Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Italie (suite)

• Cependant, les interventionnistes amplifient leur action, orchestrée par Gabriele D’Annunzio*. Le gouvernement Salandra finit par obtenir du Parlement la déclaration de guerre à l’Autriche (23 mai 1915) avec l’espoir que l’Italie complétera son unité par la conquête du Trentin, de Trieste et de l’Istrie, et obtiendra des avantages territoriaux en Adriatique et outre-mer. L’Italie n’entrera en guerre contre l’Allemagne qu’un an plus tard, le 27 août 1916. (V. Guerre mondiale [Première].)

• La guerre (1915-1918) impose à l’Italie un effort disproportionné avec ses forces. Le pays mène d’ailleurs une guerre essentiellement antiautrichienne, sans suffisamment de liaison avec ses alliés. Le théâtre des opérations, dans les Alpes, ne favorise guère l’offensive et rend particulièrement dure la vie des combattants ; le général en chef Luigi Cadorna lance cependant sur l’Isonzo (1915-1917) des attaques multiples qui se révèlent très sanglantes.

• Le courant neutraliste, allié au défaitisme, reprend dès lors vigueur en Italie, d’autant plus qu’en octobre 1917 les Autrichiens, perçant le front par surprise, atteignent le Piave : c’est la défaite de Caporetto. Cependant, les Italiens tiennent sur le Piave.

• Le gouvernement formé alors par Vittorio Emanuele Orlando fait confiance au nouveau généralissime, Armando Diaz, qui renforce le front avec l’aide des alliés et qui le 24 octobre 1918 déclenche avec 57 divisions une action offensive : elle aboutit à la victoire de Vittorio Veneto et à la signature, le 4 novembre, de l’armistice italo-autrichien.

• L’Italie déplore 530 000 morts et un million de blessés. Sa marine marchande a perdu 59 p. 100 du tonnage total ; sa dette publique est passée de 14 à 63 milliards de lires-or.

• À la conférence de la paix (1919), Orlando s’oppose à Wilson, car les alliés semblent ne guère tenir compte des revendications italiennes ; d’où une énorme rancœur à leur égard en Italie.

• Cependant, le traité de Saint-Germain (10 sept. 1919) annexe à l’Italie le Trentin et le haut Adige jusqu’au Brenner. Les Italiens sont déçus ; dès le 12 septembre, D’Annunzio, avec ses arditi, entre à Fiume (auj. Rijeka*), qui a été refusée à l’Italie.

• La crise morale qui bouleverse alors le pays favorise, à l’occasion des élections de novembre 1919, le succès des « partis de masses » : les socialistes (156 députés), dont certains membres ont déjà adhéré à la IIIe Internationale ; le jeune parti populaire (v. democratie chretienne), fondé par don Luigi Sturzo (99 députés). Mussolini*, qui, à Milan, le 23 mars 1919, a fondé les Faisceaux italiens de combat, échoue par contre aux élections de 1919.

• Les socialistes sont débordés par leur aile maximaliste, qui constituera en 1921 (congrès de Livourne), avec Gramsci* et Togliatti, le parti communiste italien (v. communisme) ; ils entretiennent néanmoins une vive agitation sociale, tandis que leur non-participation rend précaire l’existence des ministères modérés Nitti et Giolitti.

• Pourtant, Giolitti, à nouveau président du Conseil (1920-21), peut normaliser la situation internationale par le traité italo-yougoslave de Rapallo (12 nov. 1920), qui donne à l’Italie Trieste, l’Istrie et la ville dalmate de Zara (auj. Zadar). L’Albanie — occupée depuis 1916 — puis Fiume — déclarée ville libre — sont évacuées par les Italiens.

• Cependant, le « péril rouge », la chute des prix agricoles, les occupations d’usines, la crise économique généralisée, les projets communistes affolent les grands propriétaires, les industriels et en général la haute bourgeoisie, qui assure au parti de Mussolini son appui financier.

• La division entre socialistes et démocrates chrétiens et la faiblesse des gouvernements I. Bonomi et L. Facta (1921-22) habituent beaucoup d’Italiens à un coup d’État par les Faisceaux (fascistes).

• Giolitti a cru bien faire en prononçant la dissolution de la Chambre ; les élections de 1921 renforcent les positions des populaires et des marxistes, mais envoient 25 fascistes — dont Mussolini — siéger au Parlement.

• La voie du pouvoir est ouverte pour Mussolini, qui bénéficie d’un immense réseau de complicités dans tous les corps de la nation. En octobre 1922, quelques semaines après une grève générale, c’est la marche sur Rome des fascistes ; le roi offre le ministère à Mussolini. La monarchie constitutionnelle s’est ligotée.


Le fascisme* (1922-1939)

• Mussolini mène d’abord une politique d’union : dans son premier ministère, son parti n’a que trois représentants. Puis il travaille à se rendre maître du pays, et le fascisme prend progressivement son visage de dictature antiparlementaire et antidémocratique.

• Le régime se forme entre 1922 et 1925 : création de la milice fasciste (1923) et modification de la loi électorale dans un sens favorable à l’extrême droite. De fait, lors des élections d’avril 1924, le bloc nationaliste-fasciste récolte 65 p. 100 des voix.

• Temps d’arrêt lors du meurtre par cinq miliciens du leader socialiste Giacomo Matteoti. Mussolini et les fascistes sont un moment en plein désarroi. L’opposition, divisée, ne profite pas de l’événement ; elle préfère « se retirer sur l’Aventin » : erreur de tactique qui profite au Duce.

• Le 3 janvier 1925, Mussolini annonce l’instauration, autour de sa personne, d’un régime totalitaire (v. fascisme) qui élimine l’opposition.

• Dès lors commence l’ère fasciste : quinze années marquées de réalisations en matière économique et sociale qui s’inspirent d’un corporatisme d’État fondé sur une charte du Travail (21 avr. 1927), mais aussi d’une autarcie autoritariste qui n’exclut pas l’autosuffisance.

• L’épineuse question romaine est réglée par les accords du Latran (1929), tandis que le fascisme pratique d’abord une large politique de collaboration internationale, adhérant à la Société des Nations et à la politique européenne de désarmement. La montée du nazisme pousse Mussolini à se rapprocher des démocraties par le Pacte à quatre (7 juin 1933) ; il mobilise même sur le Brenner après l’assassinat de Dollfuss (1934). À Stresa (1935), il fait chorus avec la France et la Grande-Bretagne dans leur hostilité à toute modification violente des frontières en Europe.

• Mais Mussolini croit trouver dans l’expansionnisme colonial un moyen d’exalter le sentiment national, d’offrir à une économie fragile de nouveaux débouchés et à une population pléthorique des zones à exploiter. Les accords avec Laval en 1935 lui laissent les mains libres en Éthiopie.

• Or, une fois engagée dans la campagne victorieuse d’Éthiopie (prise d’Addis-Abeba le 5 mai 1936), l’Italie est blâmée par la Société des Nations, qui lui inflige des sanctions économiques qui n’ont pour effet que de grouper toute l’Italie autour du Duce. (V. italo-éthiopienne [guerre].)

• Celui-ci non seulement fait proclamer le roi d’Italie empereur d’Éthiopie, mais il se prépare à rompre avec la S. D. N. et se tourne vers l’Allemagne hitlérienne.

• Dès lors se développe une politique de force et d’exaltation nationaliste dans l’ombre de Hitler : création de l’Axe Rome-Berlin (1er nov. 1936), adhésion au pacte Antikomintern (6 nov. 1937), soutien à Franco en Espagne et à Hitler à Munich (1939).