Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Liban (suite)

Elle prit en outre deux décisions capitales qui engagèrent l’avenir du pays. Elle choisit le grand Liban historique de l’émir Fakhr al-Dīn II, qui englobait les grands ports et la riche plaine céréalière de la Bekaa, redonnant ainsi au Liban les moyens de son développement économique, et, par un article de la Constitution de 1926, elle décida que l’État libanais aurait une structure communautaire, les différentes communautés devant être justement représentées au gouvernement et dans l’Administration. Ces dispositions, toujours en vigueur, instituaient le régime dit « confessionnaliste », qui constitue la grande originalité du Liban.

Durant la période de l’entre-deux-guerres, la France modernisa le pays : construction et rénovation de routes, de voies ferrées, du port de Beyrouth, développement de l’enseignement primaire et secondaire, etc.

En 1941, dans le Levant occupé par les Anglais, le général Catroux, au nom des Forces françaises libres, avait accordé à la Syrie et au Liban l’indépendance complète ; à cause de la guerre, celle-ci ne devint effective qu’en 1943. Le maintien des forces militaires franco-anglaises jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale suscita des troubles sanglants dans le pays. Enfin, en 1946, les derniers soldats étrangers quittèrent le Liban.


Le Liban moderne : consolidation de l’indépendance et progrès économiques

Le principal problème qui se posa au jeune État fut de maintenir la bonne entente entre les musulmans et les chrétiens. Par un savant dosage des divers éléments aux postes de commande, on s’efforça de sauvegarder l’unité libanaise. Les questions économiques furent compliquées par la rupture, en 1950, de l’union douanière et économique avec la Syrie ainsi que par l’arrivée, à partir de 1948, de réfugiés palestiniens chassés par la victoire israélienne.

La montée de l’arabisme provoqua néanmoins des tensions entre chrétiens et musulmans, et le président de la République, Bichāra al-Khūrī (Béchara el-Khoury [1890-1964]), un maronite, coupable d’avoir laissé la corruption s’établir au sein du gouvernement, dut démissionner en 1952. La division du Moyen-Orient en zones d’influences occidentales et soviétiques mit le Liban dans une position difficile.

Le président Camille Chamoun (ou Cham‘ūn) [né en 1899], élu en 1952, bénéficia de l’aide économique des Américains (adhésion à la « doctrine Eisenhower » en 1957), mais cette attitude pro-occidentale raviva les querelles entre chrétiens et musulmans ; ces derniers étaient furieux d’être tenus à l’écart du destin de l’arabisme symbolisé par la politique de Nasser.

En mai 1958, une insurrection attisée par le leader égyptien dégénéra en guerre civile entre partisans du président Chamoun, en majorité chrétiens, et les nationalistes arabes. Débordé, le gouvernement fit appel aux Américains, qui débarquèrent des troupes au Liban le 15 juillet 1958. La crise aboutit à l’élection du général Fouad Chehab (Fu’ād Chihāb) [1903-1973], pro-occidental, à la présidence de la République ; celui-ci, pour ressouder les communautés divisées, fit appel au sunnite Rachīd Karāmī (ou Karamé) [né en 1921] et aux maronites Pierre Gemayel (Djimayyil) [né en 1905] et Raymond Eddé (né en 1913).

Sous ce gouvernement de coalition et sous l’influence du conflit israélien, le Liban s’orienta lentement vers une politique de plus en plus pro-arabe ; en 1961, une tentative insurrectionnelle du parti populaire social (ex-parti populaire syrien) fut écrasée. Le Liban de Chehab se caractérisa par un certain dirigisme de l’économie, ce qui était une nouveauté dans ce pays où régnait la liberté économique la plus absolue. Le souci de résorber le chômage, de niveler une trop grande inégalité des revenus explique les mesures sociales qui furent prises, telles la création de la Sécurité sociale, l’amélioration du niveau professionnel, la construction d’habitations populaires pour les ouvriers, etc.

Le chehabisme allait, en réalité, gouverner le pays de 1958 à 1970, le président Charles Hélou (Ḥilū [né en 1911]), élu en 1964, continuant la politique de son prédécesseur. Mais, à la fin de cette période, une réaction se dessina, qui permit l’accession au pouvoir, en 1970, du président de la République Soleiman Frangié et du Premier ministre Saëb Salam (Ṣā’ib Salām) [né en 1905]. Le nouveau chef de l’État proclama son intention de mettre fin aux atteintes aux libertés publiques et d’accélérer le développement économique et social.

À partir de 1967, l’implantation de fedayin au sud du pays a perturbé considérablement la vie du Liban. Les représailles israéliennes (raid contre l’aérodrome de Beyrouth en 1968) ont provoqué plusieurs accrochages sanglants et des luttes entre l’armée libanaise et les forces palestiniennes d’avril à octobre 1969. Le 3 novembre 1969, un accord de cessez-le-feu, signé au Caire entre les Libanais et les commandos palestiniens, stipulait l’établissement d’un modus vivendi avec les organisations palestiniennes.

Les nationalistes arabes se montrent favorables au soutien des commandos par le Liban et la majorité consent à un discret appui dans la mesure où il ne provoquerait pas de représailles de la part d’Israël. Il y a là un équilibre instable, toujours remis en cause. Le gouvernement libanais s’efforce de contrôler les Palestiniens sur son territoire, mais, en 1972 et en mars 1973, de nouveaux raids meurtriers des Israéliens relancent la polémique sur la présence au Liban des résistants palestiniens. En avril 1973 commence alors une longue période de tension politique et sociale. Amīn al-Ḥāfiẓ (avr. - juin 1973), Takkieddine Solh (juin 1973 - oct. 1974), Rachīd Solh (oct. 1973 - mai 1975), et Rachīd Karāmī à partir de mai 1975, après un bref intermède militaire, se succèdent au gouvernement. À partir d’avril 1975, de violents affrontements opposent les phalangistes, chrétiens d’extrême droite, aux Palestiniens puis à la communauté musulmane et débouchent sur une guerre civile extrêmement meurtrière qui menace non seulement l’équilibre interconfessionnel du pays mais aussi les fondements même de l’état libanais. En juin 1976 cette guerre prend une nouvelle dimension lorsque, après plusieurs essais de règlements politiques, la Syrie intervient militairement au Liban contre les forces palestiniennes et islamo-progressistes avec lesquelles elle a rompu depuis avril 1976.