Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
J

Juillet (monarchie de) [1830-1848] (suite)

L’orléanisme, c’est l’élite de la fortune et de la position sociale ; c’est le juste milieu, hostile au despotisme comme à l’anarchie, au privilège de la naissance comme à la démocratie sociale ; sa devise est « ordre et liberté ». Ordre contre la démagogie et les « absurdes » revendications de justice et de protection sociales. Liberté pour favoriser l’activité économique, à laquelle l’État ne doit pas apporter d’entraves.

L’idéal orléaniste est un régime représentatif, car équilibré, et un gouvernement « à bon marché », très attentif à limiter les dépenses publiques, voire la liste civile. Au fond, les procédés de gouvernement doivent s’inspirer du négoce. Prudence et modération.

L’orléanisme a sa philosophie, l’éclectisme de Victor Cousin (1792-1867) : libre examen des doctrines, des philosophies et des religions, choix des éléments de vérité qu’elles contiennent. Juste milieu, ni théocratie ni athéisme, mais un catholicisme éclairé et non missionnaire, ou encore le protestantisme.


Le légitimisme

Les vaincus de Juillet s’appuient sur deux forces : la grande propriété terrienne d’origine nobiliaire et l’Église. Nombre de défenseurs du trône et de l’autel se sont retirés sur leurs terres en 1830. À Paris, le faubourg Saint-Germain s’isole et met le régime en quarantaine : on ignore et on brocarde.

Toutefois, le légitimisme a plusieurs aspects. Dans l’Ouest et le Massif central, il s’agit du légitimisme rural classique, où le manoir et les bons prêtres dominent une masse paysanne peu évoluée. Dans le Midi, il est surtout urbain et religieux, exalté et agressif, vibrant des souvenirs de la Terreur blanche et des « Verdets ». À Montauban, Nîmes, Montpellier, le conflit politique se double d’un conflit religieux animé par la haine séculaire du huguenot. Dans les Bouches-du-Rhône, il s’agit plutôt d’un légitimisme d’opposition, tenant une solide place forte : quatre députés sur six, deux sur trois à Marseille. Le drapeau blanc recrute ici dans le peuple, chez les petites gens du port (portefaix, poissonniers). D’ailleurs, ce légitimisme est plus ouvert. L’avocat Berryer, tête de file du légitimisme, est un homme digne, tolérant, estimé.

Enfin, les partisans de la branche aînée sont aussi représentés dans le négoce et l’industrie ; hostiles au progrès politique, les notables légitimistes sont souvent ouverts à l’idée de progrès économique. Dans le cadre du catholicisme social, on verra même se développer une « Montagne Blanche », composée de jeunes légitimistes scandalisés par le paupérisme et que n’effraie nullement la convergence de leurs idées — ou de leur action — avec celles des radicaux. Rouges et blancs se coalisent parfois pour battre le candidat orléaniste.


Les républicains

La période s’ouvre pour eux par des échecs : frustrés de leur victoire par la comédie du balcon de l’Hôtel de Ville de Paris, ils ont voulu forcer la décision en juin 1832, et ont échoué. Aussi font-ils à partir de 1833 un gros effort d’organisation, visent à multiplier les associations et à faire pénétrer les immortels principes dans les masses.

Les premières sociétés républicaines tiennent du club révolutionnaire de 1793 et de la Vente charbonnière clandestine. Naissent alors l’« Association libre pour l’instruction du peuple », l’« Association pour la liberté de la presse ». Comités et réseaux se constituent pour soutenir la propagande et les affiliés contre la répression : le plus important est la « Société des droits de l’homme et du citoyen », formation paramilitaire dirigée par un Comité central et des chefs ardents comme Godefroy Cavaignac (1801-1845).

Mais les adhérents sont peu nombreux — 10 000 dans l’Est, 2 000 à Lyon —, et le recrutement est hétérogène socialement et géographiquement : bourgeois et patriote dans les garnisons de l’Est, en Franche-Comté, en Bourgogne ; révolutionnaire et ouvrier dans le Rhône et à Paris. D’ailleurs, malgré les hésitations doctrinales et la timidité de son programme social, le mouvement républicain prend contact, en particulier à Lyon, avec le mouvement ouvrier et ses sociétés mutuellistes ; mais cet apport nouveau lui fait surestimer sa force. L’écrasement des insurrections lyonnaise et parisienne en 1834 et les lois de septembre 1835 brisent l’organisation républicaine.

Les bourgeois du « National » avec Armand Carrel (1800-1836) imputent ces échecs à l’orientation sociale et donnent la priorité à la réforme électorale. Plus avancé, le groupe de la « Réforme », avec Godefroy Cavaignac et Ledru-Rollin, se contente de reprendre les idées sociétaires sur le droit au travail et les coopératives de production. Le mouvement est divisé et stagne jusqu’en 1848, d’autant que la propagande socialiste, voire communiste, le déborde sur sa gauche, à partir de 1840. Mais les idées républicaines ont néanmoins pénétré dans les milieux urbains, et en particulier bourgeois. En février 1848, la république ne sera pas une surprise.


La vie économique

La période 1830-1848 est une époque de transition entre l’ancien régime économique, fondé sur l’agriculture et l’artisanat, et le nouveau régime stimulé par la révolution industrielle qui démarre (take off), mais n’est pas encore dominante. Le rythme de croissance de l’économie est de 2,4 p. 100 par an entre 1835 et 1847, bien plus net dans l’industrie que dans l’agriculture. Mais, à la veille de 1848, cette dernière fournit encore près de 45 p. 100 du produit national. La modernisation du pays est frappante dans deux secteurs, les chemins de fer et l’industrie.


Les chemins de fer

La naissance des chemins* de fer est presque contemporaine de celle du régime. La politique ferroviaire est incertaine : les compagnies privées n’ont qu’une assise financière limitée, et le gouvernement doit les subventionner indirectement en allégeant les cahiers de charges ou en modifiant les clauses des contrats de concession. Le régime douanier protectionniste élevait le prix des matériaux. Enfin, la portée réelle de l’invention est méconnue : seuls quelques économistes libéraux et saint-simoniens sont convertis.