Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
J

Jacques Ier (suite)

Sur le plan constitutionnel, il compta, pour vaincre les oppositions que ne manquait pas de susciter une politique de taxation menée en dehors de tout accord du Parlement, sur les juges. Cependant lorsque le plus respecté d’entre eux, sir Edward Coke (1522-1634), fit preuve d’indépendance, il chargea Bacon de l’en débarrasser (1616) : un puissant allié vint renforcer ainsi le parti de John Pym (v. 1588-1643).

Mais c’est sur le plan de la politique internationale qu’il commit les pires imprudences. Il avait tout d’abord suivi une politique populaire : fidèle allié des Provinces-Unies, il s’était joint en 1613 à l’Union des princes protestants et avait donné sa fille Élisabeth en mariage à l’Électeur palatin Frédéric V, l’un des plus ardents propagandistes du calvinisme en Allemagne. Pourtant, un plan dangereux séduisit Jacques Ier et Buckingham : les bonnes paroles de l’ambassadeur d’Espagne Diego Sarmiento de Acuña (v. 1567-1626), comte de Gondomar, les convainquirent de négocier un mariage entre le prince héritier, Charles, et l’infante d’Espagne Marie, sœur de Philippe IV, en leur faisant miroiter une énorme dot qui les aiderait à résoudre les difficultés financières de la Couronne. Dès lors, Jacques Ier donna des gages à l’Espagne : sir Walter Raleigh*, qui avait attaqué en 1616, au cours d’une expédition en Guyane, des possessions espagnoles, fut exécuté en 1618. La situation devint encore plus inextricable lorsque, en 1619, le gendre du roi, l’Électeur Frédéric, fut élu roi de Bohême par les protestants tchèques et qu’en 1620 il fut écrasé à la bataille de la Montagne Blanche par l’empereur Ferdinand II. Jacques Ier voulait certes l’aider, et il dut pour cela convoquer le Parlement.

Mais celui-ci ne pouvait approuver un souverain qui, réclamant des subsides pour partir en guerre contre les Habsbourg de l’Empire et secourir les protestants, négociait en même temps avec les Habsbourg d’Espagne, piliers de la contre-offensive catholique en Europe ! Menées par Pym et Coke, les Communes ne s’en laissèrent pas compter : Jacques Ier dut abandonner Bacon à leur colère. Pourtant, il n’obtint rien et, en novembre 1621, il dut dissoudre le Parlement, tandis que Coke était jeté en prison et Pym assigné à résidence.

La situation financière devenait cependant fort critique. En fin de compte, c’est un coup de tête du prince Charles et de Buckingham qui dénoua l’imbroglio : en 1623, ils partirent pour l’Espagne incognito. Mais leur escapade tourna fort mal, et Charles fut proprement éconduit. Dès lors, il fallait bien abandonner le rêve de l’alliance espagnole : le retournement de la position anglaise fut rapide. Un traité avec la Hollande fut bientôt conclu, et des négociations avec la France en vue du mariage de Charles et d’Henriette-Marie, sœur de Louis XIII, furent entamées. C’était encore une princesse catholique, mais la France de Richelieu* paraissait la seule puissance capable d’aider efficacement l’Électeur Frédéric et son beau-père dans leur entreprise.

Aussi, en 1624, l’harmonie paraissait restaurée entre le roi et le Parlement : d’importants subsides permettaient au roi d’équiper une armée qui, confiée à Ernst von Mansfeld, devait aller aider Frédéric, tandis que les monopoles, désormais inutiles, étaient sérieusement restreints. Lorsque, le 27 mars 1625, le vieux souverain s’éteignit, il ne paraissait plus y avoir de débat ouvert entre le Parlement et la monarchie : en réalité, aucune question fondamentale n’avait été résolue, et les difficultés du règne suivant allaient bien le montrer.

J.-P. G.

➙ Écosse / Grande-Bretagne / Stuarts (les).

 C. H. Mcllwain, The Political Works of James I (Londres, 1918). / J. R. Tanner, Tudor Constitutional Documents (Cambridge, 1930). / G. Davies, The Early Stuarts, 1603-1660 (Oxford, 1937 ; 2e éd., 1959). / M. Ashley, England in the Seventeenth Century, 1603-1674 (Harmondsworth, 1954 ; nouv. éd., 1961). / D. H. Wilson, King James VI and I (Londres, 1956). / T. L. Moir, The Adled Parliament of 1614 (Oxford, 1958).

Jacques II

(Londres 1633 - Saint-Germain-en-Laye 1701), roi d’Angleterre et d’Irlande, et roi d’Écosse (Jacques VII) de 1685 à 1688.


Fils du roi Charles Ier et de son épouse Henriette-Marie, fille d’Henri IV, duc d’York en 1634, il eut, comme son frère aîné, le futur Charles II, une enfance bouleversée par les crises de l’Angleterre. Longtemps réfugié à Oxford, il tomba entre les mains des parlementaires (1646-1648) : mais, en 1648, il s’en échappa et, dès lors, mena une vie errante, résidant tantôt en France, tantôt en Hollande, ou encore à Jersey et dans les Pays-Bas espagnols.

Cette période fut d’ailleurs riche d’enseignements pour lui : il acquit, au service de la France, puis de l’Espagne, une solide expérience militaire, qui lui valut l’estime de Turenne. Il commanda même une partie de l’armée espagnole à la bataille des Dunes (1658). Ces capacités compensaient une personnalité ingrate : grand, mais dépourvu de la grâce qui caractérisait son frère, le duc d’York se montrait hautain et cassant, obstiné et désagréable. Jouant volontiers les tartufes, il était, en réalité, tout aussi dissolu que Charles II, même s’il ne témoignait pas du même bon goût que lui dans le choix de ses maîtresses (Charles estimait que les maîtresses de son frère n’étaient que des pénitences particulièrement ardues que lui imposaient ses confesseurs !). À cela vint s’ajouter par la suite une étroite bigoterie, tandis qu’en conséquence de ses excès de toute sorte son intelligence et ses aptitudes s’évanouissaient.

La Restauration lui permit, cependant, de prouver sa valeur. Il exerça en effet les fonctions de grand amiral et accomplit une œuvre considérable dans le domaine de la marine avec l’aide d’adjoints remarquables, comme Samuel Pepys (1633-1703) et Matthew Wren (1629-1672). Il conduisit, avec succès dans l’ensemble, la flotte contre la marine hollandaise lors des guerres anglo-hollandaises, se mesurant honorablement avec un marin de la trempe de Michiel Adriaanszoon de Ruyter (1607-1676). Mais, dès 1668, il semble s’être rapproché de l’Église catholique : en 1671, il était officiellement converti. Son épouse, Anne Hyde, fille du comte de Clarendon, qui lui avait donné deux filles, Marie et Anne, étant morte en 1671, il se remariait en 1673 avec la très catholique Marie de Modène (1658-1718). Et, cette même année, le Parlement votait le Test Act, qui excluait de toutes les fonctions officielles les catholiques. Une véritable psychose du « complot papiste » saisissait d’ailleurs l’Angleterre, et la haine contre les catholiques était telle que le duc d’York devait, en 1679, se réfugier à Bruxelles, tandis que plusieurs leaders politiques réclamaient son exclusion du trône d’Angleterre. L’habileté de Charles II mit fin à la crise, et, à partir de 1683, York recommença à jouer un rôle important.