Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Jérusalem (suite)

Les débuts de la ville

La ville apparaît dans l’histoire vers 2000-1900 av. J.-C. Elle porte alors le nom de Urushalem (« fondée par le dieu Shalem ») et est une étape sur la route des crêtes, moins fréquentée que la via maris et que la « chaussée royale », entre l’Égypte et le Croissant fertile. Cité d’importance moyenne, moins riche que Hébron, Sichem ou Gabaon, elle pouvait compter, au moment de la pérégrination d’Abraham, environ 15 000 habitants. Ses rois, qui selon la conception sémitique la plus ancienne assumaient également la fonction sacerdotale à l’égard de la divinité locale (El Elyon, le « Dieu très haut »), portaient des titres incluant le mot sedeq (justice) : Melchisedech, Adonisedech. Les lettres d’Al-Amarna (v. 1350) et le deuxième Livre de Samuel (xxiv, 16) mentionnent toutefois un roi portant un nom hourrite et un autre un nom indo-européen. La population y était donc mêlée. D’après les lettres d’Al-Amarna, ces rois payaient tribut au pharaon.


Jérusalem à l’époque biblique

Lors de la conquête de Josué, la cité, tenue alors par des Cananéens du nom de Jébuséens, conserva son autonomie et constitua une enclave au milieu des israélites, les séparant en tribus du Nord et tribus du Sud. Des fouilles récentes ont montré que la citadelle enlevée vers l’an 1000 par Joab, général de David, fut bien capturée, ainsi que le rapporte la Bible, par son canal souterrain, le sinnor (II, Sam., v, 8), stratagème resté légendaire. Comme les assaillants étaient des gens du roi, la ville ne fut attribuée par David à aucune des tribus, devint domaine royal et fut appelée cité de David. Le roi en fit le ciment de l’unité du peuple hébreu. En transférant l’Arche d’alliance de Kiryat Yearim (cité de la confédération gabaonite où elle était entreposée) à Jérusalem, il y fixa le sanctuaire amphictyonique, autrefois à Silo. Puis, en élevant un autel sur l’aire de battage du dernier souverain jébuséen, Arauna, il érigea Jérusalem en centre religieux de tout Israël.

Cette consécration de la cité fut parachevée par Salomon, qui construisit le Temple (969-962) et le Palais royal. L’édification du Temple suivant les consignes laissées par Moïse marque une étape importante dans l’histoire du monothéisme. Le Temple devint le centre national et liturgique du peuple hébreu en attendant de devenir, avec la réforme de Josias et la promulgation du Deutéronome (622), le lieu de culte exclusif. Salomon* fit de Jérusalem une cité opulente.

La période de deux cents ans qui s’écoula entre le schisme du royaume (931) et la destruction de l’État du Nord (721) fut une période d’instabilité pour Jérusalem, capitale du royaume de Juda. Quand la menace assyrienne fondit sur le royaume d’Israël (721), le petit État du Sud, où se manifestait alors la personnalité marquante du prophète Isaïe, survécut à la tourmente. Il succomba pourtant en 587 sous les coups du roi Nabuchodonosor. Mais, entre-temps, les promesses prophétiques avaient été attachées au royaume de Juda, et l’espoir de sa restauration accompagnera les déportés à Babylone où fut composé le psaume 137 : « Si je t’oublie Jérusalem, que ma droite m’oublie ! » C’est en exil aussi que s’élabora une représentation idéalisée du Temple à rebâtir.

Après l’édit de Cyrus (538), une caravane de retour, conduite par Zorobabel, procéda à l’édification du Temple, mais de façon beaucoup plus modeste qu’il n’avait été prévu (520-515). Lorsque Néhémie, revenu un siècle plus tard avec des groupes plus nombreux, voulut relever les murs (445-443), il dut affronter l’opposition de Sanaballat, gouverneur de Samarie, et ne put exercer son autorité au nom du roi de Perse que sur une ville restreinte, soumise à un numerus clausus. Une fois le pays repeuplé, le scribe Esdras procéda dans une « grande assemblée » à la publication du texte de la loi et à l’établissement du cadre légal qui donna à la nouvelle communauté sa cohésion religieuse et nationale (428 ou, plutôt, 398).

L’invasion de la Syrie par Alexandre le Grand (332) mit fin soudain à l’hégémonie perse et fit passer Jérusalem sous la domination des diadoques et de leurs successeurs lagides (319-197), puis séleucides (197-142). L’influence des maîtres de l’heure ne devint cependant marquante qu’au iie s. ; les mœurs grecques pénétrèrent alors le peuple juif ; les jeux du stade firent leur apparition à Jérusalem. L’autorité du sacerdoce aaronide, compromise dans cette situation, en fut atteinte ; il en résulta des luttes entre deux grandes familles hiérosolymitaines, les Oniades et les Tobiades, et la formation de groupes religieux dissidents dont certains préférèrent l’exil à l’imposture (communautés de l’Alliance de « Damas », esséniens de Qumrān).

À cette époque naquit le parti pharisien, de recrutement surtout populaire, qui s’opposa au parti sadducéen, lié au sacerdoce du Temple et soutenu par les classes dirigeantes. En 167, le roi syrien Antiochos IV Épiphane prit occasion de ces divisions pour intervenir et pour mettre à exécution son programme d’assimilation forcée : hellénisation de la cité et du Temple, où il instaura le culte de Zeus Olympien, confiscation des impôts du culte au profit du trésor de la Couronne, érection d’une place forte pour la lutte contre l’Égypte (construction de l’Acra au centre de la ville). La crise amena au pouvoir les hellénistiques radicaux réunis autour du grand prêtre Ménélas. Ce coup de force fut à l’origine de la révolte des Maccabées. Judas Maccabée, après une lutte de guérilla contre les généraux Nicanor et Gorgias, parvint à s’emparer du sud de la ville et du Temple, qu’il purifia le 25 kislev 164, jour d’où date la fête juive de Hanoukka. Mais le nord de la ville, appuyé à l’Acra, resta aux mains des troupes grecques, et la cité fut partagée en deux tronçons par un mur. La partie fortifiée ne cédera qu’en 143 sous les coups de Simon l’Asmonéen.

Jérusalem redevint alors pour quatre-vingts ans la capitale d’un État juif florissant. Les Asmonéens (ou Hasmonéens) eux-mêmes n’en furent pas moins amenés à se conformer très rapidement sous de nombreux aspects aux coutumes de la civilisation hellénistique. Le conflit des sadducéens et des pharisiens rejaillit alors et prit sous leur règne un tour aigu. Le dernier roi asmonéen, Aristobule II (67-63), ne put empêcher l’intervention des légions romaines et l’installation à leur solde de l’Iduméen Hérode le Grand (37-4).