Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

anneau

Ensemble muni de deux opérations, une addition et une multiplication telles que :
1o l’ensemble est un groupe commutatif (ou abélien) pour l’addition ;
2o la multiplication est associative :
x(yz) = (xy)z,
quels que soient les éléments x, y et z de l’anneau ;
3o la multiplication est distributive par rapport à l’addition :
x(y + z) = xy + xz
et
(y + z)x = yx + zx,
quels que soient les éléments x, y et z de l’anneau.



Introduction

On désigne souvent un anneau par A ou R (ring en anglais). L’élément neutre de l’addition est appelé zéro de l’anneau et noté 0. La multiplication n’est pas nécessairement commutative ; si elle l’est, l’anneau est dit commutatif. S’il existe dans l’anneau un élément neutre pour la multiplication, c’est-à-dire un élément e tel que, pour tout élément x de l’anneau, on ait
ex = xe = x,
e est appelé élément-unité de l’anneau, qui est dit à élément-unité ou unitaire. Cet élément neutre est souvent désigné par 1, même si les éléments de l’anneau ne sont pas des nombres.

Exemples.

1. L’ensemble ℤ des entiers relatifs, l’ensemble ℚ des nombres rationnels, l’ensemble ℝ des nombres réels sont des anneaux commutatifs et unitaires. La vérification en est immédiate en utilisant les propriétés élémentaires de l’addition et de la multiplication des nombres.

2. L’ensemble G des entiers de Carl Friedrich Gauss (1777-1855), tel que
G = {a + bi, a ∈ ℤ, b ∈ ℤ}
(le signe ∈ est celui de l’appartenance ; i2 = – 1), est également un anneau commutatif et unitaire quand on le munit de l’addition et de la multiplication des nombre complexes.

En effet, si
α = a + bi ∈ G
et
β =c + di ∈ G,
α + β = a + bi + c + di = (a + c) + (b + d)i ∈ G ;
de plus 0 ∈ G, car 0 = 0 + i0 ; enfin si α ∈ G, α′ = – a – ib ∈ G ; d’où le groupe additif abélien. De plus, la multiplication qui est commutative est aussi une opération dans G, car si α = a + bi et β = c + di appartiennent à G, on a
γ = α × β = (a + bi)(c + di) =
=ac – bd + i(bc + ad) ∈ G ;

en effet, a, b, c et d étant des entiers relatifs, il en est de même de ac – bd et bc + ad. Cette multiplication est associative et distributive par rapport à l’addition, car elle a les mêmes propriétés dans le corps ℂ des complexes. Enfin, le nombre 1, qui est élément de G (1 = 1 + 0i), est élément-unité.


Règles de calcul dans les anneaux

Ces règles font intervenir les éléments d’un anneau A désignés par des petites lettres et pour lesquels on utilise le signe d’appartenance ∈.

• Soit a ∈ A ; il existe a′ ∈ A, unique, tel que a + a′ = 0 ; a′ est noté – a, et l’on devrait écrire a + (– a) = 0, qu’on écrit a – a = 0. La distributivité de la multiplication par rapport à l’addition entraîne sa distributivité par rapport à la soustraction :
(a – b)x = ax – bx
et
x(a – b) = xa – xb.
On établit, par exemple, la première égalité, en écrivant
(a – b)x + bx = (a – b + b)x = ax ;
d’où
(a – b)x + bx – bx = ax – bx
et
(a – b)x = ax – bx.

En particulier,
0x = (a – a)x = ax – ax = 0,
pour tout x de A ; donc 0x = 0 ; de même x0 = 0 : un produit de facteurs est nul dès que l’un des facteurs est nul. Cette condition suffisante n’est pas toujours nécessaire. Il existe en effet des anneaux dans lesquels deux éléments non nuls ont un produit nul. De tels éléments sont appelés des diviseurs de zéro. Si ab = 0, avec a ≠ 0 et b ≠ 0 (ce qui n’entraîne pas nécessairement que ba = 0), a et b sont des diviseurs de zéro, respectivement à gauche et à droite. Par exemple, dans l’anneau ℤ/6 des entiers modulo 6,

on a la relation , car 2 × 3 = 6, et 6 est congru à 0 modulo 6. On a d’ailleurs

Dans un anneau commutatif, les notions de diviseurs de zéro à droite et à gauche se confondent en une seule : celle de diviseur de zéro.

On donne le nom de domaine d’intégrité à tout anneau commutatif sans diviseurs de zéro. Par exemple, ℤ/p, ensemble des entiers modulo p, est un domaine d’intégrité si p est premier.

• Si a ∈ A, on désigne par a2 l’élément produit aa et, de façon plus générale, par an (a puissance n), l’élément aa... a, égal au produit de n facteurs égaux à a. On désigne de même par 2a l’élément a + a et par na l’élément a + a + ... + a, égal à la somme de n éléments égaux à a. On a alors
(a + b)2 = (a + b)(a + b) = a2 + ba + ab + b2 ;
si a et b sont permutables (ab = ba), en particulier si l’anneau est commutatif, on a le droit d’écrire
(a + b)2 = a2 + 2ab + b2 ;
de même
(a + b)3 = a3 + 3a2b + 3ab2 + b3
et, de façon générale,

avec

Ainsi, dans un anneau commutatif, la formule du binôme de Newton est valable.


Caractéristique

C’est le nombre entier naturel non nul n, s’il existe, le plus petit possible, tel que nx = 0 quel que soit l’élément x de A. Si ce nombre existe, A est de caractéristique n. S’il n’existe pas, A est de caractéristique nulle. Par exemple. ℤ/n est de caractéristique n, comme on le vérifie facilement. On démontre qu’un domaine d’intégrité est de caractéristique nulle ou égale à un nombre premier. Les règles de calcul énoncées ci-dessus se simplifient dans un domaine d’intégrité de caractéristique égale à un nombre premier. En effet,

mais

est un entier ; les facteurs 2, 3, ..., k du dénominateur, qui sont inférieurs à p, divisent les facteurs (p – 1), ..., (p – k + 1) du numérateur, mais ne divisent pas p puisqu’il est premier. Donc

m étant un entier non nul. Par suite, dans le développement de (a + b)p, tous les termes situés entre ap et bp sont nuls, puisqu’ils sont de la forme , avec α ∈ A, et que A est de caractéristique p( = 0, pour tout α de A) ; d’où (a + b)p = ap + bp.

Cette règle de calcul simple se généralise de proche en proche :
(a + b + c)p = (a + b)p + cp = ap + bp + cp, et (a + b + ... + l)p = ap + bp + ... + lp. Si on suppose de plus que l’anneau A est unitaire, d’élément-unité e, et si l’on prend a = b = ... = s = e,
a + b + ... + s = e + e + ... + e = me, noté m ;
d’où mp = m avec m ∈ A.

On peut, par exemple, appliquer cette dernière relation au corps ℤ/p (p premier) des classes résiduelles modulo « p ». Par suite, pour tout nombre naturel x non nul, on a la congruence : xp = p, (p). C’est le théorème de Fermat.