Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
J

jambe (suite)

Fractures de l’extrémité inférieure de la jambe

Ce sont les fractures supramalléolaires, rares mais de réduction difficile, les fractures articulaires et les fractures du cou-de-pied. D’une très grande fréquence, elles exigent un traitement rigoureux, car la réparation du mécanisme exact et précis qu’est l’articulation tibio-tarsienne ne supporte pas l’à-peu-près. Rares sont les fractures du pilon tibial, où, à la suite d’un choc de bas en haut, l’astragale fait sauter le toit de la mortaise. Beaucoup plus fréquentes sont les fractures malléolaires, dues à une torsion du pied suivant un axe vertical ou horizontal, ces deux mécanismes étant en règle générale diversement associés. On distingue ainsi : des fractures par abduction, dont le type est la fracture de Dupuytren, qui associe une fracture de la malléole interne à sa base à une fracture du péroné 8 à 10 cm au-dessus de la pointe malléolaire ; et des fractures par adduction, où le trait est plus bas sur la malléole externe, juste au-dessus ou au-dessous du toit de la mortaise ; il faut en rapprocher les fractures isolées de la malléole externe avec arrachement du ligament latéral interne. L’examen clinique et radiologique ne doit pas se limiter à déterminer le type de la fracture, mais à déceler l’existence d’un diastasis, c’est-à-dire d’un écartement anormal des extrémités inférieures du tibia et du péroné ; ce diastasis, non réduit, entraînerait de graves séquelles, la mortaise tibio-péronière ne s’adaptant plus parfaitement au tenon astragalien. Le traitement des fractures du cou-de-pied doit être effectué d’urgence : la réduction est généralement facile dans les premières heures, la contention étant obtenue par un appareil plâtré en position de fonction. Mais il est des cas où le diastasis est irréductible, où un fragment marginal postérieur est incoercible ; il faut alors avoir recours à l’intervention sanglante : boulonnage tibio-péronier, vissage d’une malléole ou d’un troisième fragment tibial. Bien traitées, ces fractures se consolident en deux à trois mois, mais une rééducation bien menée est indispensable pour rendre à la tibio-tarsienne son fonctionnement normal. En l’absence de réduction parfaite, les fractures du cou-de-pied se consolident en mauvaise position : il en résulte un ensemble de désordres plus ou moins graves, ces cals vicieux du cou-de-pied étant de traitement particulièrement délicat.

P. D.

James (William)

Philosophe américain (New York 1842 - Chocorua, New Hampshire, 1910).


Frère du romancier Henry (v. art.), il reçoit une éducation puritaine et cosmopolite (séjours en France, en Grande-Bretagne et en Suisse). Il se frotte à la peinture, puis entre à Harvard en 1861, où il devient l’assistant de Louis Agassiz (1807-1873), un naturaliste suisse fixé aux États-Unis, qu’il accompagne en Amazonie. Docteur en médecine, il gravit les échelons de la carrière universitaire depuis le grade d’instructor de physiologie, anatomie et hygiène en 1872 jusqu’au titre de « professeur de philosophie », en alternance avec celui de psychologie, cela jusqu’à sa retraite.

Sa contribution à la psychologie est restée moins marquante que la conception philosophique qui la sous-tend, le pragmatisme.

Cette trouvaille fut d’abord celle d’un autre philosophe, Charles Sanders Peirce (1839-1914), qui, devant le succès rencontré par William de James, rebaptisa ensuite son système en « pragmaticisme », dont le contenu théorique est voisin.


Qu’est-ce que le pragmatisme ?

Le fondement formulé par Peirce en est le suivant : « Considérons l’objet d’une de nos idées et représentons-nous tous les effets imaginables et pratiques qu’il peut avoir : je dis que notre idée de l’objet n’est rien de plus que la somme des idées de tous ces effets. » Pour James, le pragmatisme se présente comme une méthode qui « consiste à interpréter chaque conception d’après ses conséquences pratiques ». Rien n’est vrai en soi en dehors de ses conséquences pratiques : si deux hypothèses métaphysiques antinomiques n’ont aucune conséquence pratique, l’alternative est indécidable et sans intérêt. L’expérience sert en fait de pierre de touche, dans la mesure où l’hypothèse a quelque conséquence que l’homme peut percevoir et vérifier expérimentalement. « La vérité d’une idée n’est pas une propriété stagnante qui lui soit inhérente. La vérité arrive à une idée. Elle devient vraie, elle est rendue vraie par les événements. La vérité de cette idée est en fait un événement, un processus, notamment le processus selon lequel elle se vérifie, sa vérification. Sa validité est le processus de sa validation. »

James lie ainsi le pragmatisme à des conceptions philosophiques issues du développement des sciences, l’empirisme, le positivisme et le nominalisme ; de plus, il fait de la méthode expérimentale l’instrument privilégié de toute connaissance, rejoignant en cela le courant de pensée qui animait un Claude Bernard*.


Les théories psychologiques

En matière de psychologie, James a mis en avant une théorie qui fait de l’esprit une fonction parmi les autres fonctions qu’exercent les organes du corps. La fonction de l’esprit consiste à adapter l’individu au milieu qui l’environne, et, parfois même, à modifier ce milieu pour arriver à ses fins.

L’importance de l’étude du comportement, conçu comme un ensemble de processus physiologiques, apparaît dans la théorie des émotions que James a préconisée. Il l’a énoncée en des termes qui paraissent intentionnellement paradoxaux, parce que James voulait jeter à bas une vieille conception, l’intellectualisme. James se veut « anti-intellectualiste », comme le montre sa description du processus émotionnel : « Nous nous sentons tristes parce que nous pleurons, furieux parce que nous frappons, effrayés parce que nous tremblons. Nous ne pleurons pas, nous ne frappons pas, nous ne tremblons pas parce que nous sommes tristes, furieux ou effrayés selon le cas. » Cependant, James ne réduit pas la conscience à n’être qu’un « épiphénomène », comme le font certains matérialistes, c’est-à-dire à une sorte de prise de conscience de phénomènes matériels qui se déroulent sans que la part de la conscience que l’homme en a ne puisse arriver à en modifier les causes profondes. Il écrit : « Depuis le jour de notre naissance, la conscience est une multiplicité foisonnante d’objets et de relations, et ce que nous appelons des sensations simples, ce sont les résultats d’une attention discriminante, souvent poussée à un très haut degré. »