Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Italie (suite)

Après la satire antiaristotélicienne conduite par Traiano Boccalini (1556-1613) dans ses Ragguagli di Parnaso et la critique de Pétrarque par Tassoni, la poétique de Marino fut au centre des plus vives polémiques littéraires (cf. l’Occhiale de Stigliani). Vers le milieu du siècle, celles-ci font place à une réflexion plus sereine et plus ample sur la rhétorique, avec Matteo Pellegrini (1595-1652, Delle acutezze), Pietro Sforza Pallavicino (1607-1667, Considerazione sopra l’arte dello stile e del dialogo) et surtout Emmanuele Tesauro (1592-1675, Il Cannocchiale aristotelico), génial théoricien d’une prodigieuse érudition. Secondo Lancellotti (1583-1643) dans l’Oggidi se fait le champion inconditionnel de la modernité. Daniello Bartoli (1608-1685), qui selon Leopardi est à la prose ce que Dante est à la poésie, a laissé une œuvre immense allant de l’éloquence sacrée à l’histoire, de l’essai rhétorico-philosophique au traité scientifique (Della storia della Compagnia di Gesù, L’Uomo di lettere difeso ed emendato, La Ricreazione del savio, Del ghiaccio e della coagulazione). L’Istoria del Concilio tridentino de Paolo Sarpi (1552-1623) et l’Istoria del Concilio di Trento du cardinal Pietro Sforza Pallavicino, réfutation de la précédente, sont des textes essentiels à l’interprétation de la Contre-Réforme. Le jésuite Paolo Segneri (1624-1692 ; Quaresimale) est le plus justement célèbre parmi les prédicateurs d’un siècle qui en fut aussi riche que d’épistoliers de talent.

Sur le modèle de Galilée, la prose scientifique italienne, encouragée par de remarquables académies (Accademia nazionale dei Lincei, fondée en 1603 par Federico Cesi ; Accademia del Cimento, fondée en 1657 par Léopold de Médicis), est illustrée par Francesco Redi (1626-1698 ; Osservazioni intorno alle vipere, Esperienze intorno alla generazione degli insetti), Lorenzo Magalotti (1637-1712 ; Lettere familiari contro l’ateismo, Lettere scientifiche ed erudite), Evangelista Torricelli (1608-1647), Vincenzo Viviani (1662-1703), Benedetto Castelli (1577-1643).

Le roman, qui, à l’intérieur de structures chevaleresques, pastorales ou historiques, amalgame les expériences stylistiques, politiques et existentielles les plus disparates, est de loin le genre le plus populaire de l’époque : Giovan Francesco Biondi (1572-1644 ; Eromena, La Donzella desterrata, Coralbo), Gian Francesco Loredano (1606-1661 ; Dianea), Giovanni Ambrogio Marini (v. 1594 - v. 1650 ; Calloandro fedele), Francesco Fulvio Frugoni (v. 1620 - v. 1684/1689 ; Il Cane di Diogene), Girolamo Brusoni (1614-1686 ; Gondola a tre remi, Carrozzino alla moda, Peota smarrita).

L’intense activité théâtrale du xviie s. se partage entre la « commedia dell’arte », le drame didactique d’inspiration religieuse et les tragédies ou comédies « régulières », bridées par la poétique aristotélicienne ou flattant le goût de 1’« horrible », dérivé de Sénèque. Deux noms dominent la scène tragique : Federico Della Valle (1565-1628 ; Iudit, La Reina di Scozia) et Carlo Dottori (1618-1685 ; Aristodemo) ; et pour la comédie : Michelangelo Buonarroti il Giovane (1568-1642, La Tancia, La Fiera).


L’Arcadie et l’illuminisme (xviiie s.)

La fondation en 1690 de l’« Arcadie » consacre et accélère le déclin de la poétique baroque. Cette académie, née à Rome dans l’entourage de Christine de Suède et sous l’autorité législatrice de Gian Vincenzo Gravina (1664-1718), se ramifie en de nombreuses « colonies » à travers toute l’Italie. Le retour au classicisme (Théocrite, Virgile, Sannazzaro), qu’elle préconise, ne s’oppose en fait au maniérisme baroque que pour créer une nouvelle « manière », archaïsante et pastorale, qu’illustrent entre tant d’autres Giovan Battista Zappi (1667-1719), Carlo Innocenzo Frugoni (1692-1768), Aurelio Bertola de’ Giorgi (1753-1798), Iacopo Vittorelli (1749-1835), Paolo Rolli (1687-1765), tandis que Métastase (pseudonyme hellénisant de Pietro Trapassi, 1698-1728), disciple et successeur à la cour de Vienne de Apostolo Zeno (1668-1750), triomphe dans le mélodrame (Didone abbandonata, Olimpiade, Demofoonte, La Clemenza di Tito, Temistocle, Attilio Regolo). Le Palermitain Giovanni Meli (1740-1815) anime, par l’usage du dialecte, ce que l’inspiration arcadique pouvait avoir de trop compassé.

Mais l’« Arcadie » ne fut pas seulement un courant littéraire, à travers ses cénacles où se réunissaient librement les hommes les plus éclairés (de Vico à Goldoni, de Parini et Alfieri à Goethe). Elle contribua au renouvellement de la culture italienne qui coïncida avec l’illuminisme. Renouvellement dont les premiers effets se manifestent dans le domaine de l’érudition historique : Lodovico Antonio Muratori (1672-1750 ; Rerum italicarum scriptores, Antiquitates Italicae Medii Aevi, Annali della storia d’Italia, Della perfetta poesia italiana), Pietro Giannone (1676-1748 ; Istoria civile del regno di Napoli), Girolamo Tiraboschi (1731-1794 ; Storia della letteratura italiana).

Si Vico* est le plus grand penseur de son temps, il ignorait tout des langues vivantes, véhicules, en particulier le français et l’anglais, des nouvelles idées. Les principaux centres de l’illuminisme sont Milan et Naples. À Milan, l’économiste Pietro Verri (1728-1797) fonde Il Caffe (1764-1766), le plus célèbre périodique cosmopolite, et le juriste Cesare Beccaria* s’attire une renommée européenne avec Dei delitti e delle pene (1764). À Naples se distinguent Antonio Genovesi (1712-1769), Gaetano Filangieri (1752-1788 ; Scienza della legislazione), Francesco Mario Pagano (1748-1799 ; Del civile corso delle nazioni), tandis que l’abbé Ferdinando Galiani (1728-1787), formé dans les cercles illuministes napolitains, vécut dix ans à Paris, où il écrivit en français ses Dialogues sur le commerce des blés (1770).

Nombre des idées nouvelles confluent dans l’essai et la critique littéraires : Francesco Algarotti (1712-1764 ; Saggi, Neutonianismo per le dame), Saverio Bettinelli (1718-1808 ; Lettere virgiliane), Melchiorre Cesarotti (1730-1808 ; Saggio sulla filosofia delle lingue). Giuseppe Baretti (1719-1789), fondateur du périodique vénitien La Frusta Letteraria (1763-1765), brillant polémiste et remarquable lexicographe, écrivit en français son Discours sur Shakespeare et monsieur de Voltaire (1777) et en anglais son Account of the Manners and Customs of Italy (1768).