Jérusalem (suite)
La Jérusalem musulmane
C’est à deux monuments anciens que Jérusalem doit d’occuper une place essentielle dans l’histoire des arts islamiques : la Coupole du Rocher et la mosquée al-Aqṣā, construits l’un et l’autre sur l’esplanade de l’ancien Temple de Salomon. Voisine de la Coupole du Rocher, la Coupole de la Chaîne (Qubbat al-Silsila), petit édifice polygonal à onze côtés, avec arcs en plein cintre reposant sur des colonnes antiques ou byzantines, en est aujourd’hui une annexe ; mais, construite un peu antérieurement, elle a pu l’inspirer.
• La Coupole du Rocher. Néanmoins, on considère à juste titre que la Coupole du Rocher (Qubbat al-Ṣakhra), faussement nommée mosquée d’Omar (ou d’‘Umar) [alors que ce n’est pas une mosquée et qu’aucun lien ne la rattache au célèbre calife], est le plus ancien monument de l’islām. Ce sanctuaire tout à fait singulier a été mis en chantier en 688 et achevé en 691 pour recouvrir un rocher éminemment sacré aux yeux des musulmans et répondre aux exigences du pèlerinage (circumambulations rituelles). Admirable de proportion et d’équilibre, il se dresse sur une plate-forme que bordent de grandes arcades à quatre baies, sortes d’arcs de triomphe. C’est un octogone régulier de 20,60 m de côté, haut de 9,50 m (non compris le parapet), que surmonte un dôme doré portant sur un tambour percé de multiples fenêtres. On y accède par quatre portes disposées aux quatre points cardinaux. Un double déambulatoire, formé de piles et de colonnes alternées, disposées en quinconce et offrant de belles perspectives, entoure le roc central. Le décor, d’une rare harmonie, comporte, outre de remarquables pièces en bronze (aux portes, aux tirants, aux poutres), de grandes plaques de marbre à l’extérieur, dans les parties basses, et un revêtement de mosaïques en pâtes de verre dues à des artistes syriens formés aux techniques byzantines, mais ayant soumis leur art aux impératifs de la nouvelle religion. Malgré diverses restaurations, et en particulier celles de Soliman le Magnifique au xvie s., qui fit réaménager les portes et remplacer, sur la façade, les mosaïques par des faïences, au reste de grande qualité, la parure primitive reste en place sur le tambour et dans la plupart des parties intérieures de l’édifice.
• La mosquée al-Aqṣā. Construite à peu près en même temps que la Coupole du Rocher, la mosquée al-Aqṣā semble avoir subi au cours des temps de nombreux remaniements, dont on discute et qui rendent son histoire imprécise. Selon K. A. C. Creswell, l’essentiel de l’ordonnance daterait du xie s. Selon d’autres, la magnifique coupole, le transept, maintes parties du décor seraient d’époque omeyyade. Tel qu’il s’offre à nous, ce grand sanctuaire présente un plan assez particulier qui n’est pas sans rappeler celui des basiliques chrétiennes : la nef centrale, très large, bordée d’arcs sur colonnes, est flanquée à droite et à gauche d’un double bas-côté moins élevé. Cependant, trois nefs parallèles au mur du fond l’apparentent à la mosquée de Damas. La façade, de grande pureté, est d’un sobre classicisme. À l’intérieur, un beau minbar d’Alep (1168) a été mis en place par Saladin.
La Jérusalem latine
Après la première croisade, un vigoureux rameau d’art occidental s’insère dans le Proche-Orient islamique. Malgré les destructions, Jérusalem garde encore de cette époque des monuments faits avec une technique aussi parfaite qu’en Bourgogne ou en Provence : le « Tombeau de Marie », l’église Sainte-Anne et des éléments des trois églises du Saint-Sépulcre. Si les reliefs ont particulièrement souffert de l’iconoclasme musulman, on peut encore juger de leur qualité à la façade du Saint-Sépulcre, proche par le sujet des frises provençales (Entrée du Christ à Jérusalem) ou italiennes (tympan du porche du Calvaire). Le patriarcat grec de la ville conserve les plus beaux chapiteaux historiés de l’Orient latin (certains proviennent de Nazareth).
J.-P. R.
K. A. C. Creswell, Early Muslim Architecture (Oxford, 1934-1940 ; 2 vol.). / A. Parrot, le Temple de Jérusalem (Delachaux et Niestlé, 1954 ; 2e éd., 1962). / M. Join-Lambert, Jérusalem (A. Guillot, 1956). / K. M. Kenyon, Jerusalem : Excavating 3000 Years of History (New York, 1968). / G. Rosenthal, Jérusalem (Bibliothèque des arts, 1968).