Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Lemnacées

Famille de petites plantes flottantes appelées usuellement Lentilles d’eau.


La famille des Lemnacées, vivant dans le monde entier, sauf dans les régions arctiques (classe des Monocotylédones, ordre des Arales), possède quatre genres très voisins et une trentaine d’espèces (en France, trois genres et cinq espèces).

L’inflorescence est très proche de celle des Aracées, mais elle a à peine 1 ou 2 mm de haut. Les fleurs sont groupées sur un axe pratiquement nul, entouré d’une bractée (spathe) réduite à une minuscule écaille ; l’inflorescence proprement dite est des plus simples : souvent deux fleurs mâles à une étamine chacune et une fleur femelle.

Plantes aquatiques, non fixées au sol, les Lemnacées sont composées de petites lames vertes, les « lentilles d’eau », de taille réduite (quelques millimètres), dont la structure correspond à celle de feuilles (certains auteurs pensent plutôt à des tiges aplaties, ou cladodes). De la face inférieure, très différente de la face supérieure, de ces petites « lentilles » partent une ou plusieurs minuscules racines, filiformes le plus souvent, non ramifiées, de 1 ou 2 cm de long au plus.

Vivant à la surface des eaux calmes des mares, ces plantes se multiplient de façon végétative par un bourgeonnement latéral parfois très actif si les conditions physico-chimiques et thermiques du milieu où elles se trouvent sont favorables ; elles peuvent ainsi recouvrir en quelques jours des surfaces importantes et former de belles nappes vertes sur les étangs. Elles constituent alors un écran vert très dense à la surface des eaux, interceptant pratiquement la presque totalité des rayons solaires et empêchant ainsi tout développement végétal sur le fond. Leur grande activité photosynthétique leur permet une fabrication importante de matière vivante, qui est une bonne nourriture pour les Oiseaux aquatiques. À l’automne, quand les froids arrivent, gorgées d’amidon, elles prennent une belle teinte pourpre et s’enfoncent dans la vase pour se protéger des conditions défavorables de l’hiver. Au printemps, dès que la température est clémente, elles remontent à la surface, entraînées par des bulles gazeuses.

J.-M. T. et F. T.

Lemoyne (les)

Famille de sculpteurs français de la fin du xviie et du xviiie s.


Jean-Louis (Paris 1665 - id. 1755), fils d’un peintre ornemaniste qui fut académicien, fréquente l’atelier d’Antoine Coysevox et y apprend l’exigence de la ressemblance tant physique que morale qui doit animer le buste. Bien qu’ayant remporté le premier prix de sculpture en 1687, il ne se rend pas à Rome et entre dans l’équipe des artistes du roi. Il ne dédaigne pas les honneurs académiques, se fait agréer par l’académie de Bordeaux en 1692 avant de se présenter à l’Académie royale en 1703, son morceau de réception étant le buste de J. H.-Mansart*, alors surintendant des Bâtiments. Il s’assure ainsi une solide protection et des commandes officielles dans les derniers chantiers du Roi-Soleil, à Marly (dont il reste une Compagne de Diane très gracieuse), à la chapelle de Versailles, au chœur de Notre-Dame de Paris. À la fin de sa carrière, il termine un groupe allégorique, la Crainte des traits de l’Amour (Metropolitan Museum, New York), œuvre d’une fraîcheur, d’une jeunesse, d’une vivacité délicieuse où s’épanouit toute la grâce du style rocaille. Cependant, c’est surtout le portrait en buste qui assure sa réputation sous la Régence. Il n’hésite pas à traiter avec faste la partie du vêtement, surtout chez les gens de cour ; la tête elle-même s’anime, se tourne par rapport à l’axe du corps ; l’expression veut rendre un état d’âme, un trait de psychologie. Lemoyne a traduit dans le marbre aussi bien de grands seigneurs comme le Régent lui-même (musée de Versailles) que des parlementaires comme le président J. J. de Ménars, des ecclésiastiques comme Fénelon (musée de Cambrai) ou encore, avec prédilection, des gens de son milieu, architectes comme J. H.-Mansart (musée du Louvre) et J. Gabriel* (musée Jacquemart-André, Paris), peintres comme Largillière*.

De son frère puîné Jean-Baptiste Ier (Paris 1679 - id. 1731), on ne sait pas grand-chose, car il produisit peu. Il fut néanmoins reçu à l’Académie en 1715 sur un morceau de réception au sujet insolite, la Mort d’Hippolyte (Louvre), renversé de son char et déchiré sur les rochers. Il commença pour l’église Saint-Jean-en-Grève un important groupe de marbre, le Baptême du Christ, une des œuvres religieuses les plus significatives de l’époque rocaille ; on a reproché au Christ, incliné en un ploiement gracieux des jambes et des bras pour recevoir l’eau que lui verse un saint Jean très déférent, d’être un acteur mondain et au Précurseur d’être un bellâtre sophistiqué. Que cette sculpture manque de simplicité, c’est certain, mais le sentiment religieux et une suavité qui appartient bien à la spiritualité de l’époque n’en sont pas exclus.

Cette œuvre majeure, conservée à l’église Saint-Roch, fut achevée par le neveu, fils de Jean-Louis, Jean-Baptiste II (Paris 1704 - id. 1778). C’est assurément le plus grand artiste de la famille, un des meilleurs représentants de la sculpture rocaille. Il fait partie de la génération prestigieuse des Adam*, de Bouchardon* et de Michel-Ange Slodtz*. Élève de son père et de Robert Le Lorrain (1666-1743), il remporte en 1725 le premier prix, qui lui donne droit au voyage de Rome ; il y renonce pour rester auprès de son père vieux et infirme. Ce sacrifice ne semble pas nuire à sa carrière. Reçu académicien dès 1738, il fait très tôt figure de portraitiste officiel. Cependant, comme ses contemporains, il considère qu’un artiste digne de ce nom doit se mesurer aux grands genres, ce qui lui vaut quelques mécomptes, car force est de reconnaître que, dans le domaine du monumental, il est peu à son aise et surclassé par ses rivaux. Dans un genre assez libre comme au salon de l’hôtel Soubise, en compagnie des Adam, il donne des bas-reliefs en stuc pleins de charme. Ses monuments funéraires, plus contestables, manifestent un goût pour la polychromie et le mélange de matières diverses : marbres, bronze, stuc. Du tombeau du peintre Pierre Mignard*, commandé par sa fille la comtesse de Feuquières, où une grande figure du Temps, en stuc, soulevait une lourde draperie de plomb en brandissant sa faux, il ne reste que la statue agenouillée de la comtesse, aux yeux brouillés de larmes (Paris, église Saint-Roch). C’est la vérité du portrait qui compte avant tout dans cette œuvre composite. La couleur intervient aussi largement dans le monument du cardinal de Fleury, et Lemoyne ne craint pas d’y peindre le marbre pour accentuer la réalité des personnages. Il reçoit commande de la ville de Bordeaux, pour sa place Royale, d’une statue équestre de Louis XV en bronze, célèbre en son temps, fondue à la Révolution. Son effigie du roi pour Rouen, sous forme pédestre, reste à l’état de projet. Il est certain que Lemoyne réussit avec bonheur le portrait de son souverain, et, grâce à lui, nous avons une galerie de bustes de Louis XV à différentes époques de sa vie. Toute la vie brillante, pétillante d’esprit, heureuse de la société sous le règne du Bien-Aimé renaît sous son ciseau, incomparable pour rendre l’éclat des yeux, le sourire enjoué ou moqueur, l’instant privilégié d’une physionomie. Citons parmi ses meilleurs réussites le maréchal de Lowendal, Réaumur et Gabriel (Louvre), Florent de Vallières (musée des Beaux-Arts, Tours), la comtesse d’Egmont (Stockholm), Mlle Clairon en Melpomène (Comédie-Française). Notons qu’il existe souvent deux versions, le marbre et aussi la terre cuite originale, où le feu du métier et l’impression de vie sont souvent mieux perceptibles.

F. S.

 L. Réau, Une dynastie de sculpteurs au xviiie siècle, les Lemoyne (les Beaux-Arts, 1927 ; nouv. éd., Bibliothèque des arts, 1960).