Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Liban (suite)

On s’explique ainsi que, dans les importations, l’or et les monnaies comptent pour 26 p. 100, dépassant les produits alimentaires (20 p. 100). Les biens d’équipement y figurent seulement pour 7 p. 100, indice du sous-développement industriel persistant. Parmi les exportations, les produits agricoles (surtout fruits et légumes) figurent pour 40 p. 100, l’or compte pour 14 p. 100 (réexportations), et les produits finis et semi-finis tiennent une place essentielle, beaucoup d’entre eux étant également en fait des réexportations. Les deux tiers de ces exportations se font vers les pays arabes, pour lesquels le Liban joue le rôle de plaque tournante.

On peut se demander dans quelle mesure cette activité, fondée sur le libéralisme des changes et le secret bancaire ainsi que sur les spéculations immobilières et commerciales plus que sur les investissements productifs, n’est pas fragile. La conjoncture ne restera peut-être pas toujours aussi favorable, et des faillites retentissantes ont montré la vulnérabilité d’un système bancaire demeuré très anarchique jusqu’en 1966 (année qui vit un assainissement du secteur bancaire). Il faudrait trouver à l’économie des bases plus solides. Des indices existent en ce sens en ce qui concerne la mise en valeur agricole : les irrigations s’étendent (notamment dans la plaine du Akkar) et on s’efforce de reboiser les pentes de la montagne. Mais l’avenir du pays ne peut réellement résider que dans un développement industriel trouvant des débouchés dans le Proche-Orient voisin.

X. P.


L’histoire du Liban


Une terre de refuge

L’État libanais, indépendant seulement depuis 1943, n’en constituait pas moins dès le xvie s. une solide entité nationale ; il est le fruit d’une longue gestation historique, bon nombre de communautés actuelles remontant en effet aux premiers siècles du christianisme.

Le Liban a été colonisé par les Phéniciens (v. Phénicie), qui fondèrent les villes de la côte et une brillante civilisation. Conquis au ive s. av. J.-C. par Alexandre le Grand, il fit partie du royaume de Syrie* attribué à un général du conquérant, Séleucos Ier Nikatôr. Au premier siècle avant l’ère chrétienne, la domination des Séleucides s’effondra sous les coups des légions romaines. En 64-63 av. J.-C., la Syrie devint une province de l’Empire, qui y fit régner pendant quatre siècles la pax romana.

Le Liban se romanisa, mais surtout dès le ier s. apr. J.-C. il se christianisa. Les autochtones, cependant, continuèrent de parler leur langue, l’araméen, l’usage du grec et du latin n’étant l’apanage que d’une petite minorité. Au iie s. Baalbek connut, sous les Antonins, un essor remarquable. Après le partage de l’Empire, à la mort de Théodose Ier en 395, le Liban passa sous domination byzantine jusqu’à sa conquête par l’islām au milieu du viie s. À l’époque de Byzance, Beyrouth* (Béryte), illustrée par son université de droit, était la cité la plus riche de la côte, mais un tremblement de terre anéantit en 551 cette prospérité.

Le christianisme avait été prêché très tôt au Liban, mais il fallut attendre le milieu du iiie s. pour voir l’ensemble des populations, y compris les Arabes, abandonner le paganisme. Le gouvernement byzantin imposa un joug administratif et fiscal très lourd sur le pays, qui supporta de moins en moins bien cette tutelle. L’impopularité de Byzance explique que, dès le ve s., le Liban devint une terre d’élection pour les différentes hérésies qui germèrent alors ainsi qu’une terre d’accueil et de refuge pour tous les hétérodoxes en désaccord avec la religion officielle, les dissensions religieuses renforçant ainsi l’opposition au pouvoir central. Cette vocation du Liban d’être une terre de refuge se trouve facilitée du fait de sa structure géographique très cloisonnée.

Les doctrines hérétiques donnèrent naissance à des communautés religieuses qui ont survécu jusqu’à nos jours. Les nestoriens et les jacobites ne regroupent plus que quelques milliers d’adeptes. Les maronites*, eux, s’organisèrent en Syrie au début du ve s. ; bien que soupçonnés d’avoir un moment embrassé l’hérésie monothéliste, ils étaient orthodoxes. La communauté s’accrut rapidement, et, au viie s., des maronites s’établirent dans les montagnes et les vallées de la partie nordique de la chaîne du Liban. Mêlés plus tard aux croisés francs et aux arméniens, ils sont actuellement la plus importante des communautés libanaises tant en nombre qu’en influence sociale et politique.

Les mêmes phénomènes se produisirent chez les envahisseurs musulmans. Quelques années après l’hégire, les Arabes pénétrèrent en Syrie byzantine et la conquirent rapidement (prise de Damas en 635). Les califes omeyyades établis à Damas étendirent jusqu’à la côte leur domination, afin de se protéger contre une revanche possible de Byzance ; à cette occasion, des Arabes venus d’Iraq s’installèrent dans la région côtière.

Il faut remarquer que jamais les chrétiens ne souffrirent de persécution, à cause de leur religion, de la part des princes omeyyades, qui régnèrent sur le pays de 660 à 750. Il n’en alla pas de même sous leurs successeurs, les ‘Abbāssides, qui les tyrannisèrent et qui provoquèrent des révoltes sanglantes ; ce sont eux qui obligèrent les Arabes chrétiens à embrasser la religion islamique. Au xe s., une nouvelle dynastie, celle des Fāṭimides, qui régnait au Caire, prit possession du pays et le conserva jusqu’à la conquête du Levant par les Francs entre 1097 et 1099.

Sous la domination islamique, de nombreuses sectes hétérodoxes fleurirent, à l’image des chrétiennes, dans tout le Liban : chī‘ites, partisans de ‘Alī ; druzes, dont l’hérésie est due au calife fāṭimide, al-Ḥākim (996-1021) ; ceux-ci s’installèrent dans la partie centrale du Liban, où ils se trouvent toujours. Ces communautés hérétiques et quelques autres moins importantes s’opposèrent aux orthodoxes sunnites.

Dès le xie s., le pays était constitué par une véritable mosaïque de communautés religieuses, chrétiennes et islamiques orthodoxes et hétérodoxes. C’est cette situation que trouvèrent les Francs à leur arrivée dans la région à l’extrême fin du xie s.