Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
K

Kita-kyūshū (suite)

Depuis la Seconde Guerre mondiale, toutefois, ces conditions ont peu de poids, et le déclin s’est amorcé. En 1938, la ville produisait 9 p. 100 des fabrications japonaises en valeur ; en 1955, 5,3 p. 100 ; aujourd’hui, 4,5 p. 100 environ. Les raisons en sont multiples : manque d’eau douce (distillée à grands frais à partir de la mer) et de terrains industriels (obligeant à de coûteux assèchements). La congestion aussi du réseau des transports (voies ferrées, routes, côtes) constitue un lourd handicap, auquel les tunnels et le pont suspendu qui relient Wakamatsu aux quatre autres centres situés au-dessus de la baie de Dōkai n’ont que peu remédié. Un approfondissement général des eaux littorales, un élargissement des routes et l’électrification des voies ferrées ne soulageront que momentanément ce trafic. Enfin, l’éloignement des autres centres industriels est un inconvénient de plus en plus grave ; conçue pour approvisionner en acier chantiers navals (militaires) et usines d’armement, l’usine de Yahata n’a que peu de relations avec le marché national. D’une façon plus générale, elle a été créée à l’âge du charbon, et, à l’heure où le Japon demande au pétrole l’essentiel de son énergie, où la pétrochimie devient l’une de ses deux activités de base, elle apparaît en partie hors de course.

Longeant la pointe septentrionale de Kyūshū, l’agglomération s’étend sur 40 km d’ouest en est et sur 1 ou 2 km seulement en profondeur. La plus ancienne des cinq cités préexistantes est Kokura, dont le château féodal domine le paysage. Les quatre autres sont récentes, et l’ensemble, hérissé de cheminées, envahi de fumées et d’odeurs, offre le paysage habituel des zones industrielles anciennes : crassiers, gares de triage, dépôts de minerais et de houille bordés à la périphérie de monotones ensembles résidentiels.

De son ancienne structure, Kita-kyūshū a gardé plusieurs centres commerciaux distincts, près desquels se trouvent de petits établissements manufacturiers. Les grandes usines sont sur le littoral et bordées directement par leurs quais, où accostent les minéraliers. L’activité industrielle et portuaire se trouve dispersée tout le long de l’agglomération, avec toutefois trois points de concentration. Moji, tout à l’est, en face de Shimonoseki, a des industries diverses : raffineries de sucre, cimenteries, appareillage électrique ; plus à l’ouest, Kokura est bordée de fabriques de céramique, d’outillages divers. Le cœur de l’agglomération est le port de Dōkai, qui forme une manche ouverte à l’intérieur ; sur ses rives se trouve l’aciérie de Yahata. C’est le type du port industriel ; il y entre du charbon à coke, du minerai, des ferrailles, du bois ; il en sort de la fonte, de l’acier et du ciment, dirigés vers les autres centres métallurgiques du pays, surtout Ōsaka-Kōbe, Nagoya et la baie de Tōkyō, et vers les cités industrielles de la mer Intérieure.

J. P.-M.

➙ Kyūshū.

K’iu Yuan

En pinyin Qu Yuan, ministre du royaume de Chu (Tch’ou) et « père de la poésie chinoise » (v. 343 - 278 av. J.-C.).


On sait peu de chose avec certitude de sa vie et de ses œuvres. Membre de la famille régnante de Chu (Tch’ou), le plus méridional des Royaumes combattants, sa carrière politique fut mouvementée. Plusieurs fois ministre, il tombe souvent en disgrâce à cause de calomnies. Finalement, il choisit l’exil, et c’est de loin qu’il assiste à la chute de sa patrie devant le royaume de Qin (Ts’in), au pillage de la capitale, désastres que ses sages conseils auraient pu peut-être éviter. C’est pour exprimer sa peine qu’il compose le Lisao (Li-sao), l’un des plus beaux poèmes chinois. Puis il se jette dans la rivière Miluo (Milo). La tradition chinoise fait de lui le ministre exemplaire : sage, intègre, persévérant et fidèle jusqu’à la mort à son prince et à sa patrie. La grande fête nautique des bateaux-dragons, qui a lieu le 5e jour du 5e mois, commémore sa noyade. La République populaire de Chine en a fait un héros national, que l’on révère pour son patriotisme et son amour du peuple. Dans ses études et la pièce de théâtre qu’il lui consacre, Guo Moruo (Kouo Mo-jo, né en 1892) exalte ces vertus.

Le Chuci (Tch’ou-ts’eu) [Élégies de Chu] est avec le Shijing (Che-king) [le Classique des vers] la deuxième grande anthologie poétique de l’Antiquité. Ces recueils sont à la source des deux traditions poétiques chinoises : tradition épique et réaliste du Shijing d’une part, tradition lyrique et romantique du Chuci d’autre part. À l’époque des Royaumes combattants, le pays de Chu (Tch’ou), sur le Yangzi (Yang-tseu), est considéré comme barbare par les pays de la Grande Plaine. Dans ses forêts et ses montagnes se multiplient légendes et mythes, sorciers et chamanes. Les poèmes du Chuci reflètent bien ces particularités. Un grand nombre des œuvres du Chuci sont attribuées à Qu Yuan, les autres à ses disciples et imitateurs. Les plus importantes sont le Jiuge (Kieou-ko) [les Neuf Chants], le Jiuzhang (Kieou-tchang) [les Neuf Justifications], le Tianwen (T’ien-wen) [Questions au ciel] et surtout le chef-d’œuvre du Lisao (Li-sao) [Douleur de l’éloignement]. Les Neuf Chants, qui sont d’ailleurs au nombre de onze, ont pour origine des hymnes chamanistes dont le but est d’invoquer ou de faire venir les dieux. Les rencontres avec la divinité, dont on ignore souvent le sexe, sont traitées comme des rendez-vous amoureux :
La déesse ne bouge pas, elle hésite,
Qui peut-elle attendre, là, entre les îles ?

Les Neuf Justifications sont d’inspiration plus personnelle : c’est bien son propre destin que pleure le poète :
Je coule ma plainte dans un chant pour apaiser mon chagrin,
Je donne libre cours à mon courroux et j’exprime mes sentiments.

Puis il décrit avec réalisme sa vie, sa loyauté au prince, les calomnies dont il a été la victime, son désespoir d’être en exil. Le Lisao, longue autobiographie en vers, est le chef-d’œuvre le plus accompli de la poésie lyrique. Dans la forêt de symboles où les fleurs jouent le rôle principal, le poète erre à la recherche du souverain idéal, de la divinité cachée. C’est une suite d’échecs : le ciel garde ses portes fermées, les beautés le repoussent, les hommes le méconnaissent et l’oublient :
Je me fis un manteau de nénuphars et de feuilles de châtaigne d’eau
Et cueillis des pétales de lotus pour en faire ma jupe.
Que m’importe d’être méconnu de tous,
Pourvu que mon âme conserve le parfum de sa fidélité ?