Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Landes. 40 (suite)

Toute la moitié méridionale du massif forestier landais est dans le département. C’est un vaste plateau monotone dont l’altitude approche 150 m sur les confins du Lot-et-Garonne et qui descend vers les pays de la Leyre au nord-ouest, la région des étangs à l’ouest et l’Adour moyen au sud. Les sables noirs, poussés vers l’intérieur des terres par les vents aux époques froides du Quaternaire, y sont parfois accumulés en dunes mortes ; le drainage est d’autant plus difficile que, sur de vastes espaces (la partie la plus haute du plateau), la pente est insensible (moins de 1 p. 100) et qu’en maint endroit la présence, à un mètre de profondeur environ, d’une concrétion ferrugineuse, l’alios, empêche l’infiltration des eaux ; quand l’alios est absent, le drainage est trop fort, et la sécheresse estivale redoutable (de là les risques d’incendies). Les parties les plus basses du plateau sont morcelées par les vallées profondément encaissées, creusées par la Leyre et ses affluents, ainsi que par les tributaires de l’Adour.

Dans ce pays largement ouvert aux influences humides de l’Océan, de vastes espaces servaient de terrains de pacage aux moutons (un million au siècle dernier). À la suite du vote de la loi de 1857 fut entrepris, sous l’égide de Jules Chambrelent (1817-1893) et ici surtout de son adjoint Crouzet, l’ensemencement systématique de la région en pins maritimes. La forêt, dont de vastes superficies appartiennent à de grands propriétaires, est de moins en moins exploitée pour la production de résine, mais fournit une part croissante de bois d’œuvre et de bois de papeterie : aussi, les besoins en main-d’œuvre étant faibles, la densité de la population est-elle basse (de l’ordre de 10 hab. au km2). Au voisinage des bourgs sont les industries traditionnelles (vieille métallurgie) et celles qui sont dérivées de la forêt, notamment la fabrication de résine, les scieries et les papeteries. Le lignite d’Arjuzanx est brûlé sur place dans une centrale thermique, tandis que le pétrole de la région de Parentis-en-Born, à la production déclinante, est acheminé vers Ambès par oléoduc (environ 1 Mt par an). Un puissant massif de dunes, large d’une dizaine de kilomètres, ourle un littoral rectiligne et inhospitalier. Il est couvert de forêts naturelles ou de pinèdes plantées à la fin du xviiie s. sous la direction de Nicolas Brémontier (1738-1809) : ces splendides forêts domaniales sont bien exploitées. Quelques stations balnéaires, dont la plus célèbre est Hossegor-Capbreton, s’égrènent sur un littoral dont l’aménagement touristique intégral est entrepris.

Au sud de l’Adour, le moutonnement des douces collines de Chalosse taillées dans les sables fauves du Tertiaire cède rapidement la place vers l’est aux bas plateaux du Tursan, sur lesquels les dernières landes ont disparu. Dans ce pays de fermes isolées, la culture du maïs est reine ; elle s’associe dans le cadre d’une polyculture traditionnelle à l’élevage des bovins et des volailles, ainsi qu’à la culture de la vigne. Quelques îlots de culture plus spécialisée s’esquissent : vignobles du Tursan au voisinage de Geaune et surtout de la partie sud-occidentale de la Chalosse autour de Pouillon ; arboriculture fruitière de la région de Peyrehorade et de Pouillon, riche élevage de canards et d’oies (pour la production de foie gras) dans la vallée de l’Adour en aval d’Aire. Au milieu de ce pays rural, seul Hagetmau (3 800 hab.) fait figure de cité industrielle.

En fait, les villes sont établies au contact des deux régions. Plus qu’à Aire-sur-l’Adour (6 800 hab.), encore profondément rurale, la vie urbaine se concentre à Dax (28 000 hab.) et à Mont-de-Marsan (32 000 hab.), petites villes à accroissement rapide de population dont le développement n’est pas lié à l’industrie, mais à la fonction administrative et militaire à Mont-de-Marsan, au thermalisme et surtout à la fonction commerciale à Dax.

S. L.

➙ Aquitaine.

Lang (Fritz)

Metteur en scène de cinéma autrichien naturalisé américain (Vienne 1890).


Après avoir suivi des études d’architecture et de peinture à Vienne, Fritz Lang servit pendant la Première Guerre mondiale dans les rangs de l’armée autrichienne, où il fut blessé. Une fois guéri, il se fit remarquer par le producteur Erich Pommer, qui l’engagea en 1916 comme scénariste (en compagnie de la romancière Thea von Harbou, qui allait peu de temps après devenir sa femme). Il fit ses premières armes dans les « sérials », genre cinématographique fort en vogue à l’époque et pour lequel il gardera toujours un vif penchant. Scénariste d’Otto Rippert et de Joe May, il signa en 1919 sa première mise en scène, Halb-Blut, et faillit tourner le célèbre Cabinet du docteur Caligari qu’Erich Pommer confia en toute dernière heure à Robert Wiene. Après avoir sacrifié au cinéma d’aventures populaires avec les Araignées (Die Spinnen, 1919-20, en deux épisodes : Das Brillantenschiff et Der goldene See), Fritz Lang, quoiqu’il s’en défendît par la suite, fut l’un des plus talentueux représentants du mouvement expressionniste avec les Trois Lumières (Der müde Tod, 1921), le Docteur Mabuse (Doktor Mabuse der Spieler, 1921-22, en deux épisodes : Der grosse Spieler et Inferno), Die Nibelungen (1923-24, en deux parties : la Mort de Siegfried [Siegfrieds Tod] et la Vengeance de Kriemhilde [Kriemhilds Rache]) et Metropolis (1925). Mais, loin de s’en tenir à un pur décorativisme tourmenté — ce qui aurait été l’aboutissement du « caligarisme » —, le réalisateur, avec beaucoup de subtilité, inséra dans la géométrie des formes une puissante dynamique de l’action. Cette dramaturgie est en quelque sorte à la fois le perfectionnement et la critique de l’expressionnisme. Déjà, dans sa période allemande, Lang construisit film après film le grand thème de son œuvre, qui sera le « combat de l’individu contre les circonstances, le combat contre les dieux, le combat de Prométhée ». Après les Espions (Spione, 1927) et la Femme sur la Lune (Frau im Mond, 1928), il paracheva son brillant début de carrière par une manière de chef-d’œuvre M le Maudit (M, 1931), dont le scénario s’appuyait sur un fait divers réel (l’histoire du vampire de Düsseldorf). Mais, lorsque Hitler prit le pouvoir, un metteur en scène comme Lang devint suspect : pour mieux le neutraliser (il venait de tourner le Testament du Dr Mabuse [Das Testament des Dr. Mabuse, 1932]) ; Goebbels lui proposa comme cadeau empoisonné de prendre la direction générale du cinéma allemand. Lang, pour toute réponse, préféra s’expatrier, en France d’abord (où il tournera Liliom [1933]), puis aux États-Unis, où il poursuivra sa carrière avec bonheur. Hanté par la notion de culpabilité et de justice, il débuta à Hollywood par deux films remarquables : Furie (Fury, 1936) et J’ai le droit de vivre (You only live once, 1937). Paraissant se plier davantage aux règles hollywoodiennes dans ses œuvres ultérieures (Casier judiciaire [You and me, 1938] ; le Retour de Frank James [The Return of Frank James, 1940] ; les Pionniers de la Western Union [Western Union, 1941] ; Chasse à l’homme [Man Hunt, 1941] ; Les bourreaux meurent aussi [Hangmen also die, 1943] ; Espions sur la Tamise [The Ministry of Fear, 1944] ; la Femme au portrait [The Woman in the Window, 1944] ; la Rue rouge [Scarlet Street, 1945] ; Cape et poignard [Cloak and Dagger, 1946] ; le Secret derrière la porte [Secret beyond the Door, 1948] ; House by the River [1950] ; l’Ange des maudits [Rancho Notorious, 1951] ; Le démon s’éveille la nuit [Clash by Night, 1952] ; la Femme au gardénia [The Blue Gardenia, 1953] ; Règlement de comptes [The Big Heat, 1953] ; Désirs humains [Human Desire, 1954] ; les Contrebandiers de Moonfleet [Moonfleet, 1955] ; la Cinquième Victime [While the City sleeps, 1956] ; l’Invraisemblable Vérité [Beyond a Reasonable Doubt, 1956]). Fritz Lang n’abdiqua cependant jamais devant les impératifs commerciaux et sut préserver jusqu’au bout sa maîtrise technique et ses thèmes de prédilection (la vengeance, la corruption, la soif de puissance, la quête de la justice). De retour en Allemagne en 1958, il rendit hommage aux « serials » (le Tigre du Bengale [Der Tiger von Eschnapur], le Tombeau hindou [Das indische Grabmal]) et consacra son ultime film au personnage de Mabuse (le Diabolique Docteur Mabuse [Die Tausend Augen des Dr. Mabuse, 1960]). Il ne devait pas complètement abandonner le cinéma, puisqu’on le vit, en 1963, dans le Mépris de J.-L. Godard, interpréter le rôle d’un « célèbre metteur en scène de l’écran ».

Il n’y a pas, comme certains l’ont prétendu, de véritable cassure dans la filmographie de Fritz Lang. Si l’on excepte certaines haltes romantiques (Moonfleet, par exemple), toute son œuvre (dans sa période germanique ou dans sa période américaine) est un vaste itinéraire placé sous le signe de la fatalité.