Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

latin de Constantinople (Empire) (suite)

 SOURCES. G. de Villehardouin, Histoire de la Conquête de Constantinople (Éd. Natalis de Wailly, Didot Frères, 1874 ; éd. Faral, Les Belles Lettres, 1938-39, 2 vol., nouv. éd., 1962). / Livre de la conqueste de l’Amorée. Chronique de Morée, 1204-1305, éd. par J. Longnon (Laurens, 1911).
W. Miller, The Latins in the Levant. A History of Frankish Greece, 1204 - 1566 (Londres, 1908) ; Essays on the Latin Orient (Cambridge, 1929). / J. Longnon, les Français d’outre-mer au Moyen Âge (Perrin, 1929) ; l’Empire latin de Constantinople et la principauté de Morée (Payot, 1949). / N. Iorga, Francs de Constantinople et de Morée (Bucarest, 1935). / R. Grousset, l’Empire du Levant. Histoire de la Question d’Orient (Payot, 1946 ; 2e éd., 1949). / F. Thiriet, la Romanie vénitienne du Moyen Âge (E. de Boccard, 1959).

latine (littérature)

L’héritage intellectuel légué par la Grèce antique pèse de façon si lourde sur la civilisation occidentale, et en particulier sur les lettres latines, que l’on serait tenté d’adopter sans réserve le célèbre vers d’Horace Graecia capta ferum victorem cepit (« la Grèce conquise a conquit son farouche vainqueur »), comme si la littérature latine ne devait sa seule grandeur qu’à un adroit démarquage des plus belles productions de l’hellénisme triomphant. En fait, la formule d’Horace est heureuse jusqu’à un certain point : s’il est vrai que la conquête par Rome de la Grèce d’Occident (272 av. J.-C., prise de Tarente), puis de la Grèce proprement dite (achevée en 148 av. J.-C.) se traduit par un intense regain d’intérêt pour la culture grecque et le désir d’en imiter les chefs-d’œuvre, il n’en reste pas moins que l’adaptation latine de ces chefs-d’œuvre se fond dans un moule essentiellement romain.



Généralités

L’originalité littéraire de Rome est à la mesure de la nouveauté de sa civilisation. Ce peuple de paysans-soldats, réalistes et pratiques, soucieux d’ordre et de rigueur, sut d’emblée trouver des accents qui n’appartiennent qu’à lui seul, même si les premiers modèles qui l’inspirent viennent de Grèce et quelle que soit la prodigieuse richesse de cet apport extérieur. Ajoutons qu’à peine née la littérature latine parvint presque immédiatement à un point de perfection qui prouve la puissance du génie italique. Cette littérature bénéficia sans doute de toute la tradition littéraire hellénique : mais elle a pu s’en affranchir et donner très rapidement le jour à des œuvres personnelles qui la situent très haut.

Ce qui est propre à Rome, en effet, ce sont deux tendances en apparence contradictoires : l’une vers le sérieux, le poids (gravitas), qui aboutit à ce souci d’enseigner que l’on retrouve aussi bien chez Cicéron et Sénèque que chez Lucrèce ou Virgile ; l’autre qui est ce goût pour le « vinaigre italique » (Italum acetum), qui, depuis Plaute jusqu’à Pétrone et Juvénal, se manifeste par une veine comique très sûre. Ces deux dispositions d’esprit, qui s’opposent autant qu’elles se complètent, expriment les caractères de cette littérature qui sera aussi bien didactique que moralisante et satirique.

Son champ d’extension — plus d’un demi-millénaire à partir du iiie s. av. J.-C. — paraît peu important en regard de la longévité de la littérature grecque. Mais, comme elle, elle a abordé, avec des fortunes diverses, tous les genres, se déroulant sans coupure sensible jusqu’à ce que la diffusion du christianisme vienne précipiter son évolution. Les différentes phases de celle-ci se sont faites sans heurt : à la période encore hellénisante (Plaute et son temps, le siècle des Scipions) succède l’âge classique (l’époque de Cicéron, le siècle d’Auguste). Puis le renouvellement de la littérature claudienne entraîne un retour au classicisme qui se prolonge jusqu’à la fin du ier s. apr. J.-C. Enfin, la décadence qui marque le siècle des Antonins voit le triomphe de la littérature chrétienne.


Une littérature gréco-romaine (iiie-iie s. av. J.-C.)

Il reste fort peu de chose d’une « littérature » purement italique et ne devant rien à une influence hellénisante. Des antiques carmina, ou « chants », ne subsistent que le « chant des frères Arvales » et le « chant des Saliens », ce dernier texte transmis par Varron et incompris des Anciens eux-mêmes. Quant à la prose, elle n’existe que par le résumé du droit qu’est la Loi des XII Tables (v. 450 av. J.-C.), par des fragments de préceptes juridiques et par d’infimes débris de l’œuvre d’Appius Claudius Caecus (ive-iiie s. av. J.-C.). Au total, le fonds spontanément latin se révèle bien mince.

La littérature latine proprement dite commence dans un milieu saturé d’hellénisme avec la poésie, débutant simultanément par le théâtre et l’épopée. On prête une valeur de symbole à Livius Andronicus, Grec de Tarente venu à Rome comme esclave vers le milieu du iiie s., qui mit en vers latins l’Odyssée d’Homère et composa des tragédies et des comédies. Son œuvre, dont on ne possède qu’une soixantaine de vers isolés, si elle part du modèle des œuvres grecques, en est une transposition véritablement latine. Autour de lui et après lui, d’autres poètes venus du Sud hellénisé s’essaient non seulement à imiter les grandes œuvres de la Grèce classique, mais à leur prêter un accent romain : tel le Campanien Cneius Naevius (iiie s.), dont les comédies font vivre les figures du petit peuple de Rome ; son épopée, le Poenicum bellum, est l’exaltation de la période héroïque où se joua le destin de l’Urbs contre Carthage. Tel aussi Ennius*, qui, en dépit de sa formation toute grecque, est le chantre enthousiaste de la grandeur romaine.

Ne pratiquant pas moins que ceux-ci l’imitation des Grecs, Plaute* écrit des comédies romaines par leurs détails de mœurs et leur morale utilitaire, qui est celle de tous les Romains de son temps. Typiquement latine est également sa condamnation implicite de la « vie à la grecque ». Et sans doute Plaute, par son invention verbale, sa fantaisie, son génie comique, peut-il rivaliser avec ses modèles. Deux générations plus tard, Térence*, malgré sa finesse et son ingéniosité, ne l’égalera pas. Quant à la tragédie (Pacuvius et Accius, iiie-iie s. av. J.-C.), elle exalte encore le sentiment national. Cette double orientation de la poésie vers l’épopée et le théâtre se complète par l’introduction de la satire. Satura tota nostra est (« la satire est totalement nôtre »), dira Quintilien signifiant ainsi que la satire ne doit rien à un apport hellénique. Elle apparaît déjà dans une certaine mesure avec les saturae d’Ennius et trouve au iie s. sa plus parfaite expression chez Lucilius, dont les préoccupations morales et la verve populaire s’accordent au mieux avec le caractère latin.