Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Libellules (suite)

Reproduction

Le dimorphisme sexuel n’est généralement pas très marqué et atteint surtout d’habitude la coloration du corps ou des ailes. Le mâle présente un dispositif exceptionnel dans le monde des Insectes, un organe copulateur situé sous le second segment abdominal : avant l’accouplement, il le remplit de spermatozoïdes en ployant son abdomen, dont l’extrémité porte l’orifice génital. L’union des sexes n’offre pas moins d’originalité : le mâle saisit le thorax de la femelle avec la pince terminale de son abdomen, et le « tandem » formé vole un certain temps ; puis la femelle plie son corps vers l’avant jusqu’à atteindre de sa pointe le réceptacle du mâle et se féconder elle-même. Bien souvent, le couple se sépare alors ; mais il arrive aussi qu’il persiste jusqu’à la ponte, comme chez Lestes.

La plupart des Anisoptères laissent tomber leurs œufs dans l’eau, parfois en l’effleurant de la pointe de l’abdomen. Les Zygoptères, ainsi qu’Anax et Æschna, introduisent leurs œufs dans les tiges ou les feuilles des plantes aquatiques et n’hésitent pas à pénétrer parfois dans l’eau en longeant les rameaux (Lestes).


Vie larvaire

Toute la vie larvaire, qui dure d’un à trois ans (alors que l’adulte ne vit que quelques semaines), se passe dans l’eau ; à l’éclosion, la larve primaire garde les pattes appliquées contre le corps ; elle quitte la plante hôte et gagne l’eau libre, subit une mue et devient larve proprement dite. À l’état larvaire, les Libellules sont aussi carnivores qu’à l’état adulte ; les petits Crustacés, les larves d’Insectes aquatiques, parfois les têtards constituent leur nourriture habituelle, saisie avec une rapidité fulgurante par détente du « masque » ; cet organe est formé de la lèvre inférieure, allongée en deux segments articulés et repliée sous la tête au repos.

La respiration des larves manifeste une adaptation totale au milieu aquatique. Chez les Zygoptères, les trois lamelles qui prolongent l’abdomen vers l’arrière sont des trachéo-branchies et servent également de palettes natatoires. Chez les Anisoptères, les branchies se trouvent dans l’ampoule rectale, et un mouvement continuel d’entrée et de sortie d’eau par l’anus assure le renouvellement des gaz respiratoires ; l’expulsion brusque de l’eau projette par réaction l’animal vers l’avant. Les larves d’Odonates vivent dans les eaux stagnantes ou calmes, rarement dans les cours rapides ; les unes évoluent en pleine eau, au milieu des plantes aquatiques (Calopteryx, Lestes), d’autres restent près du fond (Platycnemis, Æschna), d’autres, enfin, sont fouisseuses (Gomphus). Au cours des dernières mues, les ébauches des ailes (ptérothèques) apparaissent. Vient enfin le jour, ou plutôt la nuit, qui marque la fin de la vie larvaire ; l’Insecte sort de l’eau, s’agrippe à un support et subit son ultime mue, qui donne naissance à l’imago. Il n’y a donc pas de stade de nymphe, et, à ce point de vue, les Odonates se rapprochent des Insectes à métamorphoses progressives ; mais la morphologie et surtout la biologie de l’adulte et de la larve diffèrent considérablement ; on parle alors d’hémimétabolie.

Les premiers représentants de l’ordre des Odonates apparaissent au Permien (Australie, Russie, Kansas), et les sous-ordres actuels sont connus depuis le Trias ou le Lias. Un groupe de Libellules archaïques (ordre des Méganisoptères) a vécu du Carbonifère au Jurassique ; il renferme quelques formes gigantesques, comme Meganeura Monyi, de 70 cm d’envergure.

M. D.

 J. Rostand, la Vie des libellules (Stock, 1953). / L. Chopard, Atlas des libellules de France, Belgique, Suisse (Boubée, 1948). / P.-A. Robert, les Libellules (Odonates) [Delachaux et Niestlé, 1959].

libéral britannique (parti)

À partir de 1830 s’ouvre une longue ère de prépondérance libérale en Grande-Bretagne : au cours des trente-cinq années qui vont de 1830 à 1865, les libéraux détiennent le pouvoir pendant vingt-huit ans.


Il ne s’agit point, comme on l’a trop souvent dit, d’une mainmise de la bourgeoisie sur les affaires publiques et le gouvernement. En fait, le parti libéral continue d’être dominé par quelques grandes familles de l’aristocratie whig (c’est le cas, en particulier, des quatre Premiers ministres libéraux, qui sont tous issus de la haute noblesse et possèdent de grands domaines fonciers : Grey, Melbourne, Russell, Palmerston*). Mais ces grandes familles whigs ont su composer avec les intérêts d’une classe moyenne en plein développement, en particulier les patrons manufacturiers, de sympathies radicales et de religion non conformiste, dont Cobden* et Bright sont les porte-parole tout au long de cette période. Dans certains cas, les aristocrates whigs se montrent assez habiles pour utiliser et canaliser un radicalisme plus populaire, par lequel s’expriment les aspirations démocratiques des ouvriers des villes. Ainsi s’opère, face à la coalition des tories et de l’Église établie, une alliance souvent malaisée, mais généralement effective entre l’aile whig et l’aile radicale du mouvement libéral.

Après la mort de Palmerston (1865), c’en est fini de l’immobilisme en politique intérieure, et la question de la réforme électorale revient au premier plan de l’actualité. Tandis que les radicaux, conduits par John Bright (1811-1889), s’agitent au sein de la Ligue, pour la Réforme, la fraction la plus modérée des whigs fait sécession par peur de la démocratisation (on les surnomme les adullamites). C’est désormais le centre qui dirige le parti : c’est-à-dire les libéraux proprement dits, qui se situent à égale distance des whigs et des radicaux. Le nouveau leader est Gladstone*, qui va marquer pendant une quarantaine d’années le libéralisme. L’alternance régulière au pouvoir des libéraux et des conservateurs devient l’une des caractéristiques de la vie politique britannique. De 1866 à 1881, c’est la grande période de la rivalité entre Gladstone et Disraeli*. Les élections donnent la majorité aux libéraux à trois reprises : en 1868-1874, en 1880-1885 et en 1886. Puis c’est une longue éclipse de vingt ans, à part un bref intervalle en 1892-1895.