Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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León (suite)

Après le court règne de Fruela II (924-925), frère d’Ordoño II, des luttes intestines ensanglantent le sol de León. Le fils d’Ordoño II, Alphonse IV le Moine, monte sur le trône, puis abdique en faveur de son frère Ramire ; mais, regrettant son geste, il revient sur sa décision et se proclame de nouveau roi à Simancas. Vaincu, il est jeté en prison, et Ramire II (931-951) lui fait crever les yeux (932).

Sous Ramire II, la monarchie de Léon poursuit énergiquement la Reconquista et remporte contre ‘Abd al-Raḥmān III les victoires d’Osma (933), de Simancas et d’Alhandega (939). Les régions se trouvant tout à fait au sud du royaume se peuplent. C’est à ce moment-là que les comtes de Castille* commencent à s’agiter et accordent l’investiture à Fernán González, qui se soulève lui aussi contre Ramire II. Le souverain léonais unit alors sa famille à celle du comte rebelle en lui demandant la main de sa fille Urraca pour son fils aîné Ordoño.

Au lendemain de la mort de Ramire II, l’anarchie et les querelles font rage, marquant le règne d’Ordoño III (951-9561 ainsi que ceux de Sanche Ier le Gros (el Craso) [956-958 et 960-966] et d’Ordoño IV le Mauvais, qui, en 958, s’empare de la couronne grâce à l’intervention de Fernán González pour la reperdre deux ans plus tard au profit de son prédécesseur, soutenu par les armées musulmanes. La situation étant toujours aussi confuse sous Ramire III (966-982) et Bermude II (982-999), le remarquable stratège al-Manṣūr peut entreprendre facilement des campagnes victorieuses dans ce royaume.

Alphonse V le Noble (999-1027) n’a que quelques années lorsqu’il monte sur le trône. On le connaît sous le nom de « souverain aux bons privilèges », épithète justifiée par ceux qu’il octroie au Léon. Il encourage le repeuplement et le développement des communes et sait profiter du début de la décadence de l’empire musulman à la mort d’al-Manṣūr (1002) et de l’anarchie qui s’y est instaurée.

Son fils Bermude III (1028-1037) prend pour femme une sœur du comte de Castille García II Sánchez, assassiné en 1029 par les Vela (nobles d’Álava). Un conflit met aux prises le Léon et la Navarre, et le traité de paix qui y met fin en 1032 prévoit le mariage de Sancha, sœur de Bermude III, avec Ferdinand, fils du roi de Navarre Sanche III* Garcés le Grand (1000-1035). Une nouvelle guerre oppose le Léon à la Castille et à la Navarre et coûte la vie à Bermude III, qui meurt sur le champ de bataille dans la vallée du Támara (ou du Tamarón, 1037). Le royaume passant à Sancha, son mari Ferdinand Ier le Grand devient le premier roi de Castille et de Léon (1037). Ces deux royaumes restent désormais unis, sauf de 1157 à 1230, période pendant laquelle le trône de León est occupé par Ferdinand II (1157-1188), deuxième enfant d’Alphonse VII (1126-1157), et par Alphonse IX (1188-1230), qui épouse en 1197, Bérengère, fille d’Alphonse VIII de Castille (1158-1214), et a pour fils Ferdinand III, qui, en 1230, unit définitivement le León et la Castille.

M. D.

➙ Asturies / Castille / Espagne / Navarre.

 M. Gómez Moreno, Provincia de León (Madrid, 1925). / M. D. Berrueta, León (Barcelone, 1 963). / A. Vinayo Gonzalez, León roman (trad. de l’esp., Zodiaque, La Pierre-qui-Vire, 1972).


L’art à León

León est une de ces capitales provinciales d’Espagne où l’on se plaît. à suivre le cours d’une histoire riche en contrastes, à travers les diverses techniques de la création artistique.

Son nom même évoque ses origines romaines et un destin d’abord militaire. Elle fut en effet créée pour abriter la Legio VII gemina, et de ces premiers temps demeurent en place quelques éléments d’une enceinte plusieurs fois remaniée par la suite.

L’histoire médiévale de la cité commence au début du xe s., avec l’installation dans ses murs de la cour des rois asturiens. Rapidement, elle devient la principale ville de l’Espagne chrétienne. On ne s’étonnera pas, dès lors, d’y voir naître un foyer très précoce d’art roman. Il se localise dans le monastère de San Isidoro, dont l’église fut reconstruite en 1063 par le roi de Castille Ferdinand Ier, aidé de sa femme Sancha, héritière du royaume de León.

D’abord apparu dans les arts mineurs, le nouveau style s’exprima bientôt à travers la sculpture monumentale. Ses progrès s’observent dans un édifice à destination funéraire, la Chapelle des rois, annexée à l’abbatiale de San Isidoro, puis dans cette abbatiale elle-même, une nouvelle fois rebâtie à la fin du xie et au début du xiie s.

Qu’il s’agisse de chapiteaux ou de portails ornés, la sculpture romane léonaise se caractérise par un goût pour le fort relief, qui peut dégénérer en enflure et boursouflure. Elle entretient cependant des liens très précis avec l’art de l’Europe occidentale, tout autant que le beau décor peint sur les voûtes du panthéon royal. Postérieures à la construction, ces peintures, au sujet desquelles on a parfois évoqué la France de l’Ouest, paraissent dues à la munificence du roi de León Ferdinand II.

Un autre pôle d’intérêt est constitué par la cathédrale gothique, la plus française des cathédrales d’Espagne, tant en ce qui concerne le plan que l’élévation, l’ordonnance et le programme iconographique des portails, l’ambiance intérieure créée par les vitraux, et même la présentation extérieure. Elle fut commencée en 1255, en partant du chevet, par maître Enrique († 1277), qui dirigeait en même temps le chantier de la cathédrale de Burgos. Son plan est une réduction de celui de Reims.

L époque gothique eut son peintre, comme l’époque romane avait eu le sien. Son nom, Nicolás Francés († 1468), correspond peut-être à une origine d’au-delà des Pyrénées. De toute manière, il développa vers le milieu du xve s., notamment dans le retable du maître-autel de la cathédrale, les grâces du style international, avec en outre un sens plastique assez rare.