Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

larve

Forme par laquelle passent beaucoup d’animaux après l’éclosion et qui diffère notablement de l’adulte, tant dans sa morphologie et sa structure que dans son mode de vie : le têtard est la larve des Batraciens, la chenille est celle des Lépidoptères (Papillons).



Diversité

Tiré d’un mot latin signifiant « masque », le terme de larve s’appliqua d’abord aux formes jeunes des Insectes, qui paraissent cacher l’identité réelle des espèces jusqu’à l’apparition de l’adulte. Puis on l’étendit à presque tous les groupes animaux, dont le développement postembryonnaire se déroule à travers un ou plusieurs stades nettement distincts de l’adulte ; à part les Vertébrés supérieurs (Reptiles, Oiseaux et Mammifères) et quelques autres groupes (Nématodes, Pulmonés terrestres, Scorpions), on peut dire que tous les animaux présentent des formes larvaires. Il s’en faut d’ailleurs de beaucoup que le même nom de larve recouvre des réalités équivalentes : chez un Hydraire, la planula se transforme progressivement en polype, tandis que chez la Douve du foie, Ver parasite du Mouton, on reconnaît quatre stades larvaires successifs avant l’adulte, et si, bien souvent, les tissus larvaires persistent chez l’adulte, il n’en va pas de même chez les Insectes à métamorphoses complètes, où les organes larvaires subissent une histolyse au cours de la nymphose.


Croissance larvaire

Au cours de la période larvaire, le corps de l’animal connaît une croissance parfois considérable ; ainsi, le ver à soie augmente de 25 fois sa longueur (de 3 mm à l’éclosion à 80 mm avant la formation du cocon) et de 8 000 fois son poids. Cette croissance résulte habituellement d’une multiplication cellulaire intense, mais, dans certains groupes (Nématodes, Insectes holométaboles), ce sont les cellules qui grossissent jusqu’à devenir géantes. Chez les Arthropodes et les Nématodes, au tégument inextensible, la croissance s’accompagne de mues. À la fin de la vie larvaire, la taille atteinte dépasse parfois celle de l’adulte : ainsi, le têtard du Pélobate (Pelobates fuscus) mesure 15 cm de long, alors que le Crapaud n’a que 7 cm.

Une croissance rapide va de pair, bien entendu, avec des besoins nutritifs intenses ; la voracité de nombreuses larves d’Insectes font d’elles de véritables fléaux pour l’agriculture, alors que les adultes peuvent être inoffensifs.

Bien souvent, la longévité de la larve l’emporte, de beaucoup, sur celle de l’adulte : le Hanneton ne vit que quelques semaines, alors que sa larve (« ver blanc ») séjourne presque trois ans dans le sol ; une Cigale américaine vit dix-sept ans à l’état de larve ; quant aux Éphémères, leur vie imaginale ne dépasse pas quelques jours, voire quelques heures, alors que les larves se développent pendant plusieurs années dans les cours d’eau. À l’opposé, les nombreuses larves qui font partie du plancton marin ont une vie très brève par rapport à la forme définitive : une Huître devient marchande en trois ans, alors que sa larve véligère ne survit guère plus d’une semaine, temps suffisant pour permettre aux courants de l’éloigner de son lieu d’origine : dans ce cas, la période larvaire assure seulement la dissémination de l’espèce.


Écologie des larves

Les conditions dans lesquelles vivent les larves diffèrent souvent de celles qui sont exigées par les adultes. D’une façon générale, leurs besoins hydriques plus impérieux les contraignent à évoluer dans l’eau ou dans des endroits très humides, alors que les adultes mènent une vie aérienne : les Libellules, les Crabes terrestres, les Crapauds ont des larves aquatiques ; pour beaucoup de Coléoptères, de Diptères, les larves trouvent dans le sol les conditions d’hygrométrie élevée qui leur sont nécessaires. Les larves franchement aériennes, comme les chenilles, représentent, somme toute, un cas plutôt exceptionnel. Chez quelques espèces bien protégées, comme le couvain des Abeilles, les larves achèvent toutes leur développement ; mais la plupart des espèces subissent à ce stade une mortalité énorme, en particulier les formes planctoniques lorsqu’elles ne rencontrent pas des conditions propices à la métamorphose ou qu’elles sont détruites par des prédateurs. Dans l’ensemble d’une biocénose, les larves ne constituent habituellement qu’un maillon des chaînes alimentaires ; seule une infime minorité parvient à l’état adulte et assure la reproduction.

Beaucoup de larves vivent en parasites, et cet état se poursuit chez l’adulte (ex. : Ténia, Douve du foie, Insectes Strepsiptères) ; chez des Diptères (Gastérophile, Œstre), des Hyménoptères (Ichneumons, Chalci-diens), des Crustacés (Copépodes Monstrillides), seule la larve est parasite ; l’inverse se produit chez la Sacculine, dont les larves, nageuses, recherchent les Crabes, aux dépens desquels vit l’adulte.


Les larves et la phylogénie

L’étude des états larvaires renseigne le zoologiste sur les affinités fondamentales entre les groupes et joue un grand rôle dans l’interprétation phylétique du règne animal. C’est l’observation de la larve d’Ascidie, munie d’une corde dorsale et d’un tube nerveux, qui permit de rapprocher les Tuniciers de l’Amphioxus dans le phylum des Cordés ; c’est la découverte de la larve nauplius de la Sacculine qui a fait de ce parasite extrêmement dégradé un authentique Crustacé Cirripède, tandis que celle de la Limule rappelle les Trilobites paléozoïques. La ressemblance entre la trochophore des Annélides et la véligère des Mollusques établit une parenté certaine entre ces deux embranchements. Ces exemples montrent tout l’intérêt que l’on peut tirer de l’examen des premiers stades du développement dans une perspective évolutionniste.

M. D.

➙ Métamorphoses / Mue / Parasitisme.

 R. Paulian, Atlas des larves d’insectes de France (Boubée, 1956).