Jean-Baptiste (saint) (suite)
Ce dernier aspect de la prédication du Baptiste paraîtra inquiétant aux autorités en place. Hérode Antipas, qui est atteint dans sa vie privée par les rudes exigences morales du prophète et qui redoute les remous nationalistes que pouvait susciter ce mouvement, fait arrêter Jean, qui sera décapité dans sa prison (v. 28 apr. J.-C.). N’accordons pas trop crédit à la fameuse danse de Salomé.
Jean l’essénien ?
Dans la mesure où nous connaissons la pensée des esséniens de la mer Morte (tous les textes découverts ne sont pas encore exploités), nous pouvons prudemment avancer que le message de Jean-Baptiste n’est pas sans rapport avec les idées de Qumrān (endroit où furent découverts à partir de 1947 les célèbres manuscrits dits « de la mer Morte »). Le lieu de la prédication du Baptiste sur les bords du Jourdain est à situer précisément à quelques kilomètres au nord de Qumrān. Jean a-t-il appartenu à cette communauté avant de constituer autour de lui un groupe de disciples ? On ne saurait avec certitude ni l’affirmer ni le nier. Toujours est-il que l’on peut sentir certains points de contact. Le baptême de Jean rappelle les baptêmes esséniens, et le message que celui-ci prêche n’est pas sans analogie, dans ses grandes lignes, avec la doctrine de l’essénisme de Qumrān.
Mais ces indices convergents ne suffisent à étayer la certitude que Jean soit essénien. Les différences que l’on peut constater le feraient plutôt apparaître comme un dissident de l’essénisme. Son baptême, à la différence de celui des esséniens, n’est reçu qu’une fois et a une signification plus nette dans le sens de l’appartenance au futur royaume messianique. Le message de Jean est plus ouvert, plus missionnaire, et celui-ci ne confine pas ses fidèles dans la solitude du désert. Lui et ses disciples apparaissent plutôt comme le chaînon ou l’un des chaînons entre l’essénisme et le christianisme. Ce lien est d’ailleurs suggéré par les Évangiles eux-mêmes dans le récit du baptême de Jésus par Jean-Baptiste. Quels furent les rapports de Jésus et de Jean ? La question sera abordée ailleurs (v. Jésus). Toutefois, il est un fait certain que, dans l’état des recherches actuelles, l’historien est « contraint à donner plus d’importance aux relations de Jésus avec Jean-Baptiste, en particulier à situer son activité, sa manière d’agir, son enseignement par rapport à celui de Jean » (Xavier Léon-Dufour).
La survie de Jean-Baptiste
Le mouvement religieux animé par Jean-Baptiste a survécu à son fondateur. Nous en retrouvons les traces dans les Évangiles, à travers les rivalités qui opposent les disciples de Jean à ceux de Jésus (Jean, III, 22 à 30). Les deux premiers disciples de Jésus lui viennent de l’entourage du Baptiste (Jean, I, 35 à 40). Dans les Actes des Apôtres (XIX, 1 à 7), nous apprenons que Paul rencontre des disciples qui n’ont reçu que le baptême de Jean. Le mouvement baptiste disparut, peu à peu absorbé soit par le christianisme, soit par le judaïsme et même, à la limite, par l’islām. Plusieurs sourates du Coran sont consacrées au Baptiste, et Mahomet a vu en lui un grand prophète.
Il existe encore en Iraq une secte qui se réclame de Jean-Baptiste, celle des mandéens, ou chrétiens de saint Jean. Certains savants ont pensé y retrouver les lointains descendants du prophète des bords du Jourdain. En réalité, des études sérieuses faites depuis une cinquantaine d’années ont amené les chercheurs à conclure que nous sommes bien en présence de traditions dont le fonds remonte à un baptisme sans doute antérieur au Nouveau Testament, mais repris ultérieurement et modelé par des influences chrétiennes et musulmanes dans lesquelles Jean-Baptiste lui-même paraît n’avoir joué aucun rôle.
La prédication de Jean-Baptiste n’aurait été qu’un épisode assez banal dans l’histoire de la pensée juive du ier s. si le christianisme n’en avait subi l’influence à ses débuts.
I. T.
➙ Jésus / Mandéisme / Morte (manuscrits de la mer).
M. Goguel, Au seuil de l’Évangile. Jean-Baptiste (Payot, 1928). / E. Lohmeyer, Das Urchristentum, t. I : Johannes der Täufer (Göttingen, 1932). / J. Thomas, le Mouvement baptiste en Palestine et en Syrie (Duculot, Gembloux, 1935). / C. H. Kraeling, John the Baptist (New York, 1951). / J. Steinmann, Saint Jean-Baptiste et la spiritualité du désert (Éd. du Seuil, 1955). / J. Daniélou, Jean-Baptiste, témoin de l’Agneau (Éd. du Seuil, 1964). / C. Scobie, John the Baptist (Londres, 1964).