Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Anjou

Ancienne province de France, axée sur la Loire, entre la Bretagne, le Maine, la Touraine et le Poitou. Capit. Angers. Elle a constitué le département de Maine-et-Loire* et les confins de ceux d’Indre-et-Loire, de la Sarthe et de la Mayenne.



La géographie

L’Anjou représente, géographiquement, un ensemble très hétérogène. Région de contact entre le Massif armoricain et le Bassin parisien, coupée transversalement par la Loire, il juxtapose plusieurs unités naturelles.

Sa partie occidentale, armoricaine, présente, de part et d’autre du fleuve (bocage du Segréen au nord-ouest [Anjou noir], Mauges au sud-ouest), quelques similitudes : relief vallonné, sols schisteux humides, campagnes entrecoupées de haies vives, prépondérance herbagère (bovins Durham, porcs du Craonnais), grande propriété nobiliaire. En outre, le Segréen a des industries extractives (minerais de fer, ardoises), et les Mauges des industries textiles (lin, coton) et du cuir (chaussures), dispersées autour de Cholet (54 017 hab.).

Sa partie orientale, sédimentaire, est plus contrastée. Peu favorisés par l’extension, sur leur substratum crayeux, de nappes de sables tertiaires maigres et secs, les plateaux du Baugeois, au nord-est (Anjou blanc), portent des bois (chênes, résineux de plantations) et des landes ; ils s’adonnent à une polyculture de plus en plus orientée vers l’élevage bovin et l’arboriculture fruitière (pruniers, poiriers). Le Saumurois, au sud-est, beaucoup plus riant en dépit de ses maigres terres de plateau, porte sur ses faluns de beaux labours (Doué-la-Fontaine), sur ses coteaux des vignobles réputés (coteaux de Saumur, coteaux du Layon). Saumur (35 000 hab. pour l’agglomération) champagnise une partie de la production de ses vins, exploite dans le tuffeau des champignonnières qui comptent parmi les plus importantes de France (conserveries).

La « Vallée » d’Anjou, aisément dégagée par la Loire, sur une largeur de 8 km, dans des tendres assises de sables et de marnes crétacés, est le cœur du pays. Sur ses terres alluviales sablonneuses, fines et irriguées, sous son climat d’affinités aquitaines, elle concentre de riches et délicates cultures de primeurs (oignons, carottes, choux-fleurs, haricots, fraises), de fleurs (hortensias bleus) et de porte-graines ainsi que des pépinières. Ses terres les plus grasses nourrissent, sur les bords de l’Authion, un abondant troupeau de vaches laitières. Entre Maine et Loire, Angers* commande toute la région. Trait d’union de l’Anjou, principal marché de la province, important centre administratif et culturel, centre industriel, la ville compte actuellement dans son agglomération plus de 180 000 habitants.

Y. B.


L’histoire

Constituant à l’époque celtique le territoire des Andes (César), dits aussi Andecavi ou Andegavi, occupé sur l’ordre de César (hiver 57-56 av. J.-C.), l’Anjou est incorporé d’abord à la province de Celtique au ier s. av. J.-C., puis à celle de Lugdunaise III au plus tard à la fin du iiie s. apr. J.-C. Cette domination s’appuie sur un important réseau de voies se croisant à Juliomagus (auj. Angers), capitale de la civitas Andecavorum. Ne subissant que le contrecoup tardif et atténué des grandes invasions, l’Anjou est définitivement incorporé au royaume mérovingien après la victoire de Vouillé (507). Presque continuellement associé à la Neustrie, il paraît avoir joué un rôle stratégique important, à l’époque carolingienne, aux confins de l’Aquitaine* incertaine et de la Bretagne* insoumise.

Héritier de la civitas Andecavorum, le pagus Andecavus est alors administré par des comtes, dont le plus célèbre, Robert le Fort, est investi d’un commandement par Charles le Chauve en 861 afin de mettre un terme aux dévastations des Normands. Vainqueur de ces derniers à Brissarthe, Robert le Fort meurt au cours de la rencontre (866), non sans avoir jeté les fondements du comté d’Anjou, qu’il lègue à son second fils, le futur roi Robert Ier (922-923). L’Anjou est pourvu par ce dernier d’un vicomte, Enjeuger (ou Ingelger), dont le fils, Foulques le Roux (898-941 ou 942), prend le titre comtal en 929 et devient ainsi le véritable fondateur de la première des trois dynasties angevines du Moyen Âge. Après les tentatives de Foulques le Bon (941 ou 942-960?) et Geoffroi Ier Grisegonelle (960?-987) en direction de la Bretagne, Foulques Nerra (987-1040) réussit à faire de l’Anjou le noyau d’une principauté féodale beaucoup plus vaste : elle englobe, par conquête ou par achat, les Mauges au sud-ouest, le Saumurois et enfin la Touraine à l’est, dont Geoffroi II Martel Ier (1040-1060) achève l’occupation avant de s’assurer la suzeraineté des comtés de Vendôme et du Maine*. L’union de cette dernière province avec l’Anjou est définitivement assurée par Foulques V le Jeune (1109-1131).

Un moment affaibli par les querelles familiales, par les ambitions seigneuriales et par la faiblesse des comtes entre 1060 et 1109, l’État angevin constitue en 1131 une puissante principauté féodale, dont le gouvernement s’exerce avec autorité et efficacité grâce à la création, par Foulques le Réchin (1068-1109), de grands officiers de la Cour. Quant à l’administration de ses biens et à la perception de ses revenus, elle est assurée, ainsi que le maintien de l’ordre et la justice, par des officiers locaux.

Au xie et au xiie s., la principauté angevine connaît une incontestable prospérité, marquée par l’essor des grands défrichements, par le développement de la viticulture et de l’élevage, par la création de nouveaux bourgs, par la multiplication des centres urbains, des marchés, des foires et des péages, par l’importance des constructions romanes, puis gothiques, par l’éclat culturel des grandes abbayes.

Cette expansion est pourtant freinée par de nombreuses calamités : incendies (dont ceux d’Angers), ouragans, inondations, famines, épidémies, exactions fiscales, guerres incessantes enfin, qui provoquent soit l’afflux des paysans vers les villes, soit l’abandon de leur liberté par de nombreux hommes à la recherche d’une protection, celle des seigneurs, dont la puissance croissante limite celle du comte d’Anjou.