Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

législative (fonction) (suite)

L’initiative législative


Lois parlementaires

Dans la plupart des pays, l’initiative des lois parlementaires appartient concurremment au chef du gouvernement et aux membres du Parlement.

En France, 80 p. 100 des lois votées ont à leur origine un « projet de loi » déposé sur le bureau de l’une ou l’autre assemblée (les projets de loi de finances sont, toutefois, toujours déposés sur le bureau de l’Assemblée nationale, le gouvernement ayant le monopole de l’initiative lorsqu’il s’agit soit de diminuer les ressources publiques, soit de créer ou d’aggraver une charge publique) par le Premier ministre après avoir été délibéré en Conseil des ministres et soumis à l’avis du Conseil d’État. Les lois inspirées d’une des « propositions de lois » formulées par les parlementaires eux-mêmes sont beaucoup moins nombreuses.

En Grande-Bretagne, 90 p. 100 des lois votées sont d’origine gouvernementale.

En Italie, l’initiative appartient non seulement au gouvernement et aux membres du Parlement, mais également au Conseil national de l’Économie et du Travail, aux régions et au peuple, qui peut l’exercer au moyen d’une proposition rédigée en articles et signée par 50 000 électeurs au moins.

Aux États-Unis, la tendance a été de réserver l’initiative aux membres du Congrès, qui peuvent soit déposer un projet de loi, soit adresser une pétition à une commission spécialisée en vue d’en élaborer un. Il a toujours été admis, cependant, que le président puisse suggérer au Congrès l’adoption d’une loi sur un sujet déterminé. En pratique, la grande majorité des lois fédérales adoptées ont à l’origine un projet émanant de l’Administration, que celle-ci ait recours à un parlementaire pour le déposer ou — comme cela est le cas dans certaines périodes — qu’elle l’annexe purement et simplement à l’un des messages présidentiels sur l’état de l’Union.

Le fait que les lois sont le plus souvent d’initiative gouvernementale, c’est-à-dire préparées dans les bureaux des ministères, provoque périodiquement des campagnes contre la « technocratie », campagne ayant à leur origine les représentants des intérêts corporatifs ou locaux, dont les points de vue ont été soit ignorés, soit écartés, soit acceptés pour partie seulement d’abord par les fonctionnaires, puis par les ministres eux-mêmes au cours d’arbitrages successifs entre la conception du bien commun que se font les membres du gouvernement et leurs conseillers et une multitude d’intérêts privés divergents, sinon opposés.

Le domaine propre et exclusif de la loi parlementaire

Aux termes de l’article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958, la loi fixe, et elle seule :

1o les principes fondamentaux :

• de l’organisation générale de la défense nationale ;

• de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources ;

• de l’enseignement ;

• du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales ;

• du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale ;

2o les règles concernant :

• les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens, pour l’exercice des libertés publiques ; les sujétions imposées par la Défense nationale aux citoyens en leur personne et en leurs biens ;

• la nationalité, l’état et la capacité des personnes ; les régimes matrimoniaux, les successions et libéralités ;

• la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ; la procédure pénale ; l’amnistie ; la création de nouveaux ordres de juridiction et le statut des magistrats ;

• l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ; les charges de l’État ; les objectifs de l’action économique et sociale de l’État ; le régime d’émission de la monnaie ;

• les divers régimes électoraux tant sur le plan local que sur le plan national ;

• la création de catégories d’établissements publics ;

• les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l’État ;

• les nationalisations d’entreprises et les transferts de propriété d’entreprises du secteur public au secteur privé.

Par ailleurs, aux termes des articles 35, 36 et 53 de la Constitution :
a) la déclaration de guerre est autorisée par le Parlement ;
b) la prorogation au-delà de douze jours de l’État de siège ne peut être autorisée que par le Parlement ;
c) les traités de paix, les traités de commerce, les traités ou accords relatifs à l’organisation internationale, ceux qui engagent les finances de l’État, ceux qui modifient des dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à l’état des personnes, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire (après consentement des populations intéressées) ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu’en vertu d’une loi (ils ne prennent effet qu’après cette approbation ou ratification) ; toutefois, lorsque le traité international comporte une clause contraire à la Constitution, l’autorisation de le ratifier ou de l’approuver ne peut intervenir qu’après révision de la Constitution.

Aux termes de l’article 37 de la Constitution, les matières autres que celles qui sont expressément du domaine de la loi ont un caractère réglementaire.


Lois référendaires

En France, le référendum peut intervenir dans trois cas.

• En application de l’article 11 de la Constitution. L’initiative appartient au président de la République seul, pendant la durée des sessions parlementaires, soit sur proposition du gouvernement, soit sur propositions conjointes des deux assemblées. Le chef de l’État n’est pas tenu de déférer aux vœux ainsi émis ; il est seul juge de sa décision, qui n’est pas soumise au contreseing ministériel.

• En application de l’article 89 de la Constitution. En fait, il s’agit, dans ce cadre, de soumettre au peuple un texte de révision de la Constitution déjà adopté, en termes identiques, par les deux assemblées (il peut s’agir soit d’un projet de révision déposé par le président de la République sur proposition du Premier ministre, soit d’une proposition de révision déposée par un ou plusieurs membre du Parlement). [Le président de la République peut éviter de recourir au peuple en soumettant le texte adopté par les deux assemblées séparément à une réunion commune de celles-ci, appelée congrès ; ce dernier doit alors accepter le projet à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés].

• En application de l’article 53 de la Constitution. Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n’est valable sans le consentement des populations intéressées ; ce consentement ne peut, semble-t-il, résulter que d’un référendum dont l’initiative paraît appartenir soit au président de la République, soit aux assemblées.