Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
K

Kouzbass

L’une des plus importantes régions industrielles de l’U. R. S. S., située en Sibérie occidentale.


L’appellation désigne le « bassin » (bass) du Kouznetsk, pôle de développement fondé sur l’extraction de la houille, constituant le noyau de ce qu’on appelle la « troisième base sidérurgique » (après l’Ukraine et l’Oural).


La région et sa formation

Le Kouzbass est un vaste bassin d’effondrement, grossièrement allongé nord-sud, entre les chaînes orientales de l’Altaï et les premiers massifs des Saïan. C’est un ancien golfe de la mer Sibérienne, qui, réduit à des lagunes et à des marais au Carbonifère, a vu se déposer d’épaisses couches de houille, dont certaines dépassent 100 m, se poursuivant jusqu’au Jurassique. Fréquemment cokéfiable, le charbon n’a que peu été disloqué par des mouvements tectoniques ultérieurs ; 13 p. 100 de la production sont obtenus par découvertes. Les réserves sont considérables : 900 milliards de tonnes (le tiers cokéfiable).

Le bassin est emprunté par la rivière Tom, qui conflue dans l’Ob. Il est presque tout entier situé dans la zone de la taïga, dont le défrichement a facilité la mise en valeur du gisement par la fourniture de bois de mines ou de combustible pour la fabrication de la fonte au bois au cours de la première phase. Des embranchements ferroviaires relient les gisements et les villes du Kouzbass au Transsibérien, à Barnaoul, et au Kazakhstan, ainsi qu’aux gisements de charbon et de fer de l’Ienisseï supérieur (régions d’Abakan et de Minoussinsk). Ces conditions relativement favorables expliquent la première mise en valeur au début du siècle : les gisements sont exploités pour les besoins des villes du pourtour et le ravitaillement des locomotives. Mais la production de charbon ne dépasse pas 1 Mt en 1913 ; la population, composée de mineurs immigrés, de colons essartant la taïga pour la culture et l’élevage ainsi que de Kazakhs, s’élève à quelques centaines de milliers d’habitants.

La formation d’une grande région industrielle résulte essentiellement de la décision du premier plan quinquennal d’associer dans un gigantesque combinat l’U. K. K. (Oural-Kouznetsk ou Kouzbass) la production de fer de la région de Magnitogorsk et celle de charbon et de coke du Kouzbass, l’une et l’autre excédentaires dans leur propre région de production. Malgré la longueur (plus de 2 000 km) et la relative lenteur des transports, malgré aussi le déséquilibre des échanges, le Kouzbass expédie plus de charbon vers l’Oural que celui-ci n’envoie de fer vers lui (qui ne produit que 2 Mt d’acier en 1940) ; le combinat a rendu d’énormes services aux usines d’armement de l’Oural durant la Seconde Guerre mondiale. Depuis, les flux se sont réduits, et l’on ne mentionne plus l’existence de l’U. K. K. C’est que le Kouzbass a étendu et diversifié sa production, d’une part, et qu’il s’associe à la Sibérie occidentale et orientale et au Kazakhstan, d’autre part. En effet, les transferts réalisés durant la Seconde Guerre mondiale, l’accélération du mouvement d’immigration, l’application d’une politique de localisation en fonction des moindres coûts de transport, l’augmentation des investissements dans le domaine de la prospection géologique, tous ces facteurs ont accru l’importance industrielle de la région.

Le bassin houiller s’est développé en profondeur et en largeur en direction du sud. Ainsi, la production passe de 5 Mt en 1931 à 20 Mt en 1938 et à plus de 50 Mt en 1945. Elle dépasse les 100 Mt en 1966 et s’élève à plus de 120 Mt en 1970, soit le cinquième de la production de l’U. R. S. S. (plus de la moitié est expédiée dans d’autres régions, jusqu’au centre de la Russie).

Des gisements de fer ont été mis en exploitation pendant la guerre dans le sud du bassin, en même temps qu’étaient exploités des gisements situés en dehors du Kouzbass, mais voisins (Altaï, Saïan, Krasnoïarsk). La sidérurgie du Kouzbass utilise actuellement les 8 Mt de minerai produits dans le bassin même. Le premier centre sidérurgique a été fondé au cours du premier plan quinquennal à Stalinsk (auj. Novokouznetsk). Le second est en cours d’extension à Antonovo, à proximité du premier. La production totale a dû être de l’ordre de 10 Mt d’acier en 1970, et les produits sont extrêmement diversifiés.

Enfin, des gisements de métaux non ferreux sont entrés en exploitation dans la région de Salaïr et de Belovo : la métallurgie du zinc de Belovo, enrichie par le transfert des usines d’Ukraine, compte parmi les plus importantes de l’Union. On exploite un peu de cuivre, du manganèse, de la bauxite.

La carbochimie et les industries dérivées des non-ferreux ont développé la branche chimique, en particulier à Kemerovo, où sont fabriqués des produits ammoniacaux, des colorants, des matières synthétiques, dont le caoutchouc, des fibres artificielles et des matières plastiques (entreprise Karbolit), des produits pharmaceutiques.

Ainsi s’est constituée une région industrielle par le double effet de polarisation autour de la houille et de l’acier et d’entraînement ou de multiplication le long de la chaîne qui relie la matière première aux produits finis résultant de sa valorisation.


Peuplement et perspectives

Le mouvement d’immigration a connu plusieurs phases : agricole, minière, industrielle, tertiaire. La population passe de 600 000 habitants en 1930 à 1 400 000 à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Elle dépasse actuellement 3 millions d’habitants. En 1935, 18 p. 100 seulement vivaient dans les villes contre, actuellement, presque 80 p. 100. Le réseau urbain s’est constitué à partir de trois générations de villes. Celles du pourtour du bassin, situées sur le Transsibérien, y ont envoyé une partie de leur population. Les cités minières, villes-champignons, se sont développées à partir de campements de mineurs, qui constituent encore les trois quarts de la population active à Prokopievsk ou à Kisselevsk. On constate, d’ailleurs, qu’exceptionnellement en U. R. S. S. la population de ces villes à activité unique stagne ou même diminue légèrement entre 1959 et 1970 (conséquence de la mécanisation du travail dans les mines). En revanche, les villes polyindustrielles et les centres administratifs se sont développés rapidement. Il en est ainsi de Kemerovo, qui compte plus de 70 puits de mines et 12 découvertes, 6 usines métallurgiques, 20 usines de construction mécanique, 6 entreprises chimiques, etc. L’agglomération se développe de chaque côté d’une artère centrale de 6 km de long dans une vaste clairière de la taïga. La ville de Novokouznetsk, la plus peuplée, est le plus gros centre sidérurgique, mais a développé toute une gamme d’industries différenciées et un secteur administratif important. Elle s’est étendue à l’emplacement d’une ancienne bourgade de pêcheurs sur plus de 12 km de long. Elle tend à former avec les villes voisines de Prokopïevsk et de Kisselevsk une conurbation de près d’un million d’habitants.