Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
K

Kościuszko (Tadeusz) (suite)

L’émigration et l’effacement volontaire (1797-1817)

Son arrivée aux États-Unis fut un triomphe (août 1797). Dès mai 1798, à l’appel des émigrés, Kościuszko repartait en secret pour la France, après avoir confié à Jefferson le testament qui destinait sa petite fortune à l’affranchissement des Noirs. Accueilli avec respect à Paris par le Directoire, il devint le chef incontesté des Polonais en exil et des légions d’Italie, aidant à recruter la légion du Danube et contribuant à fonder, avec l’aile gauche de l’émigration, la Société des républicains polonais, qui, à Varsovie, comptait sur l’aide de la France. Brumaire heurta ses convictions : il s’écarta alors de la vie publique. La brochure Les Polonais peuvent-ils parvenir à l’indépendance ? (1800) dénonça, à son instigation, le vain sacrifice des légions, conjurant les Polonais de ne compter que sur eux-mêmes.

Sous l’Empire, Kościuszko se retira à Berville (Seine-et-Oise). En 1806, Napoléon l’appela pour soulever les Polonais contre la Prusse, mais l’empereur rejeta les conditions de l’inflexible patriote, qui lui refusa son concours. En 1814, Kościuszko crut aux promesses d’Alexandre Ier ; il se rendit au congrès de Vienne, qui lui ôta ses illusions. Il fit un dernier effort auprès du tsar pour obtenir l’émancipation des serfs (juill. 1815) et décida de terminer ses jours en Suisse. Il libéra par testament ses paysans de Siechnowicze et leur fit don des terres qu’ils cultivaient (avr. 1817). Sa mort (15 oct. 1817) souleva une telle émotion en Pologne qu’on l’ensevelit à Cracovie, dans la crypte du Wawel, dès 1818. Le peuple polonais lui éleva un monument à la manière des anciens Sarmates : un tertre situé aux portes de Cracovie (1820-1823).

C. G.

➙ Pologne.

 T. Korzon, Kościuszko. Bibliographie extraite des documents (en polonais, Cracovie, 1894). / H. de Montfort, le Drame de la Pologne : Kościuszko, 1746-1817 (la Colombe, 1945). / T. Rawski, Kościuszko, chef militaire (en polonais, Varsovie, 1953). / J. S. Kopczewski, Tadeusz Kościuszko dans l’histoire et dans la tradition (en polonais, Varsovie, 1968).

Kossuth (Lajos)

Homme politique hongrois (Monok, comitat de Zemplén, 1802 - Turin 1894).


Sa famille était de petite noblesse et de religion luthérienne. Le père exerçait la profession d’avocat, et, comme lui, le jeune Kossuth, après des études à Budapest, s’inscrivit au barreau. Sa carrière politique commença en 1825 avec un siège à la diète hongroise de Presbourg, il fut chargé de représenter des magnats restés sur leurs terres. Il siégea de nouveau en 1827, puis en 1832, mais, ne pouvant prendre part aux débats, il les publia dans la Gazette de la Diète, ce qui lui valut d’être condamné en 1837 à quatre ans de forteresse. Il fut libéré en 1840.

De 1841 à 1844, il dirigea la rédaction du Journal de Pest (Pesti Hirlap), qui contribua à développer le sentiment national dans l’âme hongroise, mais ses idées effrayaient les magnats, et il fut contraint de quitter le journal. Il s’employa alors à prêcher un strict protectionnisme qui avait pour objet de favoriser l’industrie nationale au détriment des produits autrichiens. Élu à la diète de 1847, il s’imposa comme chef de l’opposition. Appuyé sur la jeunesse radicale, il réclama l’abolition des droits féodaux, l’émancipation de la paysannerie, la liberté de la presse et surtout la plus grande liberté politique vis-à-vis de l’Autriche.

La révolution parisienne de février 1848 lui permit de réaliser ses vœux. En mars 1848, un ministère hongrois fut formé par Louis (Lajos) Batthyány, qui nomma Kossuth ministre des Finances : celui-ci se fit le champion de la révolution européenne, appela les Viennois au soulèvement, fit voter en Hongrie l’impôt obligatoire pour tous et l’abolition des charges féodales, moyennant indemnités. En juillet, il fondait son propre journal, le Kossuth Hirlap.

Mais les Croates soulevés furent sacrifiés à la Hongrie, Vienne espérant pouvoir compter sur les soldats hongrois pour vaincre la révolte italienne. C’était refuser le trialisme (Autriche, Hongrie, Slaves du Sud) et s’acheminer vers une solution dualiste austro-hongroise. Les membres modérés du ministère, Batthyány, Ferenc Deák, József Eötvös, y étaient favorables, mais Kossuth fit échouer ce plan en refusant d’envoyer des Hongrois en Italie.

En juillet et en août 1848, la diète, sous l’influence de Kossuth, prit des mesures graves qui aboutissaient à une sécession de fait. Vienne joua alors la carte slave en rétablissant Jelačić comme ban et en l’inclinant à attaquer la Hongrie. Les autres peuples soumis aux Hongrois se révoltèrent également : Serbes du Banat, Slovaques de Haute-Hongrie, Roumains de Transylvanie. Kossuth alla de ville en ville appeler le peuple à la défense nationale, mais il devait se heurter aux magnats hongrois.

En septembre, après la démission du ministère Batthyány, il était le dictateur de fait du pays, ce qui ruinait toute tentative de conciliation avec l’Autriche. L’assassinat, le 28 septembre, de l’envoyé de l’empereur Ferdinand Ier, le comte Lambert, mit le sceau à la rupture. Le 3 octobre, Vienne dissolvait la diète, proclamait l’état de siège et nommait Jelačić commissaire extraordinaire. C’était l’épreuve de force ; la diète confia alors l’exécutif à un Comité de défense, présidé par Kossuth. Au début, le succès sourit aux Hongrois, l’armée autrichienne étant immobilisée par une révolte des Viennois, mais il n’y eut pas de véritable alliance entre les Magyars et les démocrates autrichiens malgré les objurgations de Karl Marx à Kossuth.

La révolte de Vienne liquidée, Windischgraetz, avec l’aide des Croates, des Roumains et des Serbes, put attaquer la Hongrie. Le 5 janvier 1849, Pest était prise, et Kossuth se réfugiait avec la diète à Debrecen, emportant la couronne de saint Étienne, pendant que l’armée hongroise se regroupait derrière la Tisza. À Debrecen, l’Assemblée vota la déchéance des Habsbourg et l’indépendance de la Hongrie (14 avr.), puis proclama une république de fait, dont Kossuth fut nommé gouverneur. Cela déclencha un conflit entre les extrémistes et les magnats, ennemis d’une sécession républicaine et qui accusaient Kossuth d’ambitionner le trône. En outre, Kossuth refusa toute autonomie aux autres nationalités.