Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Lincoln (Abraham) (suite)

La conduite de la guerre

Dans la conduite de la guerre, Lincoln se porte vite à la hauteur de sa tâche. Les chefs militaires du Nord manquent d’imagination et d’énergie : le général Winfield Scott a beaucoup vieilli ; le général George Brinton McClellan mène une guerre livresque ; ses successeurs sont timorés. Aussi Lincoln impose-t-il sa stratégie. Les combats se dérouleront sur deux fronts : en Virginie, les armées de l’Union tenteront de prendre Richmond, la capitale des rebelles ; à l’ouest, elles s’efforceront de remonter le Tennessee pour couper en deux la Confédération. Partout, elles l’emporteront sur l’adversaire moins par la qualité de l’armement et du commandement que par la quantité des effectifs envoyés au combat. Lincoln sait bien que les sudistes se battent sur leur sol, défendent sur place leurs familles et leurs biens. Seule, la guerre d’usure, dans laquelle le Nord utilisera tous ses atouts, pourra réduire la résistance des confédérés et permettre de sauver l’Union.

En 1863, Lincoln a enfin trouvé l’homme de la situation : le général Ulysses Simpson Grant, qui vient de s’illustrer à Vicksburg (4 juill.), prend le commandement en chef. Ses succès en 1864 à la Wilderness, à Spottsylvania Court House et Cold Harbor ainsi que la marche dévastatrice du général William Tecumseh Sherman à travers la Géorgie épuisent le Sud, que le blocus des côtes a coupé du monde extérieur.


Les affaires intérieures

Lincoln impose un nouveau style de gouvernement. Sur son cabinet, composé de démocrates unionistes, d’anciens whigs, de républicains modérés et radicaux, il exerce une autorité inébranlable. Chef incontesté de son parti, il réalise l’essentiel du programme (tarif protectionniste, système bancaire national, attribution gratuite de 160 acres de terres dans l’Ouest, mise en construction d’un transcontinental). Avec le Congrès, deux sources de frictions apparaissent. D’une part, les législateurs veulent contrôler la conduite de la guerre. D’autre part, ils s’efforcent d’élaborer la politique de l’après-guerre à l’égard des rebelles. En décembre 1863, le président propose une amnistie pour les sudistes qui prêteront un serment de loyauté et la reconnaissance des gouvernements d’État qui s’appuieront sur 10 p. 100 de citoyens loyaux et accepteront l’émancipation. Le Congrès est plus exigeant, et sa proposition de loi se heurte en 1864 au veto de Lincoln. À mesure que la fin des combats s’approche, l’influence des radicaux augmente, et l’amertume du Congrès à l’égard de l’extension des pouvoirs présidentiels grandit.

Professionnel de la politique, abolitionniste modéré, Lincoln n’en fut pas moins un grand homme d’État, dont les qualités s’affirmèrent d’année en année. Il disparut de la scène politique assassiné par un acteur fanatique au moment où le conflit entre le législatif et l’exécutif paraissait inévitable, où les profits tirés de la guerre allaient accélérer le développement industriel du Nord. Ses successeurs, faibles, hésitants, entourés quelquefois de personnages douteux, contribueront encore à rehausser sa forte personnalité.

A. K.

➙ Esclavage / États-Unis / Sécession (guerre de).

 R. Hofstadter, The American Political Tradition and the Men who made it (New York, 1948 ; trad. fr. Bâtisseurs d’une tradition, Seghers, 1966). / B. P. Thomas, Abraham Lincoln, a Biography (New York, 1952). / A. Barker, The Civil War in America (New York, 1961 ; trad. fr. la Guerre de Sécession, Seghers, 1964).

Lindbergh (Charles)

Aviateur américain (Detroit 1902 - Hana, île Maui, Hawaii, 1974).


D’abord officier pilote dans l’armée de l’air américaine, où il acquiert une réputation d’énergie et de courage — il a été par deux fois obligé de sauter en parachute de son avion en détresse —, il quitte l’armée en 1925 pour entrer au service d’une compagnie privée qui assure le transport aérien du courrier sur la route New York - San Francisco. Effectués parfois de nuit et dans des conditions souvent difficiles, ces vols le contraignent encore à deux sauvetages en parachute.

Fort de son expérience, il s’intéresse alors aux raids sur longue distance et plus précisément à la traversée de l’Atlantique Nord. Avec le concours de ses concitoyens de la ville de Saint Louis, il construit à ses frais un appareil monoplan pesant 1 025 kg à vide et propulsé par un moteur de 220 ch, qu’il baptise du nom de Spirit of Saint Louis. Le 20 mai 1927, à 12 h 52 (heure française), il s’envole sur un aussi frêle appareil pour la plus longue étape jamais parcourue jusqu’alors. Le 21 mai, après 33 heures et 27 minutes de vol, il atterrit à 22 h 19 au Bourget, après avoir couvert 5 800 km seul à bord, à une moyenne de 188 km/h. Le plus remarquable d’un tel vol est sa réalisation sans aucune radio à bord et malgré la traversée de zones de brouillard intense. Cet exploit devait d’ailleurs ouvrir la voie à de nombreuses traversées de l’Atlantique Nord dans les deux sens, préludant à l’exploitation de lignes régulières à partir de 1936.

Après cette traversée historique, Lindbergh continue à effectuer des raids sur longue distance. Dès 1929, il inaugure des liaisons aériennes régulières entre les deux Amériques ; puis, en 1931, il réalise le vol Washington-Tōkyō par l’Alaska en compagnie de sa femme. Il entre alors à la compagnie Pan American Airways, nouvellement créée, en qualité de président du comité technique. En 1932, Lindbergh et sa femme sont cruellement frappés par l’enlèvement de leur jeune fils, qui sera tué par ses ravisseurs.

Partisan de l’isolationnisme américain au début de la Seconde Guerre mondiale, Lindbergh s’attire de vives critiques de la part du président Franklin D. Roosevelt et donne sa démission de colonel de l’armée aérienne. Cependant, après l’attaque japonaise sur Pearl Harbor, il participe à l’effort militaire de son pays comme technicien civil de l’aviation tant aux États-Unis que dans la zone des opérations au Pacifique. Devenu conseiller de l’U. S. Air Force en 1948, il est réintégré en avril 1954 comme brigadier général dans les réserves de l’armée aérienne. La même année, le récit de sa traversée transatlantique en 1927, The Spirit of Saint Louis, paru en 1953, lui vaut le prix Pulitzer 1954.

J. L.

 W. S. Ross, The Last Hero, Charles A. Lindbergh (New York, 1968 ; trad. fr. Charles Lindbergh, le dernier héros, France-Empire, 1969).