Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Léopold Ier (suite)

L’indépendance belge

La révolution belge détruisait le royaume des Pays-Bas, créé au congrès de Vienne par la réunification des provinces méridionales et septentrionales, séparées depuis plus de deux siècles. Après avoir proposé inutilement leurs bons offices, les grandes puissances imposèrent leur arbitrage. L’acceptation des conditions de la conférence de Londres valut à la Belgique* la reconnaissance de son indépendance et la garantie de sa neutralité.

La Constituante belge, ayant opté pour le régime monarchique afin de ne pas s’aliéner les grandes puissances, avait élu le duc de Nemours (1814-1896). Devant l’opposition de la Conférence, Louis-Philippe déclina l’offre. Léopold apparut dès lors comme un candidat de compromis, conciliant les intérêts de la Conférence et ceux de la Belgique : il était pour la Conférence le gage de la ratification par la Belgique des préliminaires de paix ; à la Belgique, il garantissait la reconnaissance par les grandes puissances de l’indépendance belge.

Jusqu’en 1839, cependant, Guillaume Ier (1772-1843), pénétré de la signification historique de la réunification, s’obstinait dans son refus. Une attaque néerlandaise ne fut repoussée par Léopold Ier en 1831 qu’en faisant appel à l’aide militaire française. Un an plus tard, les forces françaises expulsaient de la citadelle d’Anvers la garnison néerlandaise. Afin de prévenir toute éventualité d’un partage de la Belgique et pour s’assurer contre la menace militaire néerlandaise, Léopold contracta une alliance dynastique avec la France. Partisan convaincu de la neutralité armée, il s’employa à réorganiser et à renforcer l’armée belge.


L’unionisme

La menace néerlandaise entretenait l’union des oppositions, née en 1828 et responsable des événements de 1830. Le roi fit tout pour prolonger la formule unioniste au-delà de 1839, car cette situation assurait la prédominance de l’exécutif, dominé par le roi, qui choisissait librement ses ministres, face au législatif, composé d’individualités formant une majorité ministérielle mouvante.

L’érosion de l’unionisme fut en fait accélérée par les interventions du souverain : quoique lui-même luthérien, le roi considérait l’Église catholique comme l’alliée naturelle de l’autorité royale. Sur ses instances, le Vatican nomma à Bruxelles un nonce (1842) dont le roi attendait qu’il coordonnât les interventions du clergé lors des élections.

L’alliance du trône et de l’autel, poursuivie par le roi, et l’éloignement des libéraux qu’elle précipita vidaient l’unionisme de sa substance véritable, réduisant la tendance unioniste à un parti conservateur et clérical. Cette politique aboutit en 1846 à la création d’un parti libéral organisé, revendiquant l’émancipation totale de la bourgeoisie. Les élections de 1847, sous la poussée du mouvement libéral européen, amenaient les libéraux au pouvoir.


1848 : le « miracle » belge

L’avènement du parti libéral avait la portée d’une révolution légale. La crise de lassitude profonde traversée par le roi en témoigne. Désormais, les cabinets étaient composés d’une équipe homogène ayant un programme de gouvernement défini ; l’équipe ministérielle était investie par une majorité parlementaire stable et organisée ; la responsabilité ministérielle et la solidarité gouvernementale acquéraient un sens précis. De la monarchie constitutionnelle à la monarchie parlementaire, la transition s’était toutefois opérée dans la légalité.

Difficilement accepté par le roi, l’avènement au pouvoir de l’opposition permit à la Belgique et à la monarchie de résister sans difficulté à la lame de fond révolutionnaire qui submergea l’Europe de 1848. Quelques mesures opportunes achevèrent d’étouffer toute velléité d’agitation : le roi donna au gouvernement l’occasion de refuser son abdication ; la Belgique la première reconnut le gouvernement provisoire français ; le cens électoral fut abaissé au minimum légal, augmentant sensiblement l’électorat convié aux urnes. L’entreprise française de « risquons-tout » tourna court. La Belgique donnait une preuve éclatante de sa maturité politique.


Le domaine réservé

La réaction de la droite en 1852 s’effectua elle aussi dans la légalité. Nourrissant une incurable nostalgie pour un unionisme devenu désuet, Léopold Ier réussit en 1855 à susciter un dernier cabinet unioniste.

En dépit du glissement intervenu dans le rapport des forces entre le roi et le gouvernement, Léopold Ier conserva une influence personnelle prépondérante sur la politique étrangère et la défense nationale. Convaincu que le maintien d’une paix européenne conditionnait l’existence de la Belgique, le roi s’efforça d’agir en médiateur. Cependant, si Léopold Ier joua effectivement un rôle sur la scène diplomatique, il fut peu écouté en raison de la faible importance de la Belgique dans le concert européen. Le roi n’eut guère plus de succès dans ses efforts répétés pour acquérir une colonie destinée à recevoir l’émigration belge. Dans la question militaire, il imposa difficilement sa conception de la neutralité armée, destinée à dissuader les visées annexionnistes de Napoléon III.

Les rapports mal définis entre l’Église et l’État, opposant catholiques et libéraux, engageaient la responsabilité de Léopold Ier. Mais peut-être son attitude conservatrice était-elle la contrepartie inévitable de l’acceptation par les grandes puissances du fait révolutionnaire belge.

P. J.

➙ Belgique / Flamingantisme.

 L. M. d’Orléans, la Cour de Belgique et la cour de France de 1832 à 1850, lettres intimes (Plon, 1933). / C. Bronne, Lettres de Léopold Ier (Dessart, Bruxelles, 1943). / A. Simon, Léopold Ier (la Renaissance du livre, Bruxelles, 1963). / Léopold Ier et son règne. Exposition nationale (Archives générales du royaume, Bruxelles, 1965).

Léopold II

(Bruxelles 1835 - Laeken 1909), roi des Belges de 1865 à 1909.