Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

liturgie (suite)

Les liturgies orientales

C’est au ive s. que se sont formés les principaux rites qui existent aujourd’hui encore. La liturgie qui a le mieux gardé son cachet originel est celle des Églises de Mésopotamie et de Perse, situées hors des limites de l’Empire romain. Elle gardait le style de la beraka (bénédiction) juive. Il n’y est question ni de sacrifice ni d’offrande, mais du « mémorial » du Christ, par lequel le « Nom » du Père est invoqué pour ses initiatives et ses bienfaits.

L’offrande et le sacrifice apparaîtront un peu plus tard dans des liturgies s’adressant aux chrétiens d’origine non sémite.

Les liturgies d’Antioche et de Jérusalem, dont nous connaissons les premières versions par les Catéchèses récemment retrouvées de Théodore de Mopsueste (v. 350-428), sont déjà plus complexes. Elles connurent d’ailleurs à travers les siècles un foisonnement exubérant : on a recueilli plus de soixante-dix formes d’anaphore eucharistique relevant de cette famille liturgique, qui se fixa finalement au xe s. dans le rite connu aujourd’hui sous le nom de rite syrien-occidental (liturgie dite « de saint Jacques »).

La liturgie de Byzance, formée à partir d’influences venues de Cappadoce et de Jérusalem, fut, en tant que liturgie de la capitale de l’Empire, appelée à une grande fortune ; elle est devenue à partir du xiie s. la liturgie commune à tous les patriarcats orthodoxes (liturgie dite « de saint Jean* Chrysostome »). La conversion des Slaves sous l’influence de Cyrille* et de Méthode élargit son champ d’extension au-delà du monde grec ; enfin, les émigrations contemporaines lui assurèrent une diffusion universelle si bien que, de nos jours, la liturgie byzantine est célébrée dans toutes les langues et dans toutes les parties du monde.

Les liturgies copte et éthiopienne, d’origine alexandrine, se distinguent des précédentes par un certain nombre de traits qui les apparentent à la liturgie romaine, sans doute en raison des rapports anciens entre la communauté chrétienne de Rome et celle d’Alexandrie. Outre une note monastique marquée, elles se caractérisent par une grande simplicité, par leur aspect populaire et par la place spéciale qu’y tient la lecture des livres saints. L’eucharistie est célébrée suivant trois formulaires : le plus authentiquement égyptien, appelé aujourd’hui liturgie de saint Cyrille, dérive de la liturgie grecque primitive, dite « de saint Marc » ; la liturgie de saint Basile* semble provenir de la même source que la liturgie byzantine du même nom ; la liturgie dite « de saint Grégoire* de Nazianze », liturgie d’un type particulier en ce qu’elle est adressée non au Père, mais au Christ, souligne la marque profonde laissée par le monophysisme en Égypte. L’administration des sacrements est, dans ces liturgies africaines, assez voisine de celle des Églises syriennes ; par contre, l’office divin a une structure originale qui vient de la tradition du monachisme pacômien : chacune des heures est constituée par douze psaumes, et les hymnes n’y jouent qu’un rôle restreint.


La liturgie latine

Elle a commencé de se distinguer de la grecque lorsque, vers 370, sous le pontificat du pape Damase Ier (366-384), l’usage du latin commença de devenir courant comme langue liturgique de la communauté romaine. Cet usage était déjà admis en Afrique et peut-être à Milan, mais, à Rome, il donna lieu à une réforme liturgique, liée à la constitution du cycle annuel des fêtes, d’une part, et à la commémoraison des martyrs, d’autre part. La liturgie latine se constitua alors sur la base d’une anaphore simplifiée et bien frappée, accompagnée de textes adaptés pour chaque célébration. Ceux-ci constituèrent avant le Moyen Âge non pas un recueil imposé et uniforme, mais des collections dans lesquelles les célébrants pouvaient puiser et auxquelles venaient s’ajouter, le cas échéant, des éléments nouveaux. Le rite latin, qui fut fixé à l’époque de Grégoire* le Grand (vie s.), doit son succès et son extension pour une large part à l’intervention de Pépin* le Bref, qui prit après son sacre (754) la résolution d’étendre la liturgie romaine à tous ses États.

Le cycle des fêtes chrétiennes suit le cycle juif, mais il place désormais au centre la fête de Pâques, en laissant de côté la fête des Tabernacles, et il met l’accent sur le caractère eschatologique de la durée de l’Église. En outre, il a été, aux iiie et ive s., adapté au calendrier solaire de façon à montrer que le mystère du salut pénètre depuis l’incarnation du Christ le temps cosmique lui-même, le soleil étant alors considéré comme le centre lumineux du monde et le régulateur des saisons.

Le cycle annuel des fêtes est ainsi revêtu dans le christianisme d’une marque christologique ; la liturgie romaine et la liturgie byzantine sont celles qui ont le plus profondément souligné la connexion entre le mystère du salut et les différents temps de l’année. À la perspective principalement eschatologique de la liturgie vient alors s’ajouter une conception plus historique ; et sur le cycle pascal, que précède le carême, vient se greffer le cycle des dimanches après la Pentecôte, organisé en cycle commémoratif des principales manifestations du Christ ressuscité. Cette tendance historique n’a cependant jamais été poussée jusqu’à former un tout logique et cohérent. Le rite romain, en particulier, a toujours maintenu et même amplement développé un second cycle, centré sur l’Épiphanie et devenu par la suite le cycle de Noël (il est regrettable qu’il ait été regardé plus tard comme une commémoration de la naissance historique du Christ), mais qui, à l’origine, invoque le « Soleil de Justice » venu substituer aux ténèbres du temps la pleine lumière de la manifestation divine. Développé surtout au cours de la réaction contre l’arianisme et contre les développements donnés par celui-ci à la fête du baptême du Christ, le cycle de l’Épiphanie signifie que l’avènement du Christ suspend le cours du temps et ouvre un âge nouveau dans l’histoire.