liquéfaction (suite)
Conditions d’une liquéfaction
Le problème pratique est d’obtenir le corps à l’état liquide en présence de sa vapeur ; il est donc nécessaire, partant d’un état dont le point figuratif est dans la région du gaz, de pénétrer dans le domaine des états diphasés, à l’intérieur de la courbe de saturation. Deux cas se présentent en pratique, suivant que la température critique du gaz est supérieure ou inférieure à la température ambiante θ, considérée comme la température initiale du gaz. Dans le premier cas, la liquéfaction peut être obtenue par compression isotherme (fig. 2) ; notons que le liquide peut être stocké en présence de sa vapeur dans un récipient résistant. Dans le deuxième cas au contraire, qui est en particulier celui des gaz permanents de Faraday, il est nécessaire, pour pénétrer dans le domaine diphasé, de refroidir le gaz, souvent de façon très importante ; notons cependant (fig. 3) que le refroidissement isobare qui amène la liquéfaction est moins important si le gaz est déjà comprimé. Le liquide ne peut être conservé qu’un temps dans un vase à double paroi (Dewar) [fig. 4] et moyennant une ébullition qui absorbe les calories qu’il reçoit de l’extérieur.
La liquéfaction industrielle de l’air offre un exemple important. Le refroidissement de l’air comprimé est obtenu par détente* :
a) détente dans un moteur à piston, ou dans une turbine, c’est-à-dire avec travail ; le refroidissement est important, mais le fonctionnement à très basse température d’un moteur à air comprimé pose des problèmes délicats ; c’est cependant ce mode de détente qui est utilisé dans le procédé Claude de liquéfaction de l’air (fig. 5) ;
b) détente à travers un robinet à pointeau, sans travail extérieur notable, dans les conditions approximatives de la détente Joule-Thomson ; le refroidissement est moins important, mais le fonctionnement est simple et sûr ; ce mode de détente est utilisé dans le procédé Linde de liquéfaction de l’air (fig. 6).
Quel qu’en soit le mode, une seule détente serait insuffisante, ou de très mauvais rendement ; celui-ci est amélioré par l’emploi d’un échangeur de chaleur (ou de températures) formé de deux longs tubes métalliques coaxiaux : l’air détendu et froid circulant dans l’espace annulaire refroidit l’air comprimé allant au détendeur et circulant en sens inverse ; on conçoit qu’ainsi, lors d’un refroidissement continu, la température s’abaisse progressivement.
Pour l’hydrogène et l’hélium, la détente Joule-Thomson réalisée à partir de la température ordinaire amènerait un réchauffement ; on emploie la détente avec travail (hélium), ou on refroidit le gaz comprimé avant détente (hydrogène, refroidi par N2 liquide).
Applications
Les gaz liquéfiés ont beaucoup d’applications ; citons seulement : a) la réalisation et le maintien de basses températures, par ébullition du liquide sous pression déterminée (cryostat) ; ainsi, l’oxygène liquide, sous pression égale ou inférieure à une atmosphère, permet d’obtenir toute température comprise entre 90 et 55 K ; l’hydrogène, entre 20 et 14 K ; l’hélium, entre 5,2 et 1 K ; b) la distillation de l’air liquide, qui fournit l’oxygène, l’azote et les gaz inertes nécessaires à l’industrie.
R. D.
Quelques savants
Louis Paul Cailletet,
physicien et industriel français (Châtillon-sur-Seine 1832 - Paris 1913). En soumettant en 1882 les gaz à de fortes pressions, suivies éventuellement de détente, il réussit à les liquéfier presque tous. (Acad. des sc., 1884.)
Georges Claude,
physicien et industriel français (Paris 1870 - Saint-Cloud 1960). En 1897, il imagina de transporter l’acétylène en solution dans l’acétone ; en 1902, il mit au point un procédé industriel de liquéfaction de l’air par détente avec travail extérieur ; en 1910, il préconisa l’emploi des tubes luminescents au néon ; en 1913, il réalisa avec d’Arsonval les explosifs à l’air liquide et découvrit le pouvoir absorbant du charbon aux très basses températures. Après 1926, il tenta d’exploiter l’énergie thermique des mers. (Acad. des sc., 1924 ; exclu en 1944 en raison de son attitude pendant l’occupation.)
Karl von Linde,
industriel allemand (Berndorf, Franconie, 1842 - Munich 1934). Inventeur de l’échangeur de températures, il construisit les premiers réfrigérateurs à absorption (1870), puis à compression (1873), et imagina en 1894 un procédé industriel de liquéfaction de l’air.