Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Kaboul

En persan Kābul, capit. de l’Afghānistān.



Les conditions géographiques et historiques du développement urbain

Le bassin de Kaboul, au sud-est de l’Hindū Kūch, occupe une situation géographique privilégiée, qui en a fait un ancien et dense foyer de vie urbaine. C’est là que convergent la route donnant accès au nord-ouest de l’Inde par la trouée de Peshāwar et les routes de caravanes longeant le piedmont méridional des montagnes médianes de l’Afghānistān. Au nord s’ouvre à travers l’Hindū Kūch la passe de Sālang, de tout temps praticable en été aux caravanes.

Un centre urbain marqué par beaucoup de vestiges d’époque préislamique s’était développé dans le sud du bassin, dans un site exceptionnellement favorable à la défense, qui explique sa fortune. Il s’agit d’une gorge de la rivière de Kaboul à travers un pointement du socle de schistes cristallins découpé en deux collines (2 110 et 2 220 m) par la vallée, dont le fond est à 1 800 m. Une ville forte a pu se placer là, au sud de la rivière, appuyant ses remparts sur la haute colline du sud, protégée à l’est par des marais qui marquent la rentrée du Kaboul dans une large plaine alluviale, défendue au nord par la deuxième colline et par le cours même de la rivière, encaissée et profonde. Siège d’une petite principauté hindoue avant la conquête musulmane, ravagée par les Mongols et par Tīmūr Lang, reconstruite par Bābur, conquérant turc de l’Inde au début du xvie s., avant-poste de l’Empire moghol de l’Inde au xviie s., la ville était au xviiie s. une des plus importantes déjà sur la grande route commerciale de l’Afghānistān méridional. C’est dans cette conjoncture que, lors de l’ascension politique des tribus des Pachtous (ou Pathans), elle fut choisie comme capitale, en 1773, d’un État afghan qui s’étendait alors largement sur le nord-ouest de l’Inde et jusqu’au Pendjab qu’elle permettait de contrôler beaucoup mieux que Kandahar (ou Qandahār), première capitale pachtou depuis 1747. Elle correspond ainsi à la première centralisation politique afghane, avant la constitution de l’État actuel, à l’intérieur duquel elle est incontestablement excentrique, mais en étant la ville du sud de l’Hindū Kūch la plus adaptable à cette fonction.


Les étapes contemporaines de l’expansion urbaine

Une première phase nouvelle se dessine à la fin du xixe s., après la destruction par les Anglais de la citadelle (Bālā Ḥiṣār) en 1879, lors de la guerre anglo-afghane. Un nouveau palais royal fut alors construit au nord du Kaboul et s’entoura progressivement de bâtiments officiels. En même temps, la ville s’étendit sur la rive nord du Kaboul, rejoignant le nouveau quartier royal. En 1919, à la veille des premières réformes occidentales en Afghānistān, celles de l’émir Amān Allāh, la partie ancienne et la partie nouvelle, de part et d’autre du Kaboul, présentaient strictement une physionomie islamique traditionnelle, et le seul quartier moderne, groupant les ambassades et les ministères autour du palais, comptait pour biens peu dans l’agglomération.

À partir de cette date se succédèrent les extensions planifiées de nouveaux quartiers d’aspect occidental. Ce fut d’abord Dār ul-Amān, créé à 8 km au sud-ouest de la vieille ville, de l’autre côté des deux collines, et qui fut raccordé à l’ancienne cité par le seul embryon de chemin de fer jamais construit en Afghānistān. Abandonné lors de la chute de l’émir Amān Allāh en 1929, ce quartier fut essentiellement transformé en quartier universitaire, le plus ancien de la ville, et rebaptisé en Dār ul-Funūn (la « maison de la science »). L’extension suivante se fit au nord du quartier royal, avec la création, en 1935, de Chahr-e Naw (la « ville neuve »). Puis à partir de 1942 et jusqu’en 1950 essentiellement (création de la nouvelle université) furent édifiés de nouveaux quartiers à l’ouest des collines, puis au nord-ouest de celles-ci et même partiellement à l’est au-delà des marais (quartier de Kartè Tchār en 1952), qui devaient cependant, dans l’ensemble, bloquer le développement de la cité. Pendant ce temps, la vieille ville est restée intacte dans sa masse. Une très large percée est-ouest, l’avenue Maivand, y a cependant été effectuée, avec un axe secondaire sud-nord, et des immeubles commerciaux modernes, à deux étages en général, ont garni ces avenues principales. Mais elle garde dans l’ensemble son aspect de ville musulmane congestionnée, à dédale d’impasses, face aux villas aérées et au dessin géométrique des nouveaux quartiers.


Population et activités

La répartition des diverses activités et de la population entre ces deux types urbains s’établit tout naturellement. Les activités traditionnelles et la population qui s’y adonne restent localisées dans la vieille ville, tandis que les nouveaux quartiers concentrent les fonctions de type moderne.

La population totale, évaluée à 60 000 personnes en 1916 et à 120 000 en 1936, atteignait sans doute 230 000 habitants en 1960 ; elle est probablement de près de 500 000 aujourd’hui. La faiblesse de ce chiffre par rapport à la population d’ensemble du pays (environ 3 p. 100) exprime à elle seule la médiocrité et le caractère très récent du mouvement d’urbanisation, bien que le rayon d’attraction de la ville s’étende déjà jusqu’au nord de l’Hindū Kūch (spécialement depuis la construction de la route du col de Sālang). Le tiers environ reste localisé dans la vieille ville, qui concentre toute l’activité commerciale et artisanale traditionnelle dans le bazar. La densité y est considérable (environ 500 habitants à l’hectare en 1960). En revanche, la quasi-totalité des cadres du secteur tertiaire et dès fonctionnaires ou des gens de service habitent les quartiers nouveaux, où la densité varie de 40 à 150 habitants à l’hectare. L’industrie, très faible encore, est dispersée un peu partout à la périphérie (cimenteries, céramique, industries du cuir). On possède une estimation vraisemblable de la population active en 1960, qui aurait été de 63 000 personnes, dont 93 p. 100 d’hommes. La population agricole comptait pour 10 p. 100, et le secteur secondaire pour environ 30 p. 100 (dont 12 p. 100 d’ouvriers dans la construction, 11 p. 100 d’artisans et seulement 7 p. 100 d’ouvriers d’industrie proprement dite). Dans le secteur tertiaire, les fonctionnaires comptaient pour 18 p. 100, et le petit commerce pour 11 p. 100. Kaboul reste essentiellement une métropole administrative et commerciale, et appartient encore à la catégorie des villes dont la principale activité industrielle consiste à se bâtir.