Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Italie (suite)

L’importance du milieu urbain n’a pas empêché l’architecture d’affirmer sa présence aux portes des villes et dans les campagnes. La preuve en est d’abord dans les abbayes : celles des Bénédictins (dont le Mont-Cassin reste la plus illustre), celles des Cisterciens, les couvents des ordres mendiants, les chartreuses (celle de Pavie en tête), et de nombreux sanctuaires de pèlerinage, expression artistique de la piété populaire. On trouve aussi beaucoup de châteaux forts, notamment en Piémont, en Lombardie, en Vénétie, en Toscane, en Ombrie et, grâce à Frédéric II de Hohenstaufen, dont la personnalité marque l’incomparable Castel del Monte, en Apulie. Témoins de la période féodale avec leurs donjons, leurs crénelages et leurs mâchicoulis à consoles très hautes, ils peuvent refléter dans leur aménagement le goût des époques postérieures.

Le château n’est cependant pas l’élément le plus caractéristique du paysage italien ; ce rôle revient à la villa, héritière de la tradition latine. Il s’agit d’un domaine d’agrément ou de prestige, dépourvu de tout caractère féodal. Les villas datent surtout des xvie, xviie et xviiie s. ; elles sont nombreuses et belles en Vénétie, en Lombardie du Nord et autour de villes telles que Gênes, Florence, Lucques, Rome, Naples, Palerme. Le bâtiment d’habitation peut aussi bien se réduire à une maison très simple que prendre l’aspect d’un palais fastueux, comme c’est le cas en Vénétie avec certaines villas de Palladio* ou d’inspiration palladienne, à Rome (mais autrefois hors du milieu urbain) avec celles des papes et des cardinaux, aux environs de Rome avec le palais Farnèse de Caprarola, imposante construction pentagonale d’Antonio da Sangallo* le Jeune et de Vignole. Mais la villa est un ensemble dans lequel le jardin* peut compter autant que la demeure. Le maniérisme et l’âge baroque ont fait la beauté des jardins italiens, dont le style se définit par une certaine fantaisie dans la disposition d’éléments réguliers par eux-mêmes et par la place importante qu’y occupent les morceaux d’architecture et de sculpture. Les jardins Boboli, à Florence, ceux de la villa d’Este, à Tivoli, et de la villa Lante, près de Viterbe, figurent parmi les plus réputés.

Certaines demeures princières de plaisance méritent l’appellation de palais : ainsi le palazzo del Te, que Jules Romain édifia et décora, aux portes de Mantoue, pour Frédéric II Gonzague. L’Italie monarchique du xviiie s. offre des exemples frappants de résidences d’apparat auxquelles l’influence française n’est pas étrangère : le palais de chasse de Stupinigi, construit par Juvara, près de Turin, pour Victor-Amédée II ; le palais de Colorno, domaine des ducs de Parme ; les palais royaux de la maison de Bourbon et surtout celui de Caserte, dont l’architecture colossale, œuvre de Luigi Vanvitelli (1700-1773), commande la perspective d’un jardin qui a la majesté de Versailles.


La sculpture

Il n’est guère d’architecture italienne qui néglige le concours des autres arts. Présente dans les églises comme dans les palais, sur les places des villes comme dans les jardins, la sculpture assume avant tout une fonction monumentale. Cela dit, son alliance avec l’architecture a rarement pris l’aspect d’une soumission. Depuis les maîtres romans de San Zeno de Vérone et de la cathédrale de Modène jusqu’à Antonio Canova*, champion du néo-classicisme, en passant par Benedetto Antelami (connu de 1177 à 1233), Nicola et Giovanni Pisano, Iacopo della Quercia, Donatello et ses émules florentins du quattrocento, Michel-Ange et le Bernin, l’histoire de la sculpture italienne est celle d’un effort continu pour faire prévaloir les valeurs proprement plastiques, pour consacrer la suprématie de la figure humaine sur le motif ornemental, du relief et de l’expression sur la stylisation. Plus qu’un décor, cette sculpture est un langage au service d’une pensée. Elle utilise principalement la terre cuite, naturelle ou émaillée, et des matières nobles : le marbre, le bronze. Malgré leur maîtrise dans le bas-relief, les sculpteurs italiens ont marqué quelque prédilection pour la ronde-bosse ; cette tendance apparaît dans les retables, les monuments funéraires, les statues diverses, mais aussi dans les portraits en buste et dans les petits bronzes que la Renaissance a multipliés.


La peinture

On peut, comme à la sculpture, lui reconnaître une vocation monumentale, que traduit la suprématie, constante jusqu’au début du xixe s., de la peinture d’histoire, autrement dit des grandes compositions à sujets religieux, mythologiques, allégoriques ou, ce qui est plus rare, proprement historiques. C’est là que les maîtres italiens ont vraiment prouvé leur capacité d’invention. Leur technique favorite a été la fresque, qui convient par excellence à la décoration murale. Seule Venise, pour des raisons de climat, a préféré donner la toile pour support aux grandes compositions. Ailleurs, la toile comme le panneau sont généralement réservés aux ouvrages de plus petit format : tableaux d’autels, de galeries, de cabinets. La mosaïque*, héritage romain et byzantin, a longtemps survécu à Venise, à Rome, en Sicile et même à Florence.

La plupart des grands maîtres de la peinture italienne sont en même temps ceux de la peinture d’histoire, qui a toujours assuré le primat de la figure humaine, en la plaçant dans un monde idéal. Certains, cependant, ont aussi vu l’homme dans son individualité, comme le montrent les portraits peints par Piero della Francesca, Antonello da Messina, Botticelli, Léonard de Vinci, Raphaël, Titien, le Tintoret, Barocci*, le Bernin. D’autres ont abordé le paysage ou la nature morte, mais plutôt sous forme de morceaux intégrés à des compositions. Ces divers genres, toutefois, qui relèvent du réalisme ou de la fantaisie décorative, ont été plus souvent pratiqués par des spécialistes, ou du moins par des peintres qui ont donné là le meilleur d’eux-mêmes : pour le portrait, Agnolo Tori, dit il Bronzino (1503-1572), à Florence, Giovanni Battista Moroni (v. 1525-1578) et Giuseppe Ghislandi, dit fra Galgario (1655-1743), en Lombardie, la pastelliste Rosalba Carriera (1675-1757) à Venise ; pour le paysage, Marco Ricci (1676-1730) à Venise et les auteurs de « vedute », tels Giovanni Paolo Pannini (v. 1691-1765) à Rome, Canaletto, Bellotto et F. Guardi à Venise ; pour la nature morte, Giovan Battista Ruoppolo (1620-1685) et Giuseppe Recco (1634-1695) à Naples, Evaristo Baschenis (1607 ou 1617-1677) à Bergame ; pour la peinture « de genre », enfin, Baldassare Franceschini, dit il Volterrano (1611-1688), à Florence, Gaspare Traversi (1725 ?-1769) à Naples, Giovanni Benedetto Castiglione (v. 1610-1665), Bernardo Strozzi (1581-1644) et Alessandro Magnasco (1667-1749) à Gênes, Giuseppe Maria Crespi (1665-1747) à Bologne, Giacomo Ceruti (1re moitié du xviiie s.) à Brescia, Pietro Longhi à Venise.