Sculpteur japonais (? - 1057).
Artiste de génie, Jōchō semble à l’origine des changements profonds qui marquent la sculpture japonaise au cours de la première moitié du xie s. À la technique ichiboku (en un seul bloc), utilisée le plus souvent jusqu’alors, succède le yosegi, procédé par pièces de bois assemblées qui permet la division du travail. Il revient à Jōchō d’avoir su mettre au point cette méthode complexe, en définissant avec précision la tâche de chaque praticien afin d’obtenir un résultat homogène. Pour satisfaire la demande croissante d’images religieuses, de véritables ateliers privés se constituent et se groupent bientôt en corporations (bussho) selon les écoles. Les sculpteurs, patronnés par les familles nobles, sortent de l’anonymat et se voient gratifiés de distinctions honorifiques qui contribuent à élever leur position sociale.
L’œuvre de Jōchō reflète l’élégance aristocratique de l’époque Fujiwara (897-1185) et établit, après les hésitations du xe s., un style purement japonais (wa-yō) dans le domaine de la plastique.
Descendant d’une famille de gouverneurs de province, Jōchō fut l’élève et peut-être même le fils adoptif de Kōshō, sculpteur bouddhique (busshi) bien connu à la fin du xe s. Il collabore avec son maître à l’exécution des statues du Hōjō-ji de Kyōto pour la famille Fujiwara, et, en 1022, lors de l’inauguration du pavillon central du temple, l’empereur lui décerne le titre bouddhique de hokkyō (pont de la loi). Cet honneur, qu’il est le premier sculpteur à recevoir, atteste la précocité de son talent. Jōchō travaille ensuite pour des commandes impériales, et, finalement, le rang supérieur de hogen (œil de la loi) lui est conféré en 1048, en remerciement de ses services au Kōfuku-ji de Nara. Son œuvre la plus célèbre, et la seule attribuée avec certitude, ne date pourtant que de 1053. Il s’agit de l’Amida nyorai (bouddha Amida), commandé par Fujiwara Yorimichi pour le pavillon du Phénix au Byōdō-in d’Uji, près de Kyōto.
Exécuté en bois laqué et doré, selon la technique yosegi, l’Amida représente une synthèse parfaite entre les influences chinoises reçues depuis quatre siècles et le meilleur de la tradition japonaise. Douceur du visage au regard baissé, équilibre admirable des proportions, souplesse du drapé aux plis réguliers, tout contribue à l’harmonie de l’ensemble. Un contraste dynamique s’opère entre la majesté sereine du bouddha assis en méditation et le décor exubérant de la mandorle, derrière la statue. En outre, des sculptures de bodhisattva accrochées sur les murs de la salle, œuvres de l’atelier de Jōchō ou en partie du maître, rappellent par leur grâce les peintures raffinées qui ornent également le pavillon.
Principal courant de la sculpture bouddhique japonaise jusqu’à la fin de l’époque Fujiwara, le style de Jōchō sera repris par son fils Kakujo († 1077), puis par son petit-fils Raijo (1054-1119), qui travailleront plus à Nara qu’à Kyōto. De cette lignée, appelée plus tard l’« école de la septième rue » (Shichijō bussho), sortira à la fin du xiie s. le grand sculpteur Unkei*. En même temps, un élève de Jōchō, Chōsei (1010-1091), fonde avec son fils Ensei († 1134) l’école dissidente « de la troisième rue » (Sanjō bussho), moins importante, toutefois, que la précédente.
F. D.
J. E. Kidder, Sculptures japonaises, de l’époque archaïque à l’époque Kamakura (Office du livre, Fribourg, 1961).