Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Italie (suite)

Cependant, la situation sociale s’aggrave brusquement : l’augmentation notable des loyers et celle des tarifs de chemins de fer et des impôts provoqueront (janv.-févr. 1963) des grèves, dont certaines intéressent jusqu’à six millions d’ouvriers. Une menace d’inflation plane. Pour l’extérieur, si la majorité des partis critique le dialogue direct franco-allemand et le veto français à l’entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché commun, la plupart des socialistes stigmatisent — à la suite de la visite de Fanfani à Washington (15-20 janv.) — le principe d’une force nucléaire multilatérale.

Toute cette période (1958-1963) correspond au plus fort du « miracle » économique italien.


De 1963 à 1968


Les élections de 1963

Aux élections des 28 et 29 avril 1963, le parti libéral, en gagnant plus d’un million de voix, bénéficie probablement de la crainte d’une partie de l’électorat démocrate-chrétien en face d’une « ouverture à gauche ». C’est dire le léger recul de la démocratie chrétienne, qui perd 800 000 voix. Le parti communiste, avec plus de 25 p. 100 des suffrages exprimés, devient la formation communiste la plus puissante de l’Europe occidentale.


Aldo Moro et le centre gauche

Le 25 mai, le président de la République charge Aldo Moro de former le nouveau gouvernement. Le principal obstacle réside dans les divergences entre les socialistes nenniens et Saragat. Le 18 juin, Moro doit renoncer. On revient à la solution de facilité : la formation d’un cabinet homogène démocrate-chrétien, qui est présidé par Giovani Leone (19 juin).

Tout l’avenir de l’« ouverture à gauche » est suspendu aux débats du 35e congrès du parti socialiste (25-29 oct. 1963). Celui-ci vote une motion relative à l’« autonomie » du parti par rapport aux communistes et à la possibilité d’une entente avec la démocratie chrétienne. Le 7 novembre, le Conseil national de la démocratie chrétienne vote, à une large majorité, une motion autorisant l’ouverture de négociations avec les républicains, les socialistes et les sociaux-démocrates. Depuis deux jours, le ministère Leone est démissionnaire.

Le 11 novembre, Moro est chargé de former un gouvernement, mais ce n’est que le 5 décembre qu’il peut présenter son cabinet de centre gauche. Pietro Nenni devient vice-président, et Saragat ministre des Affaires étrangères. En tout, il y a 16 ministres démocrates-chrétiens, 6 socialistes nenniens, 3 sociaux-démocrates et 1 républicain. L’une des conséquences de la participation des socialistes (PSI) est la formation du parti socialiste italien d’unité prolétarienne (PSIUP), issu de l’aile gauche du parti, hostile à l’alliance avec la démocratie chrétienne.

Les premiers mois du cabinet Moro sont difficiles. La crise économique et financière se développe, qui oblige le gouvernement à promulguer, dès le 23 février 1964, une série de mesures d’austérité. Par ailleurs, la cohésion gouvernementale est dangereusement menacée par la publication, dans Il Messaggero, d’un texte montrant que Moro n’est pas d’accord avec les socialistes en ce qui concerne les réformes structurelles de l’économie. L’affaire fait tant de bruit que Moro démissionne le 26 juin.

Le second cabinet Moro est surtout aux prises avec des problèmes économiques : l’inflation de 1963, la crise de la balance des comptes, la baisse des exportations, l’extension du chômage l’amènent à adopter un plan de stabilisation dont souffriront surtout l’industrie automobile et la construction. Le plan quinquennal (1965-1969) doit être rapidement révisé en fonction de cette politique. Par ailleurs, la coalition gouvernementale souffre, d’une manière quasi endémique, de l’opposition sourde de l’aile gauche des socialistes.

Là-dessus éclate l’« affaire La Pira » : l’ancien maire de Florence, au retour d’un voyage à Hanoi, confie publiquement, dans les salons de Fanfani, ses sentiments (sévères pour A. Moro) au sujet de la guerre du Viêt-nam ; le journaliste d’extrême droite qui recueille les impressions de La Pira s’empresse de les publier dans Il Borghese. Fanfani démissionne (28 déc. 1965) ; Moro assure l’intérim des Affaires étrangères, tout en refusant la démission de Fanfani. Le gouvernement se retire cependant le 20 janvier 1966.

Dès le 22 juillet 1964, Moro est à la tête d’une seconde formation gouvernementale, en substance la même que la précédente. Le 6 décembre, le président de la République, Segni, souffrant, démissionne. Ce n’est que le 28 décembre 1964, et au vingt et unième tour de scrutin, que Saragat, candidat de la gauche, est élu président de la République. En août, le leader communiste Togliatti était décédé (23 août) ; c’est Luigi Longo qui lui avait succédé comme secrétaire général du parti communiste, Pietro Ingrao devenant le leader parlementaire du parti. Chez les démocrates-chrétiens, Mariano Rumor était élu secrétaire général.

Fanfani est désigné pour succéder à Saragat aux Affaires étrangères (5 mars 1965). En fait, les problèmes extérieurs de l’Italie — en dehors de l’épineux problème du Haut-Adige — sont assez limités : constamment fidèle à l’Alliance atlantique et au traité de Rome de 1957, la diplomatie italienne s’aligne sur les plus « européens » de ses partenaires.

La crise ministérielle est difficile à dénouer : A. Moro peut enfin constituer son troisième cabinet avec 14 ministres démocrates-chrétiens, 5 socialistes (dont Nenni comme vice-président du Conseil), 2 PSDI et un républicain. A. Fanfani est maintenu aux Affaires étrangères. Le 15 mars 1966, la Chambre (347 voix contre 251) accorde sa confiance à ce gouvernement, dont la composition témoigne d’un renforcement de la coalition centriste.

Le 28 juillet 1966 a lieu, à Rome, la réunion du comité paritaire PSI-PSDI, sous la présidence de P. Nenni. La réunification devient effective lors de la constituante socialiste (30 oct. 1966). Alors naît le parti socialiste unifié (6 millions d’électeurs et 600 000 adhérents inscrits). Pietro Nenni est élu « président de tous les socialistes » ; les deux secrétaires généraux élus représentent respectivement l’ex-PSI (Francesco De Martino) et l’ex-PSDI (Mario Tanassi). Un certain nombre de membres de l’ancien parti socialiste démocratique refusent d’entériner une telle décision ; ils font sécession en fondant l’Union socialiste démocratique.