Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Liszt (Franz) (suite)

Le Requiem a sa place à côté des autres messes des morts romantiques (Berlioz, Verdi, Fauré) ; il est composé pour des voix d’hommes, solistes et chœurs, avec cuivres et orgue. Liszt a, de son propre aveu, voulu éviter l’« implacable teinte noire » pour donner une vision de la mort « propre à inspirer au chrétien un espoir apaisant ». Avant Fauré, il a donc traduit ce texte terrible en des demi-teintes bouleversantes, quoique beaucoup moins consolantes qu’il ne l’eût souhaité. Peu de compositions reflètent aussi magnifiquement le sombre désenchantement du Liszt des années ultimes.

Les deux oratorios offrent une somptueuse synthèse de tous les styles religieux de Liszt, du plus humble commentaire grégorien à la plus exubérante fresque vocale et symphonique. Cela ne va pas sans quelques longueurs, comme chaque fois que Liszt entreprend une partition d’aussi vastes dimensions.

Via crucis est l’exacte réplique des dernières œuvres pianistiques. Écrit pour soli, chœur et orgue, cet insolite Chemin de croix mêle les improvisations d’orgue aux chœurs a cappella, les thèmes grégoriens à ceux de chorals luthériens, la langue latine et l’allemande, les accords les plus modernes en marge de toute tonalité à l’harmonisation chromatique des chorals. Tous ces éléments se succèdent dans une forme indéfinissable, sorte d’improvisation angoissée qui, encore une fois, annonce les expériences tentées un siècle plus tard.


Les pièces pour orgue, la musique de chambre, les mélodies

Les grandes fresques pour orgue reflètent les deux aspects essentiels des deux dernières manières de Liszt : la période symphonique, avec l’immense Fantaisie et fugue sur le choral « Ad nos ad salutarem undam », du Prophète de Meyerbeer, complexe mélange de variation, de contrepoint, d’écriture symphonique, tout comme le Prélude et fugue sur le nom de B. A. C. H. L’Évocation à la chapelle Sixtine, d’une intense poésie, appartient au style de recherches, comme on dirait de nos jours.

Hormis certaines transcriptions de pièces pour piano pour petit ensemble de chambre, une Sonate pour piano et violon, œuvre de jeunesse (1835), n’apporte pas grand-chose de nouveau en ce domaine, qui n’a pas tenté Liszt : il s’y sentait sans doute trop à l’étroit.

Les mélodies de Liszt, environ soixante-dix, sont aussi diverses de style que nombreux les textes en langues différentes qu’il emprunte (français, allemand, italien, anglais). Bien que Liszt ait invoqué les plus grands poètes (Goethe, Heine, Hugo, Musset, Pétrarque, Tennyson), ce n’est pas non plus son domaine d’élection. Trois mélodies s’en détachent comme trois parfaits chefs-d’œuvre, représentant d’ailleurs les trois nations qui ont le plus profondément marqué ce compositeur européen : la romance française Oh ! quand je dors (Hugo, 1842), le lied Es muss ein Wunderbares sein (Oskar von Redwitz, 1857) et la plus belle de toutes, cette rhapsodie hongroise vocale Die drei Zigeuner (les Trois Tziganes) [Lenau, 1860].

R. S.

 CORRESPONDANCE. Franz Liszts Briefe, publié par M. L. La Mara (Leipzig, 1893-1904 ; 8 vol.). / Correspondance de Liszt et de Madame d’Agoult, publiée par Daniel Ollivier (Grasset, 1934 ; 2 vol.). / Correspondance de Richard Wagner et de Franz Liszt (Gallimard, 1943).
J. Wohl, François Liszt. Souvenir d’un compatriote (Ollendorff, 1887). / M. D. Calvocoressi, Franz Liszt (Renouard, 1905). / A. Göllerich, Franz Liszt (Berlin, 1908). / J.-G. Prod’homme, Franz Liszt (Fabre, 1910). / J. G. Huneker, Franz Liszt (New York, 1911). / M. d’Agoult, Mémoires, 1838-1854 (Calmann-Lévy, 1927). / V. Boissier, Liszt pédagogue (Champion, 1928). / Z. Gardonyi, Die ungarischen Stileigentümlichkeiten in den musikalischen Werken Franz Liszts (Berlin, 1931). / P. Raabe, Franz Liszt, Sein Leben und Schaffen (Stuttgart, 1931 ; 2 vol.). / E. Newman, The Man Liszt (Londres, 1934). / B. Ollivier, Liszt, le musicien passionné (Denoël, 1936). / H. Searle, « Franz Liszt », dans Grove’s Dictionary of Music and Musicians (Londres, 1940) ; The Music of Liszt (Londres, 1954). / W. Beckett, Liszt (Londres, 1956 ; 2e éd., 1963). / B. Szabolcsi, The Twilight of Ferenc Liszt (Budapest, 1959). / C. Rostand, Liszt (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1960). / E. Haraszti, « Franz Liszt », dans Histoire de la musique, t. II, sous la dir. de Roland-Manuel (Gallimard, « Encycl. de la Pléiade », 1963) ; Franz Liszt (Picard, 1967). / S. Gut, Franz Liszt. Les éléments du langage musical (Klincksieck, 1975).

Li T’ang

En pinyin Li Tang, peintre chinois (v. 1049-1130).


Son œuvre assure le lien entre deux conceptions opposées de la peinture de paysage en Chine : la vision majestueuse et universelle des Song du Nord (xe-xiie s.) ; la vision lyrique et fragmentaire des Song du Sud (xiie-xiiie s.).

Sa carrière s’étend sur les deux périodes. Li Tang passa la plus grande partie de sa vie à Kaifeng (K’ai-fong), où l’académie de l’empereur Huizong (Houei-tsong, 1101-1125) le tint en haute estime, bien qu’il n’ait jamais eu, semble-t-il, de poste officiel dans la capitale. Après l’invasion des Tartares, alors âgé de plus de soixante-dix ans, il suivit la Cour dans son exode vers le sud. Avec plusieurs peintres venus comme lui de Kaifeng, il forma le noyau de l’académie de Hangzhou (Hang-tcheou), réorganisée par l’empereur Gaozong (Kao-tsong, 1127-1162). Les quelques années qu’il passa dans la nouvelle capitale, en tant que directeur de l’académie, eurent une influence déterminante sur la jeune génération des peintres, dont Ma Yuan* et Xia Gui (Hia Kouei*) seront les plus illustres représentants.

Le point de départ pour l’étude de l’œuvre de Li Tang est un grand paysage signé et daté de 1124, peu avant le transfert de la capitale. Dans cette peinture sur soie, Son du vent dans les pins d’une gorge montagneuse (musée de l’Ancien Palais, Taiwan), Li Tang se montre encore fidèle à l’interprétation monumentale de ses prédécesseurs. Comme chez Fan Kuan (Fan K’ouan*), le centre de la composition est occupé par un écran de montagnes couronnées de végétation broussailleuse. Néanmoins, le rapport entre avant-plan et arrière-plan est inversé : au bas de la peinture, les rochers surmontés de grands arbres noirs prennent une importance inconnue jusqu’alors et se rapprochent du spectateur, l’invitant à pénétrer de façon immédiate dans le paysage. L’œuvre se charge, en outre, d’une intensité dramatique, suggérée par les effets d’ombre et de lumière, les nuages blancs, les pics insolites qui entourent la masse centrale et enfin le jeu contrasté de diagonales qui hachurent les surfaces rocheuses.