Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

anesthésie (suite)

Ce même appareil devient un appareil à circuit fermé si la fourniture de gaz respiratoire chargé de vapeurs anesthésiques est limitée à la capacité d’absorption de l’opéré. Le circuit respiratoire est alors complètement indépendant de l’air atmosphérique : l’opéré moyen absorbe les 300 cm3 d’oxygène délivré par le débitmètre, et restitue une quantité à peu près égale de gaz carbonique (CO2). Celui-ci doit évidemment être éliminé, et pour cela un canister (récipient) plein de chaux sodée est inclus dans le circuit : l’absorption du gaz carbonique (CO2) peut être parfaite pendant un quart d’heure environ, au terme duquel il est indispensable de changer de canister.

Les meilleures conditions d’application de ce type de circuit sont celles où un gaz puissant comme le cyclopropane est employé seul avec l’oxygène. Mais c’est là un agent anesthésique onéreux, et, pour des raisons d’économie, Ralph Milton Waters a simplifié l’appareil vers 1930, tout en améliorant l’épuration. L’arrivée d’oxygène et d’anesthésique se fait près du masque bien appliqué, hermétique ; les gaz expirés passent une première fois dans le canister, pour aller dans le ballon-réservoir, et une seconde fois, en va-et-vient, pour aller du ballon au patient, en s’enrichissant au passage d’une ration fraîche d’oxygène. Le circuit est alors aussi fermé que celui d’un sous-marin en plongée.

Par un retour naturel des choses, ce système simplifié a été adopté dans presque tous les cas, et il suffit d’entrouvrir la valve d’échappement tout en augmentant l’apport d’oxygène pour revenir immédiatement au système semi-fermé. Il existe donc deux types de circuits fermés : le circuit circulaire, également appelé circuit filtre, et le circuit en va-et-vient. Un jeu de débit judicieusement réglé les transforme tous les deux, à la demande, en circuits semi-fermés.


Les appareils

Commencée avec des instruments très modestes, et d’abord avec un peu de tissu et un flacon, la technique anesthésique s’est exercée à l’aide d’appareils de plus en plus élaborés. L’un des plus connus, utilisé en France pendant plus d’un demi-siècle, est l’appareil d’Ombredanne. Il donne de l’éther en circuit semi-fermé. Il a été ensuite adapté au chlorure d’éthyle par Camus. En Angleterre, les appareils à barbotage d’oxygène dans l’éther ou le chloroforme — tel l’appareil de Boyle — sont devenus, en passant en Amérique, de grandes machines alimentées en oxygène, en azote, en acide carbonique, en hélium, en protoxyde d’azote, en cyclopropane, en éther, en chloroforme, en trichloréthylène, et maintenant en halothane et en méthoxyflurane, qui peuvent être rapidement transformées en respirateurs mécaniques dotés d’enregistreurs de la respiration, de l’électrocardiogramme, de la tension artérielle et veineuse, etc.

L’évolution était donc amorcée depuis quelques années lorsque l’épidémie de poliomyélite de Copenhague (1952) donna l’essor à la respiration mécanique par voie interne (par opposition au poumon d’acier, qui agit sur la cage thoracique).

Avec les progrès des connaissances en matière de respiration et d’appareils respiratoires, avec les progrès de l’anesthésie non inhalatoire, le nombre d’anesthésistes utilisant pour tout appareil « d’anesthésie » les respirateurs mécaniques et les circuits décrits plus haut ne fait qu’augmenter. L’évolution des techniques se fait dans ce sens par l’emploi d’appareils complets de surveillance, les moniteurs (ou monitors) réalisant le monitorage (ou monitoring).

J. V.


Les pionniers de l’anesthésie


William E. Clark,

médecin américain de Rochester. Il donne de l’éther pour une avulsion dentaire en 1842, quelques mois avant la tentative de Long.


Crawford Williamson Long,

médecin américain (Danielsville, Géorgie, 1815 - Athens, Géorgie, 1878). Elève de la première école de médecine créée en Amérique (université de Pennsylvanie), praticien à Jefferson (Jackson County, Géorgie), il donne la première anesthésie à l’éther, sur le jeune James Venable, le 30 mars 1842 ; mais il ne publie son expérience que sept ans plus tard.


Joseph François Malgaigne,

chirurgien français (Charmes 1806 - Paris 1865). Il est le premier en France à employer l’éther, le 12 janvier 1847.


William Thomas Green Morton,

médecin américain (Charlton, Massachusetts, 1819 - New York 1868). Dentiste devenu étudiant en médecine, partenaire d’Horace Wells, puis spectateur de la tentative de ce dernier avec le protoxyde d’azote, il expérimente sur le chien, puis sur le jeune Eben Frost pour une avulsion dentaire (mais à l’éther, comme Long), le 30 septembre 1846. Le 16 octobre 1846 a lieu au Massachusetts General Hospital de Boston la séance d’où l’on est convenu de faire dater l’anesthésie chirurgicale. Le chirurgien John Collins Warren extirpe une tumeur de la joue de Gilbert Abbott, sous éther.


John Snow,

médecin anglais (1813 - 1858). Fils d’un fermier de York, il devient président de la Société de médecine de Londres. Il est le plus grand et le premier des anesthésistes « plein-temps ». Entre autres, il invente la méthode de chloroformisation « à la reine ». Plusieurs années avant les travaux de Pasteur, il affirme que le choléra se transmet par l’eau de boisson. Il meurt à quarante-cinq ans, après avoir publié un grand livre sur l’anesthésie inhalatoire, fondé sur des milliers de cas cliniques : Du chloroforme et de quelques autres anesthésiques (1858).


Horace Wells,

dentiste américain (Hartford, Vermont, 1815 - New York 1848). Dentiste de profession, il se trouve dans la salle des fêtes d’Hartford où Gardner Quincy Colton (1814-1898), chimiste et conférencier itinérant, démontre les propriétés inébriatives du protoxyde d’azote. Un spectateur monté sur la scène pour « faire rire » (d’où le nom de gaz hilarant) s’étant blessé sans paraître en souffrir, Wells, frappé par cet événement, se fait extraire une dent sous l’influence du gaz, et sans aucune douleur (11 déc. 1844). Après plusieurs expériences heureuses, il va à Boston pour convaincre les étudiants de l’école médicale de Harvard, mais sa démonstration est un fiasco. Wells a une fin prématurée et misérable.