Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
K

Korolenko (Vladimir Galaktionovitch) (suite)

Plus dépouillés, plus discrets encore, ses Mémoires, pudiquement intitulés Histoire de mon contemporain (Istoria moïego sovremennika, 1906-1922) et publiés pour une part après sa mort, relatent la somme d’une vie riche d’expériences personnelles et témoin d’événements exceptionnels, comme la révolte polonaise ou l’abolition du servage. Point de grands effets, mais des souvenirs racontés avec délicatesse, humour et émotion, où quelques savoureux portraits de paysans témoignent de l’acuité psychologique de l’auteur. Le message de Korolenko reste un message de bienveillance optimiste, et il traduit assez exactement les préoccupations des écrivains des années 80, préoccupations idéalistes et humaines plutôt que vraiment hardies et révolutionnaires.

S. M.-B.

 E. Hausler, Wladimir Korolenko und sein Werk (Königsberg, 1930).

Kościuszko (Tadeusz)

Patriote polonais (Mereczow zczyźna, Polésie, 1746 - Soleure, Suisse, 1817).



Une solide formation militaire la France (1746-1774)

Issu d’une famille de moyenne noblesse terrienne, Kościuszko bénéficia dans un collège piariste de la formation moderne et patriotique préconisée par le grand éducateur Stanisław Konarski. Grâce à la protection du prince A. C. Czartoryski, il fut boursier au corps des cadets de Varsovie (1765-1769). Il s’attira par ses qualités la sympathie du roi Stanislas II Auguste Poniatowski, qui l’envoya, doté d’une bourse, compléter sa formation à Paris.

Au cours de cinq années passées en France (1769-1774), il fut l’élève de l’académie militaire de Versailles et des écoles du génie et de l’artillerie de Mézières et de Brest. Il rentra au pays en 1774. Ruiné par un frère indélicat, désespérant de retrouver un poste dans l’armée, réduite, il fut humilié par le magnat Józef Sosnowski († 1783), qui brisa avec dédain l’idylle nouée par ce pauvre szlachcic avec sa fille Ludwika. Ce chagrin le détermina à rejoindre les Insurgents d’Amérique.


Le soldat de la liberté l’Amérique (1776-1784)

Contrairement à la légende, Kosciuszko ne partait pas avec la recommandation de Franklin, qu’il ne rencontra pas à Paris ; il n’eut que peu de rapports avec Washington (1778) ; il ne devint jamais son ami, mais celui de Jefferson. Engagé d’abord comme ingénieur civil, il entra dans l’armée avec le grade de colonel du génie (oct. 1776). Son habileté à exploiter la nature du terrain et ses innovations en matière de fortifications préparèrent la victoire de Saratoga et firent de West Point une forteresse jugée inexpugnable (1778-1780). Kościuszko rendit ensuite de grands services à l’armée du Sud, dont il fut le chef du génie. Il fut l’un des fondateurs de la Society of the Cincinnati. Le Congrès le nomma général de brigade (oct. 1783) et citoyen des États-Unis.

Kościuszko revint dans son pays aussi pauvre qu’il en était parti, mais auréolé de gloire, imprégné d’esprit démocratique et convaincu de la supériorité du soldat-citoyen.

Il s’installa sur son modeste domaine de Siechnowicze et, pendant cinq ans, ne fut plus qu’un petit gentilhomme campagnard. Hostile au servage, il réduisit la corvée des paysans.


Au service de la patrie (1789-1794)

La Grande Diète (1788-1792) réintégra Kościuszko dans l’armée. Nommé général de brigade le 12 octobre 1789, celui-ci put enfin servir sa patrie, menacée d’un second partage. Tacticien habile et chef audacieux, il s’illustra à Dubienka (18 juill. 1792) dans la guerre soutenue contre la Russie et donna sa démission quand le roi adhéra à la confédération de Targowica (v. Pologne) ; il aurait voulu l’enlever pour l’obliger à continuer la lutte.

Ce patriotisme intransigeant accrut son autorité ; la République française le nomma son citoyen d’honneur (26 août 1792). Sous le pseudonyme de Baron Bieda (= misère), Kościuszko rejoignit l’émigration politique, qui comptait sur son prestige pour obtenir l’aide de la France révolutionnaire. Il plaida en vain auprès de la Convention (janv.-juin 1793), mais l’exemple français précisa ses conceptions de la guerre révolutionnaire. À son retour en Saxe, on l’investit du pouvoir dictatorial en tant que chef de l’insurrection imminente. Craignant que celui-ci ne se limitât à la seule armée, Kościuszko la retarda, afin d’y gagner toute la nation.

Il proclama l’« Acte d’insurrection » le 24 mars 1794 sur la place du Marché (Rynek Głowny) de Cracovie et prêta le serment de lutter pour « la liberté, l’intégrité et l’indépendance » de la patrie, appelant au combat toute la nation. Il battit les Russes à Racławice (4 avr.) grâce à l’héroïsme des volontaires paysans, et ses agents soulevèrent Varsovie (17 avr.) et Wilno (22-23 avr.). Kościuszko put s’éloigner de Cracovie pour organiser la levée en masse, convaincu que l’abolition du servage rallierait les paysans à l’insurrection. Mais l’opposition de la noblesse lui fit craindre de perdre son appui ; il transigea. Proclamant la liberté personnelle des paysans, Kościuszko supprima la corvée pour les familles des seuls combattants et la réduisit pour les autres (Połaniec, 7 mai).

L’insurrection était dirigée contre l’occupant russe, mais Kościuszko ne put obtenir la neutralité de Berlin et de Vienne. Les Prussiens aidèrent les Russes à le battre à Szczekociny (6 juin) et prirent Cracovie, l’obligeant à se replier sur Varsovie, dont il organisa la défense contre deux armées assiégeantes (12 juill.-6 sept.). Son prestige lui permit de contenir les haines de partis au nom de l’union indispensable.

Kościuszko suscita sur les arrières des Prussiens le soulèvement de Grande-Pologne, qui les obligea à lever le siège (6 sept.). L’armée russe se porta à la rencontre de Souvorov, lancé à la rescousse. En tentant d’empêcher leur jonction, Kościuszko fut grièvement blessé à Maciejowice et fait prisonnier (10 oct.).

Ce désastre condamnait l’insurrection, mais son chef ne prononça jamais ce Finis Poloniae accrédité par la propagande prussienne. Emprisonné dans la forteresse Pierre-et-Paul à Saint-Pétersbourg, où son état de santé s’aggrava, Kościuszko fut libéré par Paul Ier le 26 novembre 1796 ; mais, souffrant de troubles nerveux, il demeura incapable de marcher (il aurait simulé ces maux pour pouvoir se rendre en Amérique).