Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Le Vau (Louis)

Architecte français (Paris 1612 - id. 1670).


Figure dominante de l’architecture française entre 1645 et 1665, il appartenait à une famille d’entrepreneurs et d’architectes. Son père, également prénommé Louis, fut grand voyer et inspecteur des Bâtiments. Son frère François (1613-1676), architecte ordinaire des Bâtiments et son aide en mainte occasion, éleva le château de Bercy et présenta en 1664, pour la façade du Louvre, un projet annonçant celui de Perrault* ; mais François Le Vau a surtout travaillé en province, à Saint-Fargeau (Yonne) pour la Grande Mademoiselle, dans la région moyenne de la Loire comme ingénieur des Ponts et Chaussées.

Dès avant 1634, Louis Le Vau aurait bâti avec son père, pour le surintendant des Finances Claude de Bullion, l’hôtel parisien de celui-ci et son château de Wideville (Yvelines) ; et toute sa vie il se trouvera mêlé à la fièvre de bâtir des gens de finance. L’île Saint-Louis, où il habite à Paris, est un centre de spéculations immobilières ; il y achète des terrains et élève des hôtels. C’est en 1640 l’hôtel du président Lambert de Thorigny (dont il élève aussi le château à Sucy-en-Brie), en 1642 celui de Louis Hesselin (auj. disparu), en 1648 l’hôtel d’Aumont (rue de Jouy, sur la rive droite), en 1656, pour Gruyn des Bordes, ce qui deviendra l’hôtel Lauzun ; Le Vau établit les plans de l’église Saint-Louis-en-l’Île, dont la construction débute en 1664, alors que s’achève celle de l’hôtel de Lionne (rue des Petits-Champs, détruit).

Un secrétaire des Finances, Jacques Bordier, qui sera intendant en 1649, lui a demandé une demeure somptueuse au Raincy (1640-1648), décorée par Le Brun* et complétée par Le Nôtre* d’un parc dominant la forêt de Bondy. Les surintendants ne veulent pas être en reste sur ce subordonné. Abel Servien fait remodeler Meudon par Le Vau à partir de 1654 ; Nicolas Fouquet accapare les trois artistes pour élever le château de Vaux-le-Vicomte* (1656-1661), création exceptionnelle qui entraînera la disgrâce du maître d’ouvrage et le triomphe des réalisateurs, auxquels Louis XIV va confier Versailles.

Le Vau, il est vrai, travaillait déjà pour le roi, dont il devient le premier architecte en 1654, à la mort de Jacques Lemercier. Il transforme Vincennes à la demande de Mazarin (1654-1660), et réalisera selon le testament de ce dernier (1661) le collège des Quatre-Nations (devenu l’Institut de France). On le trouve à la Salpêtrière, à Saint-Sulpice, au Louvre et aux Tuileries, à Versailles* enfin, où il établit les grandes lignes du palais, modifiées plus tard par J. H.-Mansart* et par Gabriel*. Le Vau, surchargé, ne pouvant suffire à tout, il est probable que D’Orbay, son chef d’agence, a largement collaboré à ces entreprises, surtout à partir de 1664, quand Colbert demanda au premier architecte de surveiller les fabriques de canons du Nivernais et d’établir une manufacture de fer-blanc à Beaumont-la-Ferrière.

Les activités d’affairiste ont tenu une grande place chez Le Vau, mais il serait excessif de ne voir dans l’évolution de son style que les conséquences du renouvellement de son personnel. La variété des commandes et leur rapidité d’exécution suffisent à expliquer certaines négligences, voire l’emploi occasionnel de formules déjà vieillies. Il s’agit de fautes de détail, sinon de goût, sans commune mesure avec le rôle capital joué par Le Vau dans l’évolution de la demeure patricienne. S’il a conservé nombre de dispositions traditionnelles, on lui doit l’unification du corps de logis, le rejet de l’escalier sur l’axe transversal et, plus encore, un souci alors tout nouveau du confort.

François D’Orbay

Architecte français (Paris 1634 - id. 1697).

D’une famille de maîtres maçons parisiens, D’Orbay fréquenta les chantiers de son père et s’initia au dessin chez le sculpteur François Girardon (1628-1715), leur voisin. Entré à quinze ans dans l’agence de Le Vau, il en deviendra le principal dessinateur ; y fixant même son domicile, il mourra à l’hôtel de Longueville, où l’agence fut transférée en 1663.

Son habileté le fit remarquer pour le château de Vincennes ; et il fut envoyé à Rome en 1659-60. À son retour, il participe à tous les chantiers royaux et, à la mort de Le Vau, fait fonction de premier architecte (on lui doit alors le célèbre escalier des Ambassadeurs de Versailles, détruit au xviiie s). En 1678, il s’efface devant la personnalité envahissante de J. H.-Mansart, sans pour autant ralentir une collaboration aussi discrète qu’efficace.

Il est difficile d’évaluer à sa juste mesure le rôle de François D’Orbay au collège des Quatre-Nations, à la façade du Louvre ou dans la création de Versailles. Les trop rares réalisations dont il a eu en propre le loisir ne permettent pas plus un jugement définitif : les façades parisiennes de l’église des Prémontrés et de l’hôpital de la Trinité ont disparu, la cathédrale de Montauban (1692) a été modifiée ; seul subsiste l’arc du Peyrou, à Montpellier (1691), que A. Daviler édifia sur les plans de D’Orbay.

H. P.

 N. Bourdel, « Nouveaux Documents sur Louis Le Vau » dans Paris et Île-de-France, t. VIII (1956). / A. Laprade, François d’Orbay, architecte de Louis XIV (Vincent et Fréal, 1960).

Lévi-Strauss (Claude)

Anthropologue français (Bruxelles 1908).


Directeur d’études à l’École pratique des hautes études (1950), puis professeur au Collège de France (1959), il effectua plusieurs missions en Amérique du Sud. Il a écrit : les Structures élémentaires de la parenté (1949), Tristes Tropiques (1955), Anthropologie structurale (1958), le Totémisme aujourd’hui (1962), la Pensée sauvage (1962), le Cru et le cuit (1964), Du miel aux cendres (1966), l’Origine des manières de table (1968), l’Homme nu (1971), Anthropologie structurale 2 (1973), la Voie des masques (1975) [Acad. fr., 1973].

Sa rencontre avec le linguiste Roman Jakobson* a orienté Lévi-Strauss non seulement vers le structuralisme sur le plan de la méthodologie ethnologique, mais également vers une conception générale de l’analyse des mythes* comme celle de langages particuliers. Après l’étude des problèmes de la parenté*, la pratique ethnologique et les travaux des ethnologues « fonctionnalistes » tels que Radcliffe-Brown* et Malinowski* lui ont permis de constituer une méthode selon laquelle la notion de « structure » s’applique non pas aux données de la réalité empirique, mais aux modèles construits d’après ces donnés (v. anthropologie). Cette structure est un système de relations de nature logico-mathématique, constituant une sorte de référence dans laquelle on peut replacer l’objet ethnologique au moyen de conversions appropriées. La Pensée sauvage apporte une généralisation ambitieuse du structuralisme : la notion de « classification », que l’on a pu croire une conquête de l’« esprit scientifique », est à la base de toute pensée humaine, en particulier de celle des civilisations sans écriture. Ce qui fait l’histoire, c’est le passage d’une pensée d’un niveau de référence à un autre, en particulier le mode d’action sur le réel (sur ce plan, il n’y a pas de contradiction insurmontable entre le structuralisme et l’histoire).