Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

anesthésie (suite)

Théories de l’anesthésie

Le mécanisme exact de l’anesthésie, quelles que soient ses modalités, est aussi mal connu et par conséquent aussi controversé que le fonctionnement intime des cellules vivantes et plus spécialement des cellules nerveuses. Le fait que la plupart des agents anesthésiques sont beaucoup plus solubles dans les lipides que dans l’eau a fait dire que des modifications physiques s’opposaient au fonctionnement de la cellule sans la détruire si la durée et l’intensité d’action ne dépassaient pas certaines limites. L’adsorption des agents anesthésiques par les molécules protéiques a été également invoquée, ainsi que la gêne au passage du courant électrique par le gonflement des particules intracellulaires.

En ce qui concerne l’anesthésie locale (comme pour l’action des curares), il est fait appel à des notions de polarité électrique locale et plus précisément membranaire, avec de séduisantes conclusions théoriques et pratiques.

Le plus simple est de considérer les phénomènes d’oxydoréduction intracellulaires et leurs variations en fonction de la pénétration plus ou moins forte des agents anesthésiques dans les cellules, et plus précisément dans les lipides intracellulaires.

L’imbibition se fait à partir du plasma sanguin d’autant plus rapidement que l’anesthésique a une plus grande affinité pour les graisses. Arrivé à son but, il y ralentit, y suspend le cours normal des oxydoréductions, mais partiellement et pour une durée limitée à son séjour in loco, et non comme ferait la privation totale d’oxygène.

Or, de toutes les cellules de l’organisme, celles qui consomment le plus d’oxygène, et qui sont donc les premières à souffrir de cette hypoxie, sont les cellules nerveuses supérieures, celles du cerveau.

Le premier signe de l’anesthésie chirurgicale sera l’inconscience, le sommeil. Puis les autres se succéderont, dans un ordre qui ne relève que de la physiologie de chaque tissu.

L’art de l’anesthésie consiste à employer des drogues maniables et à les utiliser de manière telle que leur action soit réversible, entièrement.


Effets et modalités de l’anesthésie


Système nerveux

Les effets les plus marqués se font sentir sur le système nerveux central pour l’anesthésie générale, sur le système nerveux périphérique pour l’anesthésie locale. Nous avons vu que les premiers étaient en rapport avec une hypoxie particulière des centres nerveux supérieurs. Les seconds sont le fait de l’interruption de la conduction des nerfs, sensitifs ou moteurs. Les anesthésiques usuels ont peu d’influence sur le système nerveux autonome (sympathique et parasympathique). L’éther est un excitant du sympathique, au début de son action. Ensuite, il redevient silencieux et, si sa concentration devient excessive, il laisse se développer une paralysie du système nerveux autonome. Le thiopentone a une légère activité para-sympathicotonique, au début de son action. Les curarisants, quant à eux, possèdent des propriétés sympathicolytiques plus ou moins marquées suivant leur type.


Appareil respiratoire

Dans la vie normale, la respiration subvient aux besoins de l’organisme en oxygène. Lorsque les conditions sont modifiées par la maladie ou par un artifice tel que l’anesthésie, la fonction respiratoire se trouve plus ou moins perturbée.

Il en découle l’obligation, assumée par l’anesthésiste, de veiller à ce que la respiration soit respectée ou suppléée par la respiration artificielle. Celle-ci a paru longtemps se limiter aux méthodes de Schæfer ou de Silvester, mais en réalité les anesthésistes mettaient au point les techniques modernes. Depuis une quinzaine d’années, l’anesthésiste peut, avec ses mains ou à l’aide d’appareils à insuffler de l’air et de l’oxygène dans les poumons, corriger la dépression respiratoire.

Les troubles de la respiration que les premiers anesthésistes redoutaient le plus étaient la toux et l’apnée (arrêt respiratoire). La première n’est que le signe de l’irritation des voies aériennes sous anesthésie trop légère, et la seconde est reconnue et combattue très aisément.

On peut aussi observer une respiration trop ample (hyperpnée) ou une respiration trop rapide (tachypnée), souvent dues à l’hypoxie (manque d’O2) et à l’hypercapnie (excès de CO2), ou au contraire une respiration trop faible (hypopnée) ou trop lente (bradypnée), souvent liées à l’intoxication médicamenteuse.

Ces troubles sont tous neutralisés dans leurs effets métaboliques par la ventilation artificielle, manuelle ou mécanique.

Les obstructions qui s’opposent au libre passage de l’air ont de nombreuses causes, mais leur effet est toujours le même : l’asphyxie, avec ses corollaires, l’hypoxie et l’hypercapnie. Si le gaz carbonique en excès ne peut pas être rejeté à l’extérieur, il s’y ajoute une acidose. (V. acido-basique [équilibre].)

Les causes d’obstruction sont la chute de la langue en arrière et l’adduction forcée des cordes vocales (obstructions hautes), les spasmes bronchiques, l’œdème pulmonaire, le refoulement du diaphragme par le contenu abdominal (obstructions basses).

Pour lutter contre l’obstruction haute, on peut propulser simplement la mâchoire inférieure en avant (contre la chute de la langue) et introduire un tube endotrachéal (v. ci-après), ou, dans les cas extrêmes, pratiquer une trachéotomie. (V. trachée.)

En cas d’obstruction basse, on utilise certains médicaments (antispasmodiques et anti-inflammatoires [corticoïdes], tonicardiaques et diurétiques), ou bien le chirurgien libère le mouvement diaphragmatique.


Appareil circulatoire, foie, rein

La circulation a pour objet de porter jusqu’aux cellules de l’organisme l’oxygène (acquis grâce à la respiration) et les principes nourriciers élaborés dans les organes digestifs et dans le foie.