Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

langue (suite)

Modifications de coloration ou d’aspect de la langue

Elles s’observent au cours d’affections de nature diverse : langue rouge de Hunter, observée dans les anémies* ; glossites sèches et dépapillantes des avitaminoses P et C (v. vitamine). Le syndrome de Gougerot-Sjoëgren comporte des manifestations articulaires, une sécheresse des muqueuses oculaires et bucco-pharyngée, une tuméfaction des glandes salivaires et une glossite dépapillante.


Les ulcérations linguales

Elles sont tantôt bénignes (ulcération dentaire, morsure, aphte ulcéreux), tantôt plus ou moins graves. Les ulcérations tuberculeuses sont exceptionnelles et n’ont plus le pronostic d’extrême gravité qu’elles comportaient autrefois. Par contre, les ulcérations cancéreuses sont toujours de pronostic réservé. Aboutissement normal de l’épithélioma spino-cellulaire, elles sont caractérisées par : éversement et dureté des bords, fond bourgeonnant, parfois hérissé de points blancs (vermiotes), saignement au moindre contact, dureté des ganglions du cou (v. ci-dessous cancer de la langue).

A. C.


Troubles nerveux de la langue

• Les troubles du goût peuvent réaliser une agueusie (absence de sensation gustative) ou une dysgueusie (perversion du goût).

L’origine de ces troubles est multiple : congénitale, locale (lésion linguale, prothèse dentaire), neurologique enfin, soit par atteinte du nerf facial ou de la corde du tympan, soit dans le cadre d’une affection du système nerveux central.

• Les troubles moteurs qui atteignent la mobilité de la langue en dehors de tout obstacle tumoral se voient dans certaines paralysies diphtériques ou par atteinte du nerf hypoglosse (traumatisme).

• Les glossodynies, ou douleurs linguales d’expression clinique souvent imprécises, peuvent être secondaires à une lésion locale ou essentielles, c’est-à-dire sans cause apparente.


Pathologie chirurgicale


Les abcès de la langue

Ils sont marqués par un gonflement douloureux de l’organe accompagné de fièvre. Généralement profonds, ils sont difficiles à traiter en raison de leur siège (l’incision saigne beaucoup).


Les traumatismes

Les plaies de la langue entraînent parfois des hémorragies graves. Elles peuvent être la conséquence accidentelle d’un fraisage dentaire ou associées à un traumatisme de la mâchoire. Les morsures de la langue se voient au cours des crises d’épilepsie.


Les malformations congénitales

— Les macroglossies, ou augmentation de volume de la langue, s’observent dans le mongolisme ; elles peuvent s’inscrire dans le cadre de certains syndromes particuliers (syndrome de Melkerson Rosenthal avec grosses lèvres et paralysies faciales récidivantes).
— Le syndrome de P. Robin associe une chute de la langue en arrière à une division palatine avec rétrognathie (mâchoire inférieure plus petite que la supérieure). Il en résulte chez le nouveau-né, incapable de respirer normalement par la bouche, des accès de suffocation graves.


Tumeurs bénignes

Les papillomes sont de petites élevures rosées, parfois sessiles. Ils semblent être de nature infectieuse, en rapport avec une éraillure ou une écorchure minime.

Les kystes congénitaux sont mucoïdes, ou colloïdes, occupant la base de la langue, alors que les kystes dermoïdes, beaucoup plus rares, siègent, ainsi que les lipomes, à la pointe.

La tumeur d’Abrikossoff (rhabdomyome) a l’aspect d’un nodule arrondi enchâssé sous la muqueuse, causant parfois des douleurs vives paroxystiques. Son évolution est très lente et sa dégénérescence exceptionnelle.

La langue peut être anormalement grosse dès la naissance. Cette macroglossie congénitale est le plus souvent due à un lymphangiome (tumeur des vaisseaux lymphatiques). Des poussées inflammatoires fébriles en augmentent le volume, entraînant parfois des troubles sérieux de la succion et de la déglutition. Un traitement d’urgence peut s’imposer, traitement dont le choix est toujours délicat : chirurgie, radiothérapie, curiethérapie.

Les nodules linguaux par corps étrangers ne sont pas rares. Ils sont dus à l’inclusion d’un poil de brosse à dent, d’une arête de poisson, d’épine d’oursin, d’un petit fragment de tartre dentaire, etc. La grosse langue de l’acromégalie* est associée aux autres dystrophies de cette affection.

La langue amyloidienne est pâle, de surface lisse et parfois parsemée de papules rouges. Elle doit faire suspecter l’existence d’un myélome multiple des os, ou maladie de Kahler (v. moelle osseuse).


Le cancer de la langue

L’apparition du cancer de la langue semble favorisée par le tabac, l’alcoolisme et la mauvaise hygiène buccale. Il faut distinguer, en fonction d’indications thérapeutiques différentes, les cancers de la partie mobile et les cancers de la base de la bouche. L’atteinte des ganglions est rapide ; cependant, le caractère infecté de la lésion buccale entraîne généralement une réaction inflammatoire dont il faut tenir compte (tout n’est pas tumoral dans le gonflement des ganglions).

Le diagnostic est évoqué au début sur l’existence d’une ulcération de la muqueuse qui ne guérit pas malgré les soins apportés à une éventuelle irritation de voisinage (chicot dentaire). Plus rarement, on se trouve en présence d’une lésion étendue qui ne fait pas de doute dès l’inspection et dont le problème est représenté par les possibilités opératoires. La biopsie avec examen histologique confirme la nature de la lésion.

Le traitement est représenté par la chirurgie, parfois mutilante, par la curiethérapie (aiguillage au radium) et par les radiations par voie externe (bombe au cobalt). En fait, les possibilités thérapeutiques sont essentiellement limitées par la difficulté d’accès à la lésion (base de langue), soit pour en pratiquer l’exérèse, soit pour mettre en place les aiguilles de radium ou les fils d’irridium.

De plus, la chirurgie doit conserver les fonctions essentielles de l’organe (déglutition essentiellement), ce qui peut paraître incompatible avec l’importance et la localisation de la lésion.

L’ablation des chaînes ganglionnaires intéressées est généralement associée au traitement de la lésion principale.

A. C. et J. T.

➙ Digestion / Gustation / Phonation.

 H. Rouvière, Anatomie humaine descriptive et topographique (Masson, 1942 ; 10e éd., 1967, 3 vol.). / P.-P. Grassé et C. Devillers, Précis de zoologie, t. II : Vertébrés (Masson, 1965).