Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

anémie (suite)

Telles apparaissent les anémies chroniques, isolées ou non, d’observation quotidienne dans la pratique médicale courante. Les problèmes étiologiques qu’elles posent ne sont pas toujours faciles à résoudre et imposent dans un certain nombre de cas des investigations poussées. Ce serait donc une erreur que d’entreprendre un traitement avant d’être sûr de l’existence de l’anémie et avant d’avoir éclairci sa variété ainsi que son mécanisme.


Les anémies aiguës et suraiguës

Bien différentes sont les anémies suraiguës, impliquant une thérapeutique d’urgence. Elles sont certes beaucoup plus rares que les précédentes et s’accompagnent le plus souvent d’un tableau clinique qui suggère fortement le diagnostic. Il suffit de citer les grandes hémorragies aiguës, soit externes, évidentes, soit internes, d’allure parfois plus trompeuse. Néanmoins, la chute impressionnante de la tension artérielle et l’accélération du pouls, qui « s’affole », imposent une thérapeutique immédiate. Devant ces cas, l’expérience prouve qu’il faut transfuser du sang rapidement et suffisamment.

De même, les grandes crises hémolytiques sont très suggestives. L’accident transfusionnel aigu, se traduisant par des signes de choc avec frissons, hémoglobinurie puis anurie, requiert l’exsanguino-transfusion d’urgence. Il peut s’agir d’incompatibilité dans le système de groupe A.B.O., mais bien plus souvent l’incompatibilité a lieu au niveau du système Rhésus ou d’un sous-groupe méconnu. À propos des anémies hémolytiques inhérentes aux incompatibilités de type Rhésus, il y a lieu de rappeler la possibilité d’accidents fœto-maternels par sensibilisation lors de grossesses ou de transfusions antérieures de mères Rhésus négatif. Le tableau est toujours très évocateur et l’on ne dispose pour y remédier que de l’exsanguino-transfusion dans les délais les plus brefs. Certaines septicémies sont à l’origine de grandes crises hémolytiques. Telles sont les septicémies après avortement, dues au germe Welchia perfringens, requérant les mêmes méthodes que précédemment. L’hémolyse observée au cours de l’accès pernicieux du paludisme doit en être rapprochée. D’autres causes paraissent beaucoup plus rares, du moins sous nos climats, comme certaines morsures de serpents, qui commandent l’administration parentérale de corticoïdes. Enfin, de grandes crises hémolytiques peuvent survenir au cours de maladies auto-immunes, nécessitant l’administration de corticoïdes en perfusion veineuse et de globules rouges lavés.

De toute façon, au-dessous d’un chiffre que l’on peut fixer à 1 million de globules rouges par millimètre cube, la vie est immédiatement menacée. Il faut donc traiter au plus vite, en particulier dans le cas d’une maladie de Biermer avec signes neurologiques menaçant d’une sclérose combinée. De la même façon, certaines anémies hypochromes par carence en fer (telle l’anémie des mineurs par ankylostomiase) peuvent exiger une transfusion de culot globulaire en urgence, suivie d’une recharge en fer rapide et intense.

Au total, s’il faut condamner une précipitation parfois excessive face à certaines anémies mal expliquées, il ne faut pas davantage se laisser abuser par la bonne tolérance apparente de certaines anémies intenses, dont l’évolution secondaire pourrait être catastrophique, faute d’un traitement approprié.

M. R.


Les grands spécialistes de l’anémie


Anton von Biermer,

médecin suisse (Bombay 1827 - Breslau 1892). Il fut l’un des premiers à décrire l’anémie pernicieuse, et surtout à en individualiser le tableau désormais classique, qui a permis de lui décerner la dénomination de l’affection.


George Richards Minot,

médecin et biologiste américain (Boston 1885 - id. 1950). Professeur à l’université Harvard, il proposa, dès 1926, avec Murphy, de traiter l’anémie pernicieuse de Biermer par ingestion massive de foie cru. Cette découverte, qui est à la base de la notion de principe antipernicieux, lui valut le prix Nobel en 1934.


William Parry Murphy,

médecin américain (Stoughton, Wisconsin, 1892). Professeur à l’université Harvard, il a montré avec Minot, en 1926, que l’ingestion de foie corrigeait la maladie de Biermer. Prix Nobel 1934.


George Hoyt Whipple,

médecin et physiologiste américain (Ashland, New Hampshire, 1878 - Rochester, New York, 1976). Professeur au John Hopkins Hospital (1908), à l’université de Californie (1914) et à l’université Rochester de New York (1921-1952), il décela le rôle capital qui revient au foie dans la réparation des pertes en hématies et donc dans l’érythropoïèse. Cette découverte du principe antianémique du foie (1924) lui valut le prix Nobel en 1934.

 M. M. Wintrobe, Clinical Hematology. Lee and Fibiger (Philadelphie, 1942 ; 6e éd., 1967). / P. Chevallier, les Anémies et polycythémies chroniques (Monographies médicales et scientifiques, 1960). / J. Bernard et J. Ruffié, Hématologie géographique. Écologie humaine. Caractères héréditaires du sang (Masson, 1966). / M. Paget (sous la dir. de), les Anémies. Études cliniques et biologiques (Expansion scientifique française, 1966). / J. Bernard, Maladies du sang (Flammarion, mise à jour annuelle).

anesthésie

Suppression de la sensibilité.


L’anesthésie peut être spontanée, pathologique, ou au contraire provoquée dans un dessein thérapeutique.

Spontanée, c’est la privation partielle ou générale de la faculté de sentir, et plus particulièrement de sentir la douleur. Rencontrée, avec un grand nombre de modalités dans plusieurs états pathologiques, c’est un élément séméiologique important dans les affections neurologiques. (V. sensibilité.)

Provoquée, c’est une insensibilité artificiellement produite pour supprimer la douleur qui accompagne la plupart des interventions chirurgicales. C’est celle que nous étudierons ici.

L’anesthésie moderne comprend, outre l’insensibilité provoquée, ou analgésie, la surveillance et la sauvegarde de toutes les fonctions vitales plus ou moins troublées par la maladie ou par les techniques anesthésiques elles-mêmes.

Comme l’anesthésie « spontanée » de certaines maladies nerveuses, l’anesthésie chirurgicale peut être générale (et accompagnée de sommeil) ou locale, portant sur une partie plus ou moins étendue du corps.

L’anesthésie générale peut s’administrer par plusieurs voies (la voie respiratoire, la voie veineuse, la voie rectale), ainsi que par la mise en œuvre de l’électricité ou du froid.

Les modalités de l’anesthésie locale ne sont pas moins nombreuses. Suivant la localisation recherchée, il peut s’agir d’anesthésie par contact, d’infiltration locale, d’anesthésie tronculaire, rachidienne (péridurale ou sous-arachnoïdienne).