l’Américain Nathaniel Brown Palmer, qui, sur un sloop de 45 tonneaux, a aperçu également le continent dans ce secteur : la déception est grande pour le Russe, qui a été précédé de peu. En 1823, l’Anglais James Weddell découvre la vaste mer qui porte son nom ; celle-ci, exceptionnellement dégagée des glaces cette année-là, se laisse pénétrer jusqu’à 74° 15′ de latitude, ce qui constitue un nouveau record.

Les armateurs anglais Enderby patronnent ensuite plusieurs voyages importants : celui de John Biscoe (1831) leur permet de donner leur nom à un secteur déjà longé par Bellingshausen.


Les expéditions scientifiques du xixe siècle

À la suite des travaux de Gauss sur le magnétisme terrestre, et pour répondre aux demandes d’Alexander von Humboldt, les préoccupations purement scientifiques vont engendrer trois grandes expéditions officielles : Dumont* d’Urville accoste sur une île proche du continent (janv. 1840). Le Français est suivi, dans ce secteur, par l’Américain Charles Wilkes : parti en 1838 avec cinq navires, ce dernier longera ensuite la partie orientale de l’Antarctique sur 2 500 km, effectuant des relèvements de première importance jusqu’en 1842. L’expédition anglaise (1840-1843), enfin, commandée par J. C. Ross, un vétéran de l’Arctique, découvre la terre Victoria et, surtout, longe la barrière de glace qui limite la mer à laquelle sera donné son nom. Ross aperçoit également les deux grands volcans qu’il baptise des noms de ses navires, l’Erebus et le Terror.

Mais l’effort de découverte se ralentit, et ne porte guère que sur les îles subantarctiques ou, grâce à des baleiniers, sur les seuls abords de la banquise. Enfin, en janvier 1895, les Norvégiens Kristensen et Borchgrevink opèrent le premier débarquement sur le continent lui-même, au cap Adare, à l’extrémité de la terre Victoria. Désormais, la découverte va aller très vite. Le Belge Adrien de Gerlache effectue le premier hivernage dans l’Antarctique (1898), en vue de la terre Alexandre. Cette expédition de la Belgica permet de nombreuses observations océanographiques, et soulève aussi les problèmes physiologiques que doivent affronter les hommes pendant la longue nuit polaire, ceux du ravitaillement en premier lieu, l’abus des conserves entraînant une grave « anémie polaire ». Un nouvel hivernage est effectué par Borchgrevink, cette fois sur la terre ferme, près du cap Adare, qu’il connaît déjà. Au début de l’année 1900, une randonnée en traîneau lui permet d’atteindre la latitude de 78° 50′.


La coopération internationale

Mais, pour la première fois, une coopération scientifique va se développer dans ces régions, à la suite du congrès de géographie qui s’était tenu à Berlin (1899-1900) : les recherches de « l’année polaire » vont être concentrées, dans le temps, autour de l’hivernage de 1902.

L’Angleterre confie un magnifique navire, le Discovery, au commandant R. F. Scott*. Au cours de l’hivernage, effectué dans les parages du volcan Erebus, Scott effectue un raid avec Shackleton sur la plate-forme de Ross et atteint 82° 17′ de latitude. Après un nouvel hivernage (1903), il parvient, sur le plateau polaire, à 78° 50′ de latitude. Avec le Gauss, les Allemands, dirigés par Erich von Drygalski, étudient l’autre face du continent, au sud-est des îles Kerguelen, et font des observations à l’aide d’un ballon captif au-dessus des régions auxquelles ils donnent le nom de Guillaume II.

Pour les Suédois, les recherches entreprises en bordure de la péninsule Antarctique sont dramatiques : après avoir débarqué Otto Nordenskjöld sur l’île Seymour, leur navire, l’Antarctic, est broyé par les glaces en 1903, et un hivernage de fortune doit être organisé. Tout le monde, heureusement, peut être sauvé l’année suivante par une canonnière argentine.