Jean Chrysostome (saint) (suite)
L’épiscopat des tribulations
La réputation de Jean d’Antioche va valoir à celui-ci une promotion qui causera son malheur. En 397, Nectaire, évêque de Constantinople, meurt, et Jean se trouve, sans l’avoir désiré, élu au siège épiscopal de la cité impériale.
Mal préparé à sa nouvelle charge, il ne sera pas l’homme de la situation. L’atmosphère de Constantinople, avec ses coteries, ses intrigues de cour, n’est pas celle de la calme et provinciale Antioche. Jean n’est ni diplomate ni mondain ; ses adversaires l’accuseront d’être autoritaire et cassant. Son prédécesseur, qui aimait le faste, était un évêque accommodant ; le clergé et les moines en ont pris à leur aise avec la discipline ecclésiastique. Jean arrive avec un plan de réformes rigoureuses, qu’il va mettre en œuvre avec la raideur de son tempérament. Mais clercs et moines s’insurgent et opposent une résistance active. Dans l’ardeur de son zèle réformateur, Jean intervient dans les affaires religieuses de la province d’Éphèse. Une histoire de moines d’Égypte réfugiés à Constantinople et accusés d’hérésie l’oppose au patriarche d’Alexandrie, l’influent et vindicatif Théophile († 412). Les relations de l’évêque avec le palais impérial commencent aussi à se dégrader. Les sermons où Jean attaque, avec sa fougue habituelle, le luxe de la Cour et des classes dirigeantes finissent par provoquer de l’irritation en haut lieu. Certaines dames de la Cour desservent l’évêque auprès de l’impératrice Eudoxie, qui règne sur l’empire et sur l’esprit de son mari, le falot empereur Arcadius. D’autant que Jean n’épargne rien ni personne : prenant la défense d’une veuve lésée par le pouvoir impérial, il évoque dans une homélie la figure de Jézabel, la reine impie de la Bible (I, Rois, XXI), qui avait fait tuer Nabot pour le dépouiller de son bien ; l’impératrice, non sans raison, se sent visée.
Ce front d’oppositions mondaines, politiques et ecclésiastiques aboutit en 403 à la déposition de l’évêque et à son envoi en exil. Mais, après quelques jours, la situation est renversée. Le mécontentement populaire et un accident survenu au palais (une fausse couche de l’impératrice), interprété comme un signe du ciel, font revenir l’autorité impériale sur sa décision. La trêve, pourtant, ne dure que quelques semaines. Les rancunes accumulées contre Jean sont trop vives, et lui-même n’a pas un tempérament capable de garder des ménagements. L’hostilité renaît plus vive que jamais entre l’évêque et l’impératrice. Parlant sur la décapitation de Jean-Baptiste, Jean commence son sermon en ces termes : « Une fois de plus Hérodiade se déchaîne [...] une fois encore elle réclame la tête de Jean. » Hérodiade, c’est, en l’occurrence, Eudoxie : l’allusion est transparente et comprise de tous.
Le 9 juin 404, un nouvel ordre de bannissement est signé. Après trois ans d’un dur exil, Jean mourra dans un petit village sur les bords de la mer Noire. « Gloire à Dieu pour tout » seront les dernières paroles qui sortiront de la « Bouche-d’Or ».
La gloire de Jean Chrysostome a été incomparable, mais ce n’est pas au théologien qu’elle est allée : ses conceptions théologiques ne sont ni originales ni profondes. Le renom s’est attaché à l’orateur, et, fait assez remarquable, ses sermons sont peut-être les seuls de l’antiquité grecque chrétienne qui puissent encore de nos jour servir à la prédication. Ils sont si directs, si vivants qu’ils paraissent ne pas avoir vieilli.
I. T.
➙ Chrétiennes (littératures) / Patrologie.
C. Baur, Der heilige Johannes Chrysostomus und seine Zeit (Munich, 1929-30 ; 2 vol.). / A. Moutard, Saint Jean Chrysostome, sa vie, son œuvre (Procure générale, 1949). / A. J. Festugière, Antioche païenne et chrétienne. Libanius, Chrysostome et les moines de Syrie (E. de Boccard, 1959). / S. Verosta, Johannes Chrysostomus (Vienne, 1961). / B. H. Vandenberghe, Saint Jean Chrysostome et la parole de Dieu (Éd. du Cerf, 1962). / H. Tardif, Jean Chrysostome (Éd. ouvrières, 1963). / E. Rome, Actualité de saint Jean Chrysostome (La Colombe, 1964).
