Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Italie (suite)

• Si la participation des Italiens à la guerre de la Prusse contre l’Autriche — malgré leurs défaites (Custoza, Lissa) — leur vaut l’annexion de la Vénétie (traité de Vienne, 1866), la question romaine est bloquée par le maintien des troupes françaises à Rome. En septembre 1864, Napoléon III, toujours résolu à aider l’Italie, signe une convention par laquelle il s’engage à évacuer Rome moyennant le transfert de la capitale à Turin (puis à Florence). Mais les offensives garibaldiennes contre Rome obligent l’empereur à y maintenir ses troupes.

• La guerre franco-prussienne de 1870 et les désastres français permettent aux Sardes de rompre la convention de 1864 et d’entrer — après une brève intervention d’artillerie — dans Rome, qui devient capitale de l’Italie. Mais, si un plébiscite dans l’État pontifical est favorable à l’annexion (2 oct. 1870), Pie IX ne reconnaît pas le fait accompli et refuse la loi des garanties votée pour lui par le Parlement italien le 9 mai 1871.

• Il ne manque plus à l’Italie que Trente et Trieste.


Le royaume d’Italie (1870-1945)


La gauche au pouvoir

• De 1870 à 1876 se maintient au pouvoir la « droite historique », les disciples de Cavour : Bettino Ricasoli, Giovanni Lanza, Emilio Visconti-Venosta, Marco Minghetti. Elle se heurte à la médiocrité des ressources industrielles, car l’économie italienne, essentiellement agricole, dépend largement de l’étranger. Le féodalisme du Mezzogiorno isole le Midi du nord de la péninsule ; on déplore l’analphabétisme (74 p. 100) et le manque de politisation d’une population en pleine croissance (26 millions en 1861, 32 en 1900) dont seulement 2 p. 100 ont accès au suffrage censitaire. L émigration (536 000 départs en 1901) devient un fléau national.

• L’étroitesse d’une vie politique nécessairement aux mains d’une minorité est accentuée par le veto papal qui interdit aux catholiques de poser leur candidature au Parlement.

• Dès 1876, une gauche anticléricale, où dominent mazziniens et garibaldiens, s’installe au gouvernement. En 1878, Pie IX et Victor-Emmanuel meurent ; ils sont remplacés par Léon XIII* et Humbert Ier.

• Deux hommes dominent en fait les affaires : Agostino Depretis et Francesco Crispi*, qui occuperont presque constamment la présidence du Conseil de 1876 à 1887 et de 1887 à 1896. Tous deux rompent avec le libre-échange et la francophilie de Cavour. Les ambitions françaises en Tunisie — où vivent de nombreux Italiens — éloignent davantage la gauche italienne de la France : en 1882, l’Italie adhère à la Triplice ; en 1886, elle dénonce le traité de commerce avec la France. Crispi — soucieux de mettre en sourdine l’irrédentisme italien — oriente sa politique vers l’expansion en Afrique : mais le désastre d’Adoua (1896), en Éthiopie, fait s’écrouler ses ambitions et provoque sa chute.

• À l’intérieur, Depretis pratique le trasformismo, qui ne fait pas fi de la corruption ; Crispi exerce une véritable « dictature » conservatrice, qui s’affronte violemment à un socialisme rural et à un anarchisme dont le développement est favorisé par une misère que ne peuvent résorber des progrès économiques certains. La guerre douanière avec la France et la mévente des produits agricoles qui s’ensuit provoquent d’énormes révoltes — en Sicile (1893-94), à Milan (1898) — et une dure répression. L’assassinat du roi Humbert Ier par un anarchiste (29 juill. 1900) clôt une période de désordres et de tensions.

• Cependant, il faut mettre à l’actif des gouvernements de gauche : l’abaissement du cens électoral et l’obligation de l’instruction primaire.


Le temps de Giolitti

• 1900 : l’avènement de Victor-Emmanuel III* et, trois ans plus tard, l’arrivée au pouvoir de Giolitti* — qui va s’y maintenir pratiquement jusqu’en 1914 — coïncident avec une reprise économique nette due partiellement à l’abondance et au bon marché de la main-d’œuvre et à la « révolution de l’électricité », importante dans ce pays de montagnes et de torrents.

• Giolitti redresse le pays par une excellente gestion financière qui suscite la confiance. L’expansion économique (industrie hydro-électrique et cotonnière) provoque une hausse des prix qui entretient une certaine agitation jusqu’à l’échec de la grève générale de 1904.

• L’opposition socialiste est en partie désarmée par une législation sociale importante, par l’adoption du statut des fonctionnaires (1908), du monopole des assurances (1912) et surtout par l’octroi, en 1912, du suffrage universel à tous les citoyens sachant lire et écrire ou ayant accompli leur service militaire à 21 ans. Néanmoins, la détresse du Midi reste presque intacte ; en 1913, 560 000 Italiens s’expatrieront pour l’Amérique ou les pays européens.

• La vie politique est ravivée par la participation plus active des catholiques (50 députés en 1913) aux élections, la papauté ayant levé en fait son non expedit (pacte Gentiloni).

• En même temps que se développe le nationalisme italien (irrédentiste et colonialiste), Giolitti se rapproche de la France, avec laquelle il signe plusieurs traités commerciaux et politiques, notamment en 1902 quand les accords secrets Prinetti-Barrère assurent la neutralité de l’Italie à l’égard de la France en cas de guerre.

• Ayant reconnu les droits de la France sur le Maroc, Giolitti, en 1911, engage la guerre avec la Turquie, ce qui lui permet d’annexer la Tripolitaine et la Cyrénaïque, d’occuper le Dodécanèse (paix d’Ouchy, 15 oct. 1912) et de rendre possible l’indépendance de l’Albanie (nov. 1912).

• Giolitti se retire en mars 1914, laissant au libéral Antonio Salandra le soin de faire face à une recrudescence d’agitation politique (« semaine rouge » en Romagne), sociale (grève des chemins de fer) et internationale.


La Grande Guerre et l’ère préfasciste

• Août 1914 : bien qu’ayant renouvelé la Triple-Alliance en 1912, l’Italie se déclare neutre au début du conflit mondial.