Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Leopardi (Giacomo) (suite)

Les rêves héroïques de gloire et d’action du jeune Leopardi, nourri des idéaux classiques, furent très tôt contrariés par la maladie, par un milieu familial réactionnaire, provincial et dévot, puis par une société moins libérale qu’opportuniste, par la médiocrité enfin d’une période historique de stagnation succédant à l’épopée napoléonienne. Il en fut de même de ses aspirations au bonheur : il ne connut jamais de l’amour que les faux-semblants. Se considérant comme exilé dans son siècle, il en vitupère la décadence morale, intellectuelle et politique, au nom de la grandeur et de l’énergie des Anciens. Mais, loin de recourir à l’Antiquité comme à une idéale utopie, il lui emprunte aussi une vision matérialiste du monde démasquant l’idéalisme des idéologies romantiques (cf. Palinodia al marchese Gino Capponi et Nuovi credenti, 1835). De même, le rôle de la mémoire dans l’inspiration léopardienne procède moins de l’idylle que de la tragédie : la nostalgie de l’enfance trahit la principale contradiction de la conscience adulte, dont le propre est précisément de dénoncer les illusions de l’imagination enfantine.

La seule évasion que se concède l’enfant Leopardi est de fréquenter jour et nuit la bibliothèque de son père, le comte Monaldo (1776-1847), compromettant ainsi définitivement sa santé déjà fragile. Dès l’âge de dix ans, il échappe à la tutelle de ses précepteurs pour apprendre seul le grec, l’hébreu, l’anglais, le français et l’espagnol. À onze ans, il traduit une partie de l’Art poétique d’Horace et à quatorze ans il ébauche une tragédie (Pompeo in Egitto) ; à quinze ans, il écrit une Storia dell’astronomia ; à dix-sept ans, il compose un Saggio sopra gli errori popolari degli antichi et il traduit la Batracomiomachia, qu’il réélaborera deux fois. Leopardi lui-même date de 1816 sa double « conversion » aux lettres italiennes et à la poésie ; et, se croyant sur le point de mourir, il compose son premier poème : Appressamento della morte. Mais l’année 1817 est peut-être plus décisive encore : elle marque le début de la correspondance avec Pietro Giordani (1774-1848), grand patriote et écrivain classique, dont l’admiration ne cessa de confirmer Leopardi dans son génie, et qui l’aidera à se faire connaître hors du cercle étroit de son village natal. L’influence du maître se fait sentir dans l’inspiration héroïque des « Canzoni » All’Italia, Sopra il monumento di Dante (1819), Ad Angelo Mai (1820), Bruto minore (1821), Alla primavera, Ultimo canto di Saffo (1822), ainsi que dans le Discorso di un italiano intorno alla poesia romantica. Parallèlement, Leopardi trouve des accents plus intimes pour exprimer dans ses Idilli un pessimisme radical : L’Infinito, Alla luna, Per le nozze della sorella Paolina, La Vita solitaria.

Après une vaine tentative de fugue en 1819, Leopardi réussit pour la première fois (nov. 1822) à quitter Recanati pour Rome, où il ne séjournera que quelques mois. L’horreur qu’il éprouve pour cette ville inaugure une longue période de silence poétique, qu’il consacre aux premiers dialogues philosophiques de ses Operette morali (composés à partir de 1824 et édités en 1827 et 1833). Hors de brefs séjours à Recanati, il mènera désormais une existence itinérante (Milan, Bologne, Florence, Pise, Florence puis, définitivement, Naples à partir de 1833) occupée à des travaux d’érudition : traduction et exégèse de classiques gréco-latins, édition de Pétrarque, les deux volumes anthologiques (prose et poésie) de la Crestomazia italiana (1826-27), Paralipomeni della Batracomiomachia (1831-1837). Son œuvre poétique s’élabore de façon discontinue après la splendide floraison des années 1828-1830 : Risorgimento, A Silvia, Le Ricordanze, La Quiete dopo la tempesta, Il Sabato del villaggio, Canto notturno di un pastore errante dell’Asia, Il Passero solitario. L’espérance amoureuse que laissait percer Il Pensiero dominante (1831) est brusquement démentie dans Aspasia (1834), prélude aux ultimes chefs-d’œuvre, La Ginestra et Il Tramonto della luna (1836-37), où Leopardi transfigure en emblème de mort et de désolation le paysage désertique du Vésuve — décor quotidien de ses dernières années — avec une fureur abstraite à mi-chemin entre Lucrèce et Mallarmé.

Le Zibaldone (1817-1832), énorme journal posthume de Leopardi, atteste la multiplicité de ses intérêts : philologiques, philosophiques, historiques et littéraires, tandis que les Pensieri (posthumes), composés à partir de 1833, s’inscrivent dans la tradition des moralistes français.

J.-M. G.

 P. Bigongiari, L’Elaborazione della lirica leopardiana (Florence, 1937) ; Leopardi (Florence, 1962). / G. de Robertis, Saggio sul Leapardi (Florence, 1944 ; 5e éd., 1969). / W. Binni, La Nuova Poetica leopardiana (Florence, 1947 ; rééd., 1966). / C. Luporini, « Leopardi progressivo », dans Filosofi vecchi e nuovi (Florence, 1947). / H. L. Scheel, Leopardi und die Antike (Munich, 1959). / M. Maurin, Leopardi (Seghers, 1961). / Leopardi e il Settecento [Atti del primo convegno internazionale di studi leopardiani] (Florence, 1964). / G. Getto, Saggi leopardiani (Florence, 1966).

Léopold Ier

(Cobourg 1790 - Laeken 1865), roi des Belges de 1831 à 1865.



L’ascension matrimoniale

Fils cadet issu du duché de Saxe-Cobourg, Léopold fut le principal bénéficiaire d’une politique matrimoniale qu’il poursuivit lui-même avec bonheur : veuf de l’héritière du trône d’Angleterre, souverain de l’État belge, marié à une princesse française (Louise-Marie d’Orléans, fille de Louis-Philippe), il devint l’oncle de la reine Victoria* d’Angleterre, du prince consort Albert et du régent du Portugal Ferdinand de Saxe-Cobourg.

Durant les guerres napoléoniennes, il avait finalement pris le parti de la Russie et participé aux campagnes dans l’entourage de son beau-frère, le tsarévitch Constantin. La protection de la Cour lui valut d’être le candidat des puissances continentales à la main de la princesse Charlotte d’Angleterre. Veuf dès 1817, il resta en Angleterre, où il jouissait d’une situation enviable. En 1830, il venait de décliner prudemment le trône grec lorsque éclata la révolution belge.