Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
K

Kahn (Louis Isadore)

Architecte américain d’origine estonienne (île de Sarema 1901 - New York 1974).


Dans ses débuts, Louis I. Kahn est connu principalement comme professeur à l’université de Pennsylvanie, à Philadelphie, où, arrivé tout enfant, il a fait ses études. Sa première œuvre de réputation internationale sera la Yale University Art Gallery à New Haven (Connecticut) en 1952-1954. Kahn apparaît alors tout d’un coup, bien que déjà cinquantenaire, comme l’un des chefs de file de l’avant-garde dans le monde.

Son architecture est typiquement éclectique : Kahn est le premier de la seconde génération de l’art moderne, celle qui a une connaissance académique du vocabulaire du modernisme — génération « culturée » qui représente un peu ce que Serlio, Jules Romain ou Palladio pouvaient être par rapport à Bramante ou Michel-Ange. N’ayant plus l’enthousiasme des pionniers, découvrant les limites d’un système de pensée, les artistes de cette génération sont amenés ou à dénaturer ce système par maniérisme ou à chercher dans l’histoire une assise plus large : Louis Kahn a défini très explicitement ses relations avec, par exemple, l’architecture de la Révolution française (cf. M. Angrisani, « Louis Kahn et l’histoire », dans Architecture, mouvement, continuité, no 6, Paris, 1968).

L’évolution de Louis Kahn entre 1950 et 1970 a été spectaculaire. En 1952, la Yale University Art Gallery n’est encore que brutaliste : au purisme américain, elle oppose la lourdeur dramatique d’immenses étendues de plafonds à structure en béton, creusée d’alvéoles pyramidaux. Mais dans la Trenton Bath House (New Jersey, 1956) apparaît une composition modulaire, par addition de cellules, très proche de la manière d’Aldo Van Eyck ou de Jørn Utzon : la préoccupation d’une structure architectonique des espaces et celle de l’échelle humaine donnée par la « travéation » sont ici très fortes, en contraste absolu avec la tendance « sculpturale » du modernisme des années 20.

Le pas suivant sera franchi avec le Richards Medical Research Building de l’université de Pennsylvanie, à Philadelphie (1957-1961) : Kahn parvient à l’expression plastique de la distribution intérieure en distinguant les espaces servants et les espaces servis — rendus en volumes par l’opposition entre de vastes plateaux dégagés de toute infrastructure et un jeu de circulations qui sont comme des gaines reliant ces plateaux.

Mais c’est en portant son intérêt au traitement de la lumière (et à celui, consécutif, de l’enveloppe murale) que Kahn dépassera ses contemporains de façon décisive : passionné comme Étienne-Louis Boullée (1728-1799) par l’« architecture des ombres », il s’attache à des solutions de double enveloppe procurant des éclairages en second jour ou de lanterneaux donnant des lumières zénithales (First Unitarian Church, Rochester [New York], 1959-1962 ; Mikveh Israel Synagogue, Philadelphie, 1961 ; projet pour la synagogue Hourva à Jérusalem, 1967 ; capitole de Dacca, 1965-1972).

L’apport de Louis Kahn, ici, est d’avoir rétabli dans le vocabulaire de l’architecture une gradation raffinée des espaces, de l’intérieur vers l’extérieur — là où la génération précédente n’avait connu que le souci de l’interpénétration des espaces, telle que Bruno Zevi l’a définie chez Frank Lloyd Wright*.

Louis Kahn devait aussi se montrer soucieux des axes de composition. Souvent perçue comme académique, cette démarche est dans la logique d’un système destiné à revaloriser l’esprit architectonique. Aux compositions simples, sur plan basilical (Salk Institute for Biological Studies, San Diego, Californie, 1959-1964), Kahn préférera généralement les plans centraux — depuis le schéma triangulaire du projet pour la synagogue Adath Jeshurun à Elkins Park (Pennsylvanie), en 1954, jusqu’aux bains de Trenton et au capitole de Dacca.

Il faut remarquer néanmoins à quel point l’espace de Kahn, bâti sur des compositions simples, est d’une lecture ambiguë : continuellement, des axes déviants viennent interrompre le processus normal du développement spatial (église de Rochester ; Indian Institute of Management, Ahmadābād, 1966 ; projet pour le Philadelphia College of Art, 1969).

Enfin, Louis Kahn, concluant ce processus de réévaluation de l’architecture, s’est interrogé sur les relations avec l’environnement : les maquettes pour la synagogue Hourva, le projet du Philadelphia College of Art, ceux du capitole de Dacca définissent tous un certain mode de relation avec le contexte — effet de silhouette, mouvement de l’espace, stylistique ornementale.

Kahn est ainsi, de tous les architectes contemporains, celui qui s’est le plus interrogé sur la signification de sa discipline, sur ses implications philosophiques, politiques ou historiques et qui, se détachant de l’esthétique fonctionnaliste, a su l’un des premiers rétablir l’architecture dans sa continuité historique.

F. L.

 V. Scully, Louis I. Kahn (New York, 1962). / R. S. Wurman et E. Feldman, The Notebooks and Drawings of Louis I. Kahn (New York, 1962). / R. Venturi, The Complexity and the Contradiction in Architecture (New York, 1967 ; trad. fr. De l’ambiguïté en architecture, Dunod, 1971). / Louis I. Kahn, œuvres 1963-1969, numéro spécial de l’Architecture d’aujourd’hui (Boulogne-Billancourt, 1969).
On peut également consulter : L. I. Kahn, « Order and Design », dans Perspecta, the Yale Architectural Journal, III (1955). / M. Bottero, « Louis Kahn », dans Zodiac (Milan, 1967).

Kairouan

En ar. Qayrawān, v. de Tunisie, à l’ouest de Sousse ; 40 000 hab.


C’est autour de la Grande Mosquée que s’est développée la ville de Kairouan, fondée dès 670, mais devenue capitale intellectuelle et artistique sous les Arhlabides* (800-909). Ceux-ci y firent édifier, outre des bâtiments religieux, de nombreux palais dont le souvenir n’est pas perdu et ils aménagèrent un système d’adduction d’eau dont la citerne qui porte encore leur nom demeure un précieux témoignage.