Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
J

juridiques (sciences) (suite)

La Cour des comptes (v. administration) exerce avec rigueur sa fonction, depuis l’ordonnance du 8 novembre 1820 qui rend les comptables justiciables devant elle ; l’exécution du budget voit ses modalités minutieusement réglementées ; les dépenses d’un exercice seront liquidées et ordonnancées dans les neuf mois, au plus tard, qui suivent l’expiration dudit exercice (c’est-à-dire au 30 sept.).

La loi du 15 mars 1817 introduit la « spécialité » des dépenses par ministère : les crédits (autorisations de dépenses) sont votés par le Parlement pour les différents ministères, ceux-ci pouvant effectuer discrétionnairement les répartitions internes qu’ils souhaitent. À partir de 1828, le budget de chaque ministère sera voté selon des divisions plus « fines » ; à partir de 1831, par « sections ». Le Parlement enserre ainsi de plus en plus l’exécutif dans ses autorisations et ses contrôles : le droit budgétaire est éminemment un de ces droits publics internes (voir plus haut) réglant les relations des différents organes de l’État entre eux, mais la science financière ne s’arrête pas là.

• Apparition d’une science fiscale.

Le droit budgétaire apparaît, ainsi, comme cette partie du droit financier concernant le fonctionnement des institutions propres à assumer au profit de l’État (et accessoirement des collectivités publiques) la couverture des charges financières. Mais il se distingue de la science fiscale en ce que cette dernière évoque les rapports de contrainte entre les particuliers et les administrations fiscales et est concernée par la législation relative à l’une des ressources budgétaires — la plus importante —, l’impôt.

La science fiscale a été considérée (en France particulièrement) pendant longtemps comme une discipline relativement secondaire : elle occupait une place de rang mineur dans la recherche et l’enseignement du droit. (Signalons, à titre symbolique, que, au concours d’agrégation des facultés de droit [section droit public], la « leçon financière » demeurait en dernière position, les candidats n’étant pas, en conséquence, tentés d’attacher à sa préparation une place de premier choix. Au Conseil d’État, les affaires fiscales faisaient partie du « petit contentieux », par opposition au « grand contentieux », où l’on jugeait les affaires générales.)

Si l’on « psychanalyse » cette modestie, il semble qu’il faille trouver, sous-jacente et peut-être inconsciente, la conception qui prévalut longtemps de l’impôt « mal nécessaire », de la « pénibilité » du fait fiscal, du caractère parasitaire de l’activité fiscale de la puissance publique, critiques aggravées souvent par le manque de philosophie d’ensemble dont souffrait la science de l’impôt par défaut de conceptions économiques et sociologiques bien établies.

La science fiscale reprend aujourd’hui des droits à l’honorabilité dont elle n’aurait jamais dû manquer. L’impôt ne peut, tout d’abord, être considéré comme un phénomène de second ordre, au seul niveau juridique, mais aussi à celui des sciences politiques, sociales, économiques. Les ressources fiscales représentent, avec l’extension du rôle de l’État et des collectivités publiques, une proportion considérable des ressources budgétaires globales, du P. N. B. (de l’ordre de 25 p. 100) et du revenu national (de l’ordre de 30 à 35 p. 100). Le taux de l’impôt sur le bénéfice des sociétés françaises est aujourd’hui de 50 p. 100, le taux de la T. V. A. sur certains produits atteint jusqu’à 33 p. 100 des prix de ceux-ci ! La « décision dans l’entreprise » ne peut aujourd’hui être prise qu’en fonction de l’impact sur, cette décision que l’impôt créera.

La science fiscale comprend :

• la théorie générale de l’impôt, science dégageant (en quelque sorte en dehors du temps et de l’espace) la nature fondamentale du fait fiscal, de la législation fiscale, les principes essentiels qui peuvent se trouver à la base des différents systèmes fiscaux, les grandes typologies des impôts, les avantages et les critiques que l’on peut imputer aux différents systèmes ; par ailleurs, l’économie financière étudie l’impact de l’impôt sur les « comportements » de la collectivité nationale ;

• le « droit » fiscal proprement dit, assumant l’étude des problèmes juridiques posés par l’impôt : conditions d’élaboration et d’application de la loi fiscale ; procédures employées, organes compétents, garanties accordées aux redevables, organisations du contentieux fiscal, etc. ;

• la politique fiscale, concernée par l’étude des mesures effectivement prises par le pouvoir, les tactiques « fiscales » des administrations ; cette politique fiscale se contente de décrire ou, dépassant cet objet, se fait appréciative, axiologique, déontologique ; elle recommande alors les impôts à instituer, faisant appel à des considérations d’ordre économique, social, moral, etc. ;

• la technique fiscale, plus particulièrement consacrée à l’application du système fiscal. Selon la définition de Maurice Lauré, elle « consiste à fixer les modalités d’assiette, de contrôle et de recouvrement de l’impôt ».

Les droits inclassables

• Un droit omnidisciplinaire, le droit économique. Le droit économique n’est pas seulement la discipline traitant des formes autoritaires des interventions de l’État dans l’économie, car cette définition trop limitée ferait du droit économique une partie du droit public. Le droit économique, en réalité, recouvre une aire beaucoup plus étendue : le droit commercial, qui est un droit privé, en relève avec une partie du droit civil, le droit pénal des affaires et le droit du travail ainsi que le droit administratif de la réglementation économique, le droit fiscal, le droit international public de l’économie enfin.

En fait, le droit économique témoigne du phénomène, aujourd’hui spécifique, de l’omniprésence des faits économiques et de leurs impacts innombrables sur l’ordre juridique. Plus qu’une branche autonome du droit, le droit économique apparaîtrait plutôt comme une « approche » spéciale des problèmes juridiques de tous ordres et de toutes disciplines, approche qui, d’ailleurs, témoigne d’une manière éclatante des « métamorphoses » du droit (Savatier), intervenues depuis l’avènement de la révolution industrielle.