Homme politique canadien (Kitchener, Ontario, 1874 - Kingsmere, près d’Ottawa, 1950).
La personnalité de Mackenzie King a dominé l’histoire canadienne de la fin de la Première Guerre mondiale jusqu’au lendemain de la Seconde. Son nom était bien connu au Canada, puisque son grand-père William Lyon Mackenzie* avait été un des chefs de la rébellion de 1837. S’il prétendit vouloir s’inspirer de l’idéal de ce dernier, Mackenzie King n’était pas, et de loin, un révolutionnaire. Tout au plus un peu mystique quant à son destin : avant son élection au Parlement d’Ottawa (en 1900), il écrivait : « Un pas après l’autre, la Main invisible m’a conduit au seuil que j’ai atteint. »
Il se fait connaître comme ministre du Travail dans le cabinet de Wilfrid Laurier* (1909-1911). Après la mort de ce dernier en 1919, le parti libéral choisit Mackenzie King pour leader. Il est au pouvoir après les élections de 1921, lors desquelles son hostilité à la conscription, si peu appréciée des francophones, lui a valu de nombreuses voix au Québec*.
Mackenzie King préside à l’émancipation du « dominion » : en 1923, le Canada s’entend directement avec les États-Unis au sujet de la répartition des pêcheries. En 1926, une conférence impériale enlève tout lien de subordination entre la Grande-Bretagne et le Canada. La même année, un représentant diplomatique est envoyé à Washington. À l’intérieur, Mackenzie King bénéficie de la reprise économique, qui apaise les conflits sociaux. Pourtant, les élections de 1925 n’apportent qu’une majorité modeste aux libéraux, et leur leader est battu dans sa propre circonscription. En 1926, un scandale qui compromet l’administration des douanes provoque sa chute. Sa grande habileté manœuvrière lui permet de gagner les nouvelles élections et de retrouver le pouvoir.
La crise économique de 1929 prend Mackenzie King au dépourvu : il doit laisser la place aux conservateurs de 1930 à 1935. Mais les très mauvaises récoltes de 1933 et 1934 achèvent de mettre le pays au bord de la misère et conduisent, paradoxalement, les conservateurs à promouvoir une politique dirigiste, inspirée de celle de Roosevelt*. Mackenzie King déclare « inconstitutionnelle et fasciste » l’annonce, à la radio et non au Parlement, de ces mesures. Il donne le choix aux électeurs « entre King et le chaos ». Vieux procédé politique, qui n’est jamais usé : le leader libéral revient triomphalement au pouvoir et ne tarde pas à bénéficier de la reprise économique, qui culmine en 1937. À l’intérieur, Mackenzie King s’attache à renforcer le pouvoir fédéral à l’égard des provinces en profitant du fait que les charges sociales de ces dernières, de plus en plus lourdes, les affaiblissent considérablement : le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale facilite cette emprise du « fédéral ». C’est pourtant sans enthousiasme, et après une attente symbolique de huit jours, que le Premier engage son pays dans le conflit, en précisant bien qu’il ne s’agit pas de suivre simplement la Grande-Bretagne. Le Canada tiendra une place très honorable dans le conflit sur le plan militaire et renforcera ses liens avec les États-Unis pour la mobilisation des activités économiques. Mais le problème de l’envoi des conscrits outre-mer divise encore profondément les provinces lorsqu’il faut finalement l’aborder, par un référendum, en 1942 (le Québec sera hostile à l’intervention sur les divers fronts). Mackenzie King, devant les besoins sans cesse accrus de l’armée, devra pourtant se résigner à envoyer des réservistes en Europe, mais seulement dans les derniers mois de la guerre. Le progrès du pouvoir central qu’il représente face aux provinces va se heurter de plus en plus aux particularismes de ces dernières, notamment celui du Québec, où règne Maurice Duplessis. En 1948, la maladie oblige Mackenzie King à abandonner un pouvoir qu’il avait exercé pendant vingt-deux ans.
S. L.
➙ Canada.